De nombreux analystes et experts pensent que l'une des raisons du déclin brutal de l'économie du pays est la lourdeur de sa bureaucratie, laquelle tue l'économie, entravant les projets et les ambitions des investisseurs, tout en privant l'Etat de revenus dont il a cruellement besoin.
A quelques exceptions près, le stéréotype inquiétant d'une bureaucratie lourde et pesante est omniprésent en Tunisie. D'où la nécessité d'une profonde révision des lois et réglementations obsolètes et des formalités administratives nuisibles à l'investissement. Les Emirats arabes unis, par exemple, sont devenus un modèle mondial pour mettre fin au chaos bureaucratique.
L'effort d'assainissement doit s'accompagner de changements tangibles. La Tunisie est un cas d'espèce, en raison du manque d'attention du gouvernement à l'égard de l'instauration de mesures de réforme comme revers de la corruption. On peut se demander pourquoi des projets stratégiques en Tunisie, prêts à être mis en oeuvre depuis des années, traînent encore en longueur, attendant toujours l'approbation des autorités.
Cette lenteur bureaucratique constitue un obstacle à toute oeuvre de développement. Depuis l'Indépendance, le chômage était l'un des principaux moteurs de l'agitation sociale, les administrations successives se sont tournées vers l'Etat-providence pour répondre aux aspirations de leurs citoyens. «Après la révolution, la création d'emplois s'est encore ralentie, car l'économie n'a pas produit suffisamment d'opportunités, en particulier pour les diplômés universitaires et la population en âge de travailler», lit-on dans une note de la Banque mondiale. «Si l'Etat a cherché à compenser les citoyens, en créant des emplois publics et en accordant d'importantes subventions aux consommateurs et aux producteurs, il doit encore s'attaquer aux profondes distorsions qui freinent l'économie», fait observer la même source.
Trop d'Etat, peu d'efficacité
Actuellement, la Tunisie a l'un des taux de dépenses publiques les plus élevés au monde par rapport à la taille de son économie et l'obtention d'un prêt du Fonds monétaire international (FMI), qui fait cruellement défaut, dépend en grande partie de sa réforme. Les subventions sur des produits, tels que le pain, le café et le carburant représentent une part importante de ces dépenses, soit 8 % du produit intérieur brut (PIB) du pays l'année dernière. Cependant, une grande partie des coûts restants est consacrée à la masse salariale, principalement aux emplois administratifs dans les ministères et les entreprises publiques apparentées.
Les domaines traditionnels des dépenses publiques, tels que la santé (7%), les infrastructures ou l'aide sociale, semblent, pour la plupart, être presque entièrement négligés. Au total, plus de 650.000 personnes sont employées dans le secteur public tunisien, sur 12 millions d'habitants dont l'économie n'a pas réussi à prospérer, sous le poids des magnats de la finance et des affaires. Pourtant, les services publics, l'école publique, la santé, les caisses de sécurité sociale et autres sont d'une médiocrité à nulle autre pareille.
Une bureaucratie qui s'éternise
Jusqu'à présent, l'action du gouvernement central pour réduire le recrutement dans le secteur public s'est limitée à l'arrêt d'un programme visant à offrir automatiquement des emplois dans le secteur public aux diplômés au chômage chronique. Peu d'autres mesures ont été discutées.
Néanmoins, alors que les négociations sur les prêts et l'aide se poursuivent, les présages restent sombres. A l'heure actuelle, la dette publique s'élève à environ 90 % du PIB, tandis que le carburant et les denrées alimentaires subventionnés font l'objet d'une pénurie. L'agence de notation Fitch avait, à maintes reprises, abaissé la note de la Tunisie, déclarant que les risques de défaut de paiement sur ses prêts internationaux étaient « élevés ».
Les conséquences d'un défaut de paiement, qui devenait de plus en plus probable à mesure que le prêt du FMI n'était pas signé, auraient été catastrophiques, notamment pour les employés du secteur public. Lesquels employés n'arrivent toujours pas à se libérer des pratiques et du réflexe bureaucratiques.
Pourtant, il aurait suffi d'un petit effort pour se rendre compte que les chemins du salut ne manquent pas. De ce point de vue, les réformes mises en place au Maroc, pays voisin, autrefois accablé par une bureaucratie tout aussi lourde, ont fourni un exemple pratique de ce qui pourrait être fait pour résoudre le problème.