Depuis la diffusion de la première bande sonore de Missie Moustass le 18 octobre, le gouvernement a été contraint d'adopter plusieurs stratégies pour contrer les accusations et révélations qui en ont découlé. Initialement, ils ont misé sur la manipulation via l'intelligence artificielle (IA), s'appuyant sur des experts pour justifier leurs actions. Cependant, cette approche a montré ses limites face à la montée des dénonciations. Le gouvernement a décidé de chan- ger de tactique et le 25 octobre, le cabinet ministériel a décidé de mettre en place une commission d'en- quête sur cette affaire. Dans les jours qui ont suivi, un nouveau phénomène a émergé : l'apparition cette fois de fake Missie Moustass impliquant des membres de l'opposition. Les actions récentes, loin d'apporter des réponses claires, témoignent d'une lutte désespérée et d'une inconstance pour maintenir le contrôle face à un environnement de plus en plus critique.
19 octobre : Pravind Jugnauth dénonce des manipulations à Quartier-Militaire
Au lendemain de la diffusion des premières bandes sonores de Missie Moustass, Pravind Jugnauth s'exprime, le 19 octobre, lors d'un congrès de l'Alliance Lepep à Quartier-Militaire. Il dénonce un complot et affirme que ces enregistrements sont des fabrications, produites grâce à l'IA. Selon lui, Sherry Singh, après avoir rejoint l'Alliance du changement, aurait orchestré ces manoeuvres visant à ternir sa réputation. Le Premier ministre (PM) sortant martèle que les fausses conversations auraient été générées artificiellement pour le discréditer. Pourtant, plusieurs personnes mentionnées dans les enregistrements confirment la véracité de ces échanges. La veille, la police avait déjà émis un communiqué de mise en garde, rappelant que malgré une première notification le 11 octobre, certains continuaient de diffuser des contenus jugés diffamatoires sur les réseaux sociaux, notamment en utilisant l'intelligence artificielle. Plus tard dans la journée, la page Facebook de Missie Moustass est désactivée, bien que son compte reste actif sur TikTok, où de nouveaux enregistrements continuent d'apparaître.
20 octobre : le PM sortant remet en avant l'argument de l'intelligence artificielle
Lors d'un congrès à Mahébourg le 20 octobre, le PM sortant revient sur la thèse de manipulation par l'AI. Il évoque une fois de plus la rencontre entre Navin Ramgoolam et Sherry Singh en soulignant la circulation des bandes sonores associées. «Ce qui semble drôle, c'est que, pendant que certains s'allient, des enregistrements de conversations téléphoniques entre certaines personnes commencent à circuler sur les réseaux sociaux.» Il rappelle que la police a lancé une enquête dans cette affaire, qu'il qualifie de «fabrication». «Aujourd'hui, avec les avancées technologiques, il existe des outils comme l'intelligence artificielle qui permettent de reproduire et manipuler la voix d'une personne pour lui faire dire certaines choses», ajoute-t-il. Entre-temps, d'autres bandes sonores impliquant des membres du gouvernement et plusieurs autres protagonistes, dont le commissaire de police, continuent d'apparaître.
22 octobre : Figaro News s'invite au débat
Figaro News, une page Facebook pro gouvernement et MSM, cherche à «enrichir» le débat sur l'utilisation de l'AI, alors qu'elle utilise des outils d'IA pour produire ses contenus, y compris les présentateurs de nouvelles, Meta précisant clairement qu'il s'agit de créations assistées. Figaro News diffuse une vidéo, une «création assistée» stipule Facebook, montrant l'ancien président des États-Unis, Barack Obama, qui évoque supposément les dangers liés à l'IA ainsi que des sujets sensibles avec des références, comme celle de Missie Moustass.
22 octobre : le CERT-MU prend position
Une nouvelle bande sonore est diffusée le 22 octobre, mettant en scène une conversation présumée du commissaire de police Anil Kumar Dip avec le responsable du service médico-légal, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, et une autre de l'ASP Ashik Jagai et un autre policier. Le lendemain, le commissaire organise un point de presse où les journalistes sont limités à écouter ses déclarations sans lui poser de questions. Il répond pour la première fois publiquement à la diffusion des enregistrements, sans confirmer, ni infirmer si sa voix y figure.
Par ailleurs, Anil Kumar Dip présente le Dr Kaleem Ahmed Usmani, directeur du CERT-MU, qui est chargé des enquêtes sur les plaintes liées à la cybersécurité. Le Dr Usmani a précisé qu'il collabore avec une équipe technique sous le ministère de la Technologie de l'information, de la communication et de l'innovation, se concentrant sur les questions de cybersécurité au niveau national. Concernant les vidéos de Missie Moustass, il indique que ces contenus ont été signalés à Facebook, qui dispose d'un protocole pour évaluer et supprimer les vidéos problématiques. Selon lui, Facebook vérifie ces publications en fonction de critères d'authenticité et d'intégrité, incluant la désinformation et le contenu généré par l'IA, ce qui a conduit à la suppression des vidéos concernées.
25 octobre : une commission d'enquête pour désamorcer la crise
La réaction de l'IA face à la multitude de dénonciations a montré ses limites. En réponse aux accusations persistantes de manipulations orchestrées par l'IA, le gouvernement a décidé d'agir différemment. Vendredi dernier, le cabinet ministériel décide de mettre sur pied une commission d'enquête chargée d'examiner les allégations de surveillance abusive et l'utilisation potentielle des infrastructures de télécommunications pour des écoutes téléphoniques.
En même temps, le gouvernement de Pravind Jugnauth tente de changer de stratégie pour éviter de commenter ces affaires en public. En approuvant la mise en place de cette commission, qui sera présidée par un ancien juge et comportera deux experts étrangers comme conseillers, le cabinet espère ainsi désamorcer la crise. Ces experts auront pour mission d'enquêter et de faire un rapport sur des questions d'intérêt public, notamment le prétendu abus des infrastructures de télécommunications et les récentes publications et diffusions de conversations téléphoniques sur les réseaux sociaux et autres plateformes. La clarté sur cette décision devrait se dessiner avec la publication des termes de référence de la commission d'enquête. Il est crucial de noter que le président de la République, Pradeep Roopun, sera chargé de finaliser ces termes, alors que son nom est mentionné dans l'une des bandes sonores controversées. Par ailleurs, aucune indication n'est donnée sur le début des travaux de cette commission. Une question demeure : le commissaire de police et d'autres proches du gouvernement seront-ils convoqués pour s'expliquer devant la commission ? Sur quels aspects l'enquête se concentrera-t-elle réellement ?
La traque de «Missie Moustass» et l'émergence de fakes
L'IT Unit et la Cybercrime Unit de la police sont sur le coup, mais malgré leurs efforts, Missie Moustass reste introuvable. Entre-temps, l'on assiste à un autre jeu complexe de fakes. Le lendemain de la diffusion d'un enregistrement où une voix, prétendue être celle du commissaire de police, donne des instructions pour fabriquer une lettre anonyme contre l'ancien ASP Roshan Kokil, un faux profil de Missie Moustass est apparu. Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'enregistrements de conversations, mais d'une série de messages WhatsApp de l'ancien ASP Kokil. Ces publications semblent manifestement manipulées, ne correspondant pas au modus operandi habituel de Missie Moustass, qui s'est jusqu'ici cantonné à la diffusion d'enregistrements audio.
Durant le week-end, une autre bande sonore sur une conversation qu'aurait entretenue Sherry Singh et Navin Ramgoolam, lui demandant de «rey tou case pou services rendus». Lundi, de nouveaux enregistrements ont fait surface, ciblant une fois de plus des membres de l'opposition, contrairement aux précédentes bandes qui concernaient des proches du gouvernement. L'une des bandes sonores aurait enregistré une conversation entre Ehsan Juman et l'imam Zaheer Peerux, tandis qu'une autre impliquerait Anil Bachoo et un autre protagoniste. Tous les concernés ont nié avoir tenu ces conversations, renforçant les soupçons de manipulations orchestrées.