Eugène Rwamucyo, ancien médecin rwandais, écope de 27 ans de prison. Le verdict est tombé mercredi 30 octobre dans la soirée à la cour d'assises de Paris. Il est reconnu coupable entre autres de complicité dans le génocide des Tutsis en 1994. Il a en revanche été acquitté des accusations de génocide et de crimes contre l'humanité.
Eugène Rwamucyo va passer sa première nuit en prison à l'issue de cette journée du 30 octobre 2024 à la cour d'assises de Paris. Il a juste eu le temps de se retourner vers sa famille et ses nombreux soutiens réunis derrière lui dans la salle Vedel, rapporte notre journaliste Nadia Ben Mahfoudh. C'est la fin d'un procès entamé le 1er octobre.
Il est reconnu coupable de complicité de génocide et participation à une entente en vue de la préparation de génocide, de complicité de crimes contre l'humanité et enfin de participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes. Cet ancien praticien et enseignant, aujourd'hui âgé de 65 ans, était accusé d'avoir participé à l'exécution de blessés, mais aussi d'avoir incité, publiquement, la population à s'en prendre aux Tutsis lors du génocide de 1994.
Alain Gauthier, président du collectif des parties civiles pour le Rwanda qui a porté plainte dans cette affaire, dit accepter volontiers cette vérité judiciaire sans pour autant s'en réjouir : « Je vois une famille éplorée, c'est normal qu'ils le soient, mais je vois aussi que suite à nos démarches et aux plaintes qu'on dépose, tous les génocidaires qu'on a poursuivis sont condamnés » a-t-il expliqué.
Le verdict marque la fin d'un long combat pour Gasana Ndoba, ancien président de la commission rwandaise des droits de l'homme et partie civile au procès contre Eugène Rwamucyo. « C'est un soulagement de savoir qu'il est enfin reconnu coupable. Maintenant, d'autres qui ont commis des faits semblables, vont se dire, que ce sera demain leur tour, ou dans deux ou trois ans. C'est encourageant, et je ne peux que souhaiter que le processus continue et qu'il s'intensifie en France où il y a un grand retard à tenter de rattraper », affirme-t-il au micro de notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud.
Eugène Rwamucyo a néanmoins été acquitté de deux accusations : celle de génocide et de crimes contre l'humanité, ce qui explique les 27 ans de prison retenus au lieu des 30 ans requis par le parquet. Le verdict « n'est pas acceptable (...) il n'est pas digne du procès historique qu'il aurait dû être » a directement réagi son avocat, qui annonce vouloir faire appel.
Un dossier chargé de preuves
Le médecin et enseignant garde le même cap depuis le début du procès : il se déclare non coupable. Le 30 octobre au matin, Eugène Rwamucyo avait gardé le silence quelques secondes avant de se lancer. D'une voix à peine perceptible dans la salle, il avait fini par murmurer qu'il n'avait jamais ordonné ou laissé tuer des survivants tutsis : « Je comprends la souffrance de ceux qui cherchent encore les leurs (...) mais je ne peux les aider, je ne sais rien de plus », a-t-il conclu avant que la cour ne se retire pour délibérer.
Pourtant, le dossier porté par l'accusation et les avocats des 530 parties civiles était chargé d'éléments contre lui, notamment l'enregistrement d'un discours qu'il a tenu à l'université devant le Premier ministre de l'époque, Jean Kambada. C'était le 14 mai 1994 à Butaré, une ville du sud où le génocide démarre plus tard que dans le reste du pays. Dans ce discours diffusé sur la tristement célèbre Radio Des Mille Collines, Eugène Rwamucyo incite la population à s'en prendre aux Tutsis. Vu comme une figure d'autorité dans la région, il est accusé d'avoir ainsi servi de caution intellectuelle du génocide.
Quatorze années se sont écoulées entre l'arrestation de l'accusé et le verdict prononcé ce mercredi. Trente ans après le génocide, une quarantaine de dossiers de suspects résidant en France sont encore en cours d'instruction. Philibert Gakwenzire, le président de l'association de rescapés Ibuka indique ainsi à notre correspondante Lucie Mouillaud : « Nous devons vraiment aller plus loin, parce que les dossiers qui restent sont encore très nombreux, et ces cas ne sont pas moins emblématiques que celui de Rwamucyo. »
Eugène Rwamucyo est le neuvième Rwandais jugé en France pour des crimes liés au génocide des Tutsis.