Nous sommes à la saison des délires électoraux.
Si on ne veut pas afficher ses couleurs ces jours-ci, on ne peut plus porter de l'orange, car ça appartient au MSM. Ni du rouge, propriété des Travaillistes. Ni du mauve, qui identifie le MMM. Ni du jaune, revendiqué tant par Bhadain que par Subron. Ni du blanc de Linion Moris. Ni du bleu, une fois encore présent des deux côtés de la barrière. Ni du rose du Party Malin. Je ne connais pas la couleur choisie par le Parti Pli Malin (devenu, depuis, le Parti «Pli Rusé»..., l'ESC souhaitant éviter toute confusion entre nos partis plus 'malins' les uns que les autres). Pour ceux désirant n'exhiber aucune affiliation à aucune tribu, il reste donc du gris et... du noir.
Broyez-le, en attendant les élections !
Les Rs 5 000 destinées à chaque enfant jusqu'à l'âge de 18 ans, ça ne m'épate pas. En fait, ça m'effraie un peu. D'autant qu'au dernier Budget, on proposait déjà Rs 2 500 par mois pendant 3 ans ! Qu'est-ce qui a pu, cinq mois plus tard, changer la donne aussi fondamentalement, à part les élections et l'absolue terreur de les perdre ?
Maintenant, selon les calculs de Phokeer, à chaque fois que l'on engrossera quelqu'une, on va la rendre... millionnaire? Vous imaginez les dégâts ?
Je sais qu'au moins une partie de la motivation est de bonne foi : c'est destiné à aider les familles à mieux supporter la création et le maintien d'une famille, pas vrai ? Mais on ne semble pas avoir beaucoup réfléchi à la proposition et à ses conséquences.
D'abord, signalons qu'une mesure semblable a été avancée par Kamala Harris aux États-Unis, sauf que là-bas il s'agit d'un «tax break» de 6 000 dollars, mettons Rs 300 000, (au taux où pourraient aller les choses bientôt) mais que ce n'est que pour UNE SEULE ANNÉE, soit celle de la naissance ! La mesure serait aussi «means tested» ! En plus, pour en bénéficier il faut déjà payer la taxe ! Si vous payez mettons 20 % à la marge, la famille bénéficie alors de Rs 240 000 net, soit 20 000 par mois pour 12 mois. À Maurice, pays dont le PIB/tête est de 5.5 fois inférieur à celui des États-Unis, l'allocation sera pour 18 fois plus longtemps (!), et coûtera, en fin de compte, à 18 ans, Rs 1 080 000, soit 4.5 fois plus, à parité constante ( !! ). On va indexer ces paiements, comme on y est ? Puisque nous faisons mieux que les Américains, il n'y a qu'à y aller franchement...
Et c'est sans doute là que se situe le délire, car 13 des 17 mesures phares du manifeste du parti Lepep(*) sont des transferts sociaux (les 4 autres parlent de charges provisoires, d'écoutes téléphoniques (Tiens ! L'effet Moustass ?), de certificats de moralité et d'animal shelters...) mais il n'y a aucune «mesure phare» pour l'économie du pays qui devra payer pour tout cela... La 6e des 17 mesures phares alignées par l'Alliance Lepep dans son manifeste électoral cette semaine ne laisse plus aucun doute. Cette allocation n'est pas pour les nouveau-nés seulement, mais pour «chaque enfant âgé entre 0 et 18 ans». On parle donc d'environ 300 000 enfants de 0 à 18 ans et donc de Rs 18.0 milliards par an. Sans le 13e mois... Qui va payer tout cela, après la pension de vieillesse à Rs 20 000 (Rs 70 milliards par an), les prêts à 0 % (Rs 38 milliards sur 5 ans), les médicaments gratuits (Rs 11.4 milliards de minimum annuel), l'allocation de Rs 2 000, plutôt chiche, aux femmes au foyer (Rs 8.2 milliards) et tout le reste?
Les Américains de Diego ?
À ce propos, on entend beaucoup mentionner «les milliards» de loyer qui vont nous arriver grâce à Diego. Certains préposés Lepep évoquent Rs 55 milliards par an et par extension d'une culture locale bien établie, parlent même de «back dating» de ces paiements pour des sommes encore plus astronomiques ...
Soyons réalistes, les gars ! À ce stade, ce ne sont que des désirs inassouvis ....
Si de telles sommes étaient envisagées et «presque» finalisées, pourquoi ne brandirait-on pas l'accord publiquement ? Secret d'État, comme pour Agaléga ?
Ensuite, si de telles sommes devaient effectivement être obtenues, le «deal» pourrait-il être de financer exclusivement les promesses de Pravind et pas celles de Navin ? Vous voyez sûrement, ici, l'absurdité des prétentions des partisans Lepep ?
Finalement, pour souligner quelques exemples qui devraient nous concerner. Le port de Djibouti ne récolte que USD 125 m des cinq pays qui en font actuellement usage : USA, France, Chine, Italie et Japon, Rs 6 milliards. Il est vrai que Diego est une exclusivité et que la base américaine qui s'y trouve est plus extensive, mais rappelons tout de même qu'au renouvellement du bail pour la base de Subic Bay aux Philippines, en 1991, les Philippines avaient exigé USD 825 millions par an, mais que les Américains n'offraient que le quart... c.-à-d. Rs 9.5 milliards au taux du jour. Les Américains ne cédèrent jamais et le bail fut donc formellement terminé ! Les Américains auront donc préféré se retirer et enlever certaines de leurs infrastructures lourdes, plutôt que de céder à l'exagéré.
Récemment, c'est le président Marcos qui a finalement invité les Américains à revenir pour conclure un accord de location sur quatre nouvelles bases, leur permettant ainsi de faire face à l'intimidation musclée des chinois en Mer de Chine... De leur côté, les sénateurs philippins réclament des loyers pour financer le déficit des fonds de pension de l'armée(**). Sont-ils en mesure d'exiger, vous croyez ? Les Japonais, quant à eux, paient 1.8 milliard de dollars annuellement aux États-Unis pour que ces derniers opèrent leurs bases et les protègent. C'est pareil en Corée du Sud, en Allemagne ou au Qatar. Les Américains sont peut-être riches, mais ils ne sont pas des pigeons à plumer. Car ce sont eux, en fin de compte qui paieront les Anglais qui resteraient «souverains» sur Diego ! Et si, par malheur, c'était Trump qui revenait au pouvoir, ne devrions-nous pas craindre même pire et qu'il n'adopte au moins l'approche SAJ : «Mo p...e ar zot, mwa ! Ki zot pou fer ? Envoy Dip dan Diego ?»
Baser l'avenir entier du pays sur 14 mesures sociales de plus qui n'encourageront sûrement pas une culture de l'effort si vitale au pays me paraît, au mieux, hasardeux et au pire, irresponsable. D'autant plus si le financement de ces mesures dépend crucialement d'une rente qui n'est pas encore là et qui, quand elle se matérialisera, devrait d'abord et en grande partie, revenir... aux Chagossiens !
Face à la réaction répétée des électeurs protestant contre les prix qui grimpent, Xavier-Luc Duval aurait tenté une parade à Mahébourg : «wi, lavi ser, li normal la vi inn ogmante parski nou tou nou saler inn ogmante» rapporte la presse. On croit rêver en se souvenant du chantre de «l'illusion monétaire» quand il était leader de l'opposition.
Je n'ai pas beaucoup écouté Missie Moustass directement. Probablement parce que tant de médiocrité, tant de pourriture m'écœure, alors qu'il s'agit de mon pays et de la manière dont ses détenteurs de pouvoir opèreraient. Cependant, on m'a demandé si je croyais ces conversations audios authentiques et j'aurais plutôt tendance à le croire. D'abord parce que si l'AI est capable de faire des merveilles de reproductions, il lui faut d'abord une base de données colossale. Or cela m'étonnerait beaucoup que la base de données en créole soit aussi profonde et large que celles qui sont en anglais, en mandarin, en russe ou en français... Après tout le 'marché commercial du créole' est si minuscule mondialement, qu'il ne devrait pas du tout intéresser ChatGPT et consorts... De plus, qui peut imaginer que la base AI du créole contiendrait de quoi permettre à un ordinateur d'associer la vierge Marie avec la bougie d'un flic ? C'est inimaginable !
Mais au bout du compte Missie Moustass souleve deux questions capitales. Celle des écoutes téléphoniques généralisées des citoyens et celle du pourrissement à la tête de l'Etat, tant dans le langage que dans le transactionnel puant la corruption. Les deux questions sont gravissimes.
On peut, d'une part, attendre les résultats d'enquêtes diverses (y compris celle de la police sur son propre patron) et les longues procédures judiciaires prenant parfois des années avant de se décider sur l'authenticité et l'urgence de ces deux questions. Ou alors, d'autre part, l'opinion publique aura, le 10 novembre prochain, une occasion unique de se prononcer souverainement et directement sur ces mêmes questions.