Madagascar: L'ombre du délestage

Peut-on voir une ombre dans le noir? La réponse est affirmative. Le délestage vous suit partout où que vous êtes. Il est devenu un compagnon indispensable dès la levée du jour jusqu'à l'aube le lendemain. Une omniprésence étouffante et harcelante. On commence la journée en consultant le programme quotidien de délestage tournant de la Jirama. Un espoir mêlé d'angoisse comme si c'était la liste des condamnés à mort.

En réalité, c'est plutôt un exercice machinal pour masquer une résignation générale. Mais on continue de croire au miracle en entamant une réunion virtuelle sur zoom devenue incontournable depuis la Covid-19 et en attendant la mise en service du téléphérique pour réduire le temps perdu dans les embouteillages. Malheureusement le délestage vient écourter la réunion après une demi-heure.

La consommation de carburant est telle que beaucoup d'entreprises de différents secteurs ne sont plus en mesure de fonctionner avec un groupe électrogène pendant 20 heures tous les jours. Même dans certaines agences bancaires, les services usuels sont carrément bloqués. La situation est pire pour les moyennes et petites entreprises. Une longue queue se forme devant les cyber- cafés réduits à mettre une croix sur la recette de la journée tout en sachant que demain sera la photocopie de la veille et l'image scannée des prochains jours.

Pareil chez un atelier de confection ou de copie de clé. L'artisan prend les commandes, examine la pièce à copier, annonce le montant de sa prestation avant de préciser non sans dépit qu'il va falloir attendre le retour de l'électricité. Vingt commandes des clients les plus patients sont déjà en instance chez lui et il se tourne le pouce en attendant le retour hypothétique du courant. Pour un coiffeur, il s'est résolu à travailler avec des tondeuses rechargeables pour pouvoir continuer à satisfaire ses clients.

Ironie du sort, même dans les agences de la Jirama, toutes les opérations comme l'enregistrement des relevés et le paiement de la facture se font de manière manuelle. La direction générale semble avoir décidé de loger ses agences à la même enseigne que les abonnés. Une forme de justice sociale qui s'inscrit dans le redressement de la société.

Même situation dans les agences de la Cnaps où il faut voir la météo pour échapper au délestage qui paralyse toutes les activités nécessitant des recherches de données à l'ordinateur.

Les prévisions les plus optimistes ne sont guère rassurantes quant à une amélioration de la situation dans les semaines ou mois à venir. Pire, un black-out total pourrait survenir si la pluie continue de ne pas faire des siennes et d'empêcher la centrale d'Andekaleka de fonctionner à plein régime. Un sursis de quelques mois avant le retour récurrent du calvaire pour ceux qui auront survécu à ce supplice.

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