Génie d'exception, intellectuel et patriote pétri de principes, génie exemplaire et cartésien rigide sans aucun doute perdu, noyé et confondu dans une société cruelle impitoyablement soumise à la prééminence insolente et ostentatoire des administrateurs civils et des manipulateurs cyniques.
L'ingénieur diplômé de l'école centrale de Paris qui nous quitte ce 26 octobre 2024 à l'âge de quatre-vingt (80) ans, cumule tous les symboles d'un haut scientifique et expert technique, difficile à peindre autrement, que par une de ces entourloupes qui magnifient la complexité du système camerounais dans toute sa légende. La complexité concerne à la fois, les stratégies de valorisation, de destruction et de marginalisation des compétences. Qui est quoi et qui sert à quoi véritablement ? Personne n'est véritablement rien, et personne ne sert à rien au final.
Ancien Ministre de l'équipement, ancien directeur général des sacheries et ancien directeur général de la Camroon Airlines, cet homme d'une simplicité, d'une discipline, d'une amabilité et d'une sensibilité sociale avérées, ne put ou ne sut jamais devenir un politique. De fait, il ne pouvait pas être un politique, au risque de trahir ce qui dans la compétence intellectuelle et la brillance scientifique, annihile le modèle et l'essence de l'anthropologie critique. Antisystème, il ne l'était pas, mais néanmoins, il demeurait une sorte de marginal par rapport à l'ostentation qu'induisent, les grandes responsabilités dans l'appareil de la gouvernance.
Pour l'avoir connu, pratiqué, fréquenté et adopté, il me revenait dans chaque conversation, comme un homme loin du moment, loin des intrigues du présent, et versé dans une introspection autocritique permanente, en même temps qu'une prospective positive très engagée. Adepte du parler-peu, honnête et sincère dans ses rapports humains, cet aîné m'impressionnait par la sagesse ambiante avec laquelle il prenait tout ce qui lui était dit, présenté, montré, vanté ou dénigré.
Il appartenait à la classe de François Wami, ingénieur des télécommunication et directeur durant quinze années des télécommunications au MINPOSTEL. Pourtant, à la différence de son ami mis en exergue ici, lui, Dakayi, demeurait un incompris. Jamais il ne livrait toute sa pensée, s'il n'était pas certain de rencontrer l'échos nécessaire, attendu ou espéré. Des gens comme lui, André Siaka, Justin Ndioro et Amadou Vamoulké en sont, des intelligences fertiles et transcendantales.
Une enquête de standing sans complaisance dans le système, nous confirme son éloignement du politique, parce que sa nature profonde, le socle éthique et moral de sa prestance académique, technique et scientifique, s'y prêtaient peu. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, il apparut dans ses derniers moments existentiels, comme discriminé, marginalisé, oublié et anéanti.
Voilà peut-être une autre explication de ses positionnements sacrificiels, avec des postes sans âme, aux fauteuils éjectables à merci et sans préavis. Enfin, qu'allait-il encore espérer, sinon, se résoudre à vivre la tradition non écrite selon laquelle, jamais aucun ressortissant de l'ouest sorti du gouvernement, ne revient.
Dans ce tableau étincelant de caractères trempés et de propulsions sentimentales, il faut rappeler que Dakayi, le grand frère et l'ingénieur qui ne parlait qu'en dernier, demeurait un haut commis de l'Etat dans un système impitoyable, un système qui ne laisse, ne fait, ne voit ou ne programme rien au hasard, donc aussi bien en mal qu'en bien, mais surtout, qui veille à conduire les brebis à la soupe d'où, les fautes sont explicites ou implicites, et les sanctions à tête chercheuse.
C'est bien cela notre système, notre pays, notre gouvernance. Aucune réussite n'est jamais absolue, sûr, éternelle et sans risques. Notre pays est dur, très dur, et celui qui réussit ou survit au Cameroun, est assuré de triompher dans tous les autres systèmes à travers le monde. On n'en sort jamais sans regrets ni craintes.
Adieu mon Grand frère respecté, admiré et chéri./.
Ta mémoire, tes pensées, ton affection, ta chaleur et tes conseils sont perpétuels./.
Ton petit frère, Shanda Tonme qui te pleure./.