À l'occasion de la visite du président français au Maroc, le fils de l'opposant marocain et icône du mouvement Mehdi Ben Barka a demandé lundi 28 octobre dans une lettre à Mohammed VI et Emmanuel Macron « de prendre les décisions nécessaires » pour élucider la disparition de son père enlevé à Paris le 29 octobre 1965.
C'était il y a exactement 59 ans. C'est à l'occasion de cet anniversaire et profitant de la visite du président français au Maroc que Bachir Ben Barka demande aux deux chefs d'États d'agir pour lever les zone d'ombres qui planent encore sur cette affaire. Dans sa lettre ouverte, sa demande est claire : agir pour élucider la disparition de son père, lever le secret-défense côté français et exécuter les commissions rogatoires internationales côté marocain.
Le roi du Maroc et le président français sont « en mesure de faire les gestes qui s'imposent, de prendre les décisions nécessaires pour que cette affaire sorte de l'impasse », souligne Bachir Ben Barka, le fils aîné de Mehdi Ben Barka, dans la lettre ouverte publiée par le média Orient XXI.
Bachir Ben Barka a évoqué principalement l'exécution « des commissions rogatoires internationales au Maroc » et la levée « du secret-défense en France sur les documents détenus par les services secrets français ».
Figure de proue du mouvement anticolonialiste, Mehdi Ben Barka, opposant au roi Hassan II, a été enlevé à Paris le 29 octobre 1965. L'affaire n'a jamais été totalement élucidée et son corps n'a jamais été retrouvé.
« Deux nations comme le Maroc et la France se grandiraient en assumant pleinement leurs responsabilités pour que la vérité soit établie au grand jour et que justice se fasse », plaide Bachir Ben Barka dans sa lettre. « Ainsi, il sera possible de tourner dignement la page », ajoute-t-il.
Un premier procès en 1967 a permis d'établir que l'enlèvement avait été planifié par les services secrets marocains avec la complicité de policiers et de truands français.
Les dix juges d'instruction successifs de la plus longue enquête jamais menée en France n'ont pas réussi à lever la chape de plomb qui entoure cette affaire d'État.
« C'est anormal qu'au bout de 59 ans, une enquête judiciaire piétine comme ça... »
« Une question fondamentale dans le cadre d'un assassinat politique, c'est : est-ce que toutes les responsabilités ont été établies ? On sait que les responsabilités politiques sont au plus haut niveau de l'État marocain qui a pu trouver des complicités au niveau des services secrets français. Donc, dans la lettre ouverte que j'ai adressée au roi du Maroc et au président français, je leur demande d'apporter des réponses aux questions qu'on se pose », a déclaré à RFI Bachir Ben Barka.
Depuis 59 ans, nous sommes sans réponse à des questions qui sont fondamentales pour nous en tant que famille, qui sommes à la recherche de la vérité sur un père, sur un mari, sur un grand-père maintenant. Qui sont les assassins de Mehdi Ben Barka? Comment est-il décédé ? Où est le lieu de sa sépulture ? Aujourd'hui, nous n'avons pas de tombe devant laquelle nous recueillir. Une question fondamentale dans le cadre d'un assassinat politique, c'est : est-ce que toutes les responsabilités ont été établies ? On sait que les responsabilités politiques sont au plus haut niveau de l'État marocain qui a pu trouver des complicités au niveau des services secrets français. Donc, dans la lettre ouverte que j'ai adressée au roi du Maroc et au président français, je leur demande d'apporter des réponses aux questions qu'on se pose. C'est anormal qu'au bout de 59 ans, une enquête judiciaire piétine comme ça, on continue encore à protéger les responsables de ce crime. Beaucoup sont déjà décédés. Aux protagonistes qui sont encore en vie, je leur souhaite longue vie, mais je souhaite surtout qu'ils puissent un jour soulager leur conscience en nous disant, à nous, à la famille, mais aussi à la justice, ce qu'ils connaissent de cette vérité.
Nadia Ben Mahfoudh Comme chaque année depuis plus de 40 ans, deux rassemblements sont organisés ce mardi 29 octobre en hommage à la mémoire de Mehdi Ben Barka. L'un à Paris (18h00) devant la brasserie Lipp, où l'opposant marocain a été enlevé, et l'autre devant la gare de Rabat-ville (19H) à quelques mètres du Parlement marocain où Emmanuel Macron est attendu ce mardi matin 29 octobre. Il doit s'adresser aux députés du royaume chérifien.