À Madagascar, ils sont considérés comme de « grands éleveurs ». Avec leur cheptel de plusieurs centaines de têtes de zébus, ils participent à l'élevage extensif. Ces éleveurs font paître leur bétail sur des pâturages de grandes superficies à travers l'île et participent à l'économie du pays. Pourtant, leur activité reste méconnue et peu prise en compte dans les projets de développement, ainsi que dans les politiques agricoles.
Les éleveurs de zébus sont venus plaider leur cause auprès du ministère de l'Agriculture et de l'Élevage, lors d'un déplacement récent dans la capitale, organisé par la société civile et un groupement de chercheurs. « On est contents, parce qu'on a pu exposer notre situation », explique Simon Milavonjy, 68 ans, éleveur de la région de Ihorombe (sud), à la tête de la délégation.
« Notre souffrance au sujet de l'élevage extensif, c'est que nous sommes négligés par rapport à ceux qui pratiquent l'agriculture (ou l'élevage intensif de poulets ou de porcs). Vous voyez, quand l'État passe un contrat qui concerne nos terres, avec des investisseurs, étrangers ou locaux : nous ne sommes pas consultés. Pourtant, nous, on participe à nourrir tous les Malgaches. »
Grâce aux herbes des pâturages, l'élevage intensif permet la production de viande. Une ressource alimentaire créée sur le territoire qui ne nécessite ni intrant, ni labour et qui utilise des terres bien difficiles à cultiver vu leur faible qualité agronomique. « Nous voulons que soit valorisé l'élevage des zébus sur pâturages », martèle François Fiankina, un éleveur du Boeny, dans le nord-ouest de l'île.
« Nous sommes méprisés »
« Le problème, c'est que ceux qui écrivent les lois ne connaissent pas nos réalités. Nous sommes méprisés parce qu'on n'a pas fait d'études. Mais nous, on connait nos zébus et leurs besoins », poursuit-il.
Le septuagénaire originaire de la commune rurale de Katsepy aimerait bien que certaines lois soient amendées. À commencer par celles régissant les feux. « Nous avons besoin de renouveler l'herbe des pâturages au début de la saison des pluies, en novembre et décembre. Mais la loi nous interdit de mettre le feu aux pâturages à cette période-là et ne nous y autorise qu'en février-mars. Mais c'est trop tard : ça brulerait les herbes déjà montées en graines », déplore l'éleveur.
En expliquant leurs pratiques et leurs besoins auprès de l'administration centrale, les éleveurs espèrent rappeler à tous leur utilité, l'importance historique, identitaire et sociale de l'élevage extensif et participer, à l'avenir, à l'élaboration des futures lois.
Inclure les éleveurs dans les processus de décision
Depuis 2022, des chercheurs du Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad), spécialisés en gouvernance foncière, en agronomie et en gestion des ressources naturelles, étudient ce système d'élevage dans les grands pâturages.
Depuis peu, c'est désormais le think tank baptisé « Think Tany » qui supervise ces enquêtes et en partage les résultats, aussi bien aux éleveurs qu'aux décideurs et aux bailleurs, pour permettre de façonner des lois et des projets de développement mieux adaptés aux réalités locales.
« C'est important de collecter les informations sur l'élevage extensif bovidé et sur les pâturages, parce que les informations qui sont à disposition concernant ces domaines ne sont pas actualisées et datent des années 1960, 1970 et 1980. Donc le fait de produire, d'accumuler et de partager ces connaissances avec les éleveurs doit leur permettre de mettre en place des plaidoyers afin qu'ils trouvent leur place dans les processus de décision », indique Oginot Germier Manasoa, coordinateur du think thank « Think Tany ».
« Nous espérons qu'ils soient entendus et écoutés »
« À Madagascar, les lois foncières permettent aux gens qui cultivent un endroit pendant plus de 5 ans d'être reconnus comme le propriétaire, à travers un document appelé certificat foncier. Or, pour le cas des éleveurs extensifs, la loi ne reconnaît pas leur activité comme une mise en valeur. Et c'est pour ça que, avec les informations qu'on a collectées, avec nos partages avec ces éleveurs, nous espérons qu'ils soient entendus, écoutés et reconnus comme étant des personnes qui mettent en valeur leur territoire par l'élevage extensif. Et aussi qu'ils puissent être sécurisés dans leurs droits », ajoute-t-il.
« Actuellement, il y a un projet de loi en cours sur les droits fonciers communautaires. Et donc, nous nous mobilisons pour qu'on puisse reconnaître les territoires pastoraux à l'intérieur de ce projet de loi de droit foncier communautaire », conclut Oginot Germier Manasoa.