Près de 50.000 personnes ont fui vers les états de Gedaref, Kassala et River Nile suite à une vague de violence armée et d'attaques dans l'est de l'état d'Al Jazirah au cours de la semaine dernière, ont alerté lundi des agences des Nations Unies, soulignant que des dizaines de civils ont été tués ou blessés à la suite de ce regain de tension dans le centre du Soudan.
D'après les estimations de la Matrice de suivi des déplacements (DTM) de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), ce sont plus de 9.300 familles qui ont été déplacées de Tamboul et des villages environnants dans les localités de Sharg Aj Jazirah et d'Um Algura, dans l'Etat d'Aj Jazirah, entre le 20 et le 27 octobre.
Les personnes déplacées ont cherché sécurité, protection et abri principalement dans les localités d'Al Faw, Al Butanah et Madeinat Al Gedaref à Gedaref ; Halfa Aj Jadeedah, Reifi Khashm Elgirba et Reifi Nahr Atbara à Kassala, ainsi que dans diverses localités de l'Etat du Nil fluvial.
Des rapports préliminaires indiquent qu'entre le 20 et le 25 octobre, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont lancé des attaques majeures dans les parties orientales de l'État d'Al Jazirah, tirant sans discrimination sur les civils et commettant des violences sexuelles contre les femmes et les jeunes filles.
Abus flagrants des droits de l'homme et pillage généralisé
Avant cet afflux de personnes déplacées en provenance d'Al Jazirah, Gedaref et Kassala accueillaient déjà respectivement plus de 950.000 et 264.000 personnes déplacées, selon l'OIM. Ces personnes ont été déplacées principalement des Etats d'Aj Jazirah et de Khartoum après que le conflit entre les Forces armées soudanaises (SAF) a commencé à Khartoum en avril 2023 et s'est étendu à Aj Jazirah en décembre 2023.
Par ailleurs, des rapports préliminaires font état de « violations flagrantes » des droits de l'homme et d'un « pillage généralisé » des marchés et des maisons, ainsi que d'incendies de fermes.
« Des hommes armés auraient tiré sur des civils sans discrimination et commis des actes de violence sexuelle à l'encontre de femmes et de jeunes filles, tout en se livrant à un pillage généralisé des marchés et des habitations et en incendiant des fermes, ce qui a entraîné une dévastation généralisée », a détaillé dans son dernier rapport de situation, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).
Selon l'OCHA, des habitants d'au moins 30 villages et villes auraient été victimes d'agressions physiques, d'humiliations et de menaces, ce qui a poussé des milliers de civils à fuir leur domicile pour se mettre à l'abri.
Attaques ciblées et violences sexuelles
Les populations civiles qui sont restées, sont ainsi confrontés à de graves menaces, notamment à des risques d'agression sexuelle et de mort, tandis que de nombreux blessés ont besoin d'un traitement médical d'urgence.
« Le nombre total de victimes civiles de ces attaques n'a pas encore été établi », a toutefois précisé l'agence onusienne.
Samedi, la principale responsable humanitaire des Nations unies au Soudan s'était aussi alarmée de la forte escalade de la violence dans cette région. « Je suis choqué et profondément consterné par le fait que des violations des droits de l'homme du type de celles qui ont été observées au Darfour l'année dernière - viols, attaques ciblées, violences sexuelles et massacres - se répètent dans l'État d'Al Jazirah. Il s'agit de crimes atroces », a déclaré samedi Clémentine Nkweta-Salami, Coordinatrice humanitaire de l'ONU au Soudan.
De son côté, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) note que ces dernières violences soulignent « l'horrible crise humanitaire » en cours et la nécessité d'une protection urgente des civils, qui reste négligée par la communauté internationale et les médias. « Des informations tragiques en provenance du Soudan font état d'au moins 124 personnes tuées dans l'État d'Al Jazirah », a dit sur le réseau social X, le Chef de l'OMS,Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Se préparer face à l'afflux de déplacés dans les États de Kassala et Gedaref
Face à cette nouvelle vague de déplacements, les besoins urgents des personnes affectées et déplacées comprennent des abris, de la nourriture, des soins de santé et des services de protection. Sur le terrain, les Nations Unies et les partenaires humanitaires se mobilisent pour aider les personnes affectées et déplacées par la violence, tout en se préparant à accueillir les nouveaux arrivants dans les États de Kassala et de Gedaref.
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une lutte brutale pour le pouvoir entre des factions militaires rivales - les Forces armées soudanaises (SAF) et les forces paramilitaires du RSF. La guerre a déplacé plus de 11 millions de personnes, dont 2,9 millions ont fui vers les pays voisins.
Le conflit a également provoqué une grave crise humanitaire, avec près de 25 millions de personnes ayant besoin d'aide.
La faim et la malnutrition sont largement répandues, 13 millions de personnes étant confrontées à une insécurité alimentaire aiguë. Des conditions de famine ont déjà été confirmées dans le camp de Zamzam, dans le nord du Darfour.