«Façonner notre identité.» Titre du volet consacré aux arts et cultures dans le manifeste électoral de l'Alliance du changement. Ce document a été présenté le mardi 29 octobre. Au sentiment d'avoir été entendu, des artistes souhaitent surtout - en cas de victoire - qu'ils soient consultés. Réactions aux principales mesures.
Politique générale
La proposition : Le gouvernement de l'Alliance du changement va revoir l'ensemble des initiatives, stratégies et investissements qui soutiennent l'expression artistique, le patrimoine culturel et les industries créatives afin de promouvoir l'expression culturelle mauricienne.
Réaction : En cas de révision, Arrmaan Shamachurn, de SOS Patrimoine en péril, souhaite que «cet exercice soit fait en l'espace d'une année afin qu'il reste assez de temps pour mettre en oeuvre les mesures qui s'imposent, mais aussi pour rattraper le gros retard que l'État a accumulé». Mais, plus important, c'est «d'avoir un ministre qui comprend les impératifs de ce secteur et non une personne qui sera là seulement pour combler un quota communautariste au niveau du cabinet». Il est d'avis que pour commencer, il faudrait des Assises «élargies» des arts et du patrimoine culturel pour dégager un Master Plan, avant la tenue régulière de séances de travail avec les parties prenantes, y compris du secteur privé.
Lieux de concerts
Les propositions : «Nous mettrons à la disposition des jeunes artistes des stades, des salles polyvalentes et autres emplacements publics appropriés pour leurs concerts ou autres manifestations artistiques. Construction en Public Private Partnership d'une salle de concert entièrement équipée pour la tenue de manifestations artistiques, notamment de concerts musicaux. Transformation d'un des stades de football en salle de concerts.»
Réaction : Arrmaan Shamachurn, président de l'association SOS Patrimoine, en péril suggère de ne pas se limiter à la transformation de stades en lieux de concerts, mais d'inclure des bâtiments à valeur historique. «Nous avons en tête la Citadelle qui, malheureusement, a été encore une fois abandonnée à cause de certains fauteurs de troubles.» Une transformation qui doit s'accompagner de «nouvelles technologies permettant une meilleure cohabitation des salles de concerts avec leur voisinage».
Statut des artistes
Les propositions : «La loi sera amendée pour qu'il y ait la reconnaissance des travailleurs culturels telle que reconnue par les instances des Nations unies. La loi sur le statut de l'artiste sera revue pour prendre en compte les préoccupations des travailleurs culturels.»
Réactions : Selon Joëlle Coret, présidente de l'Union des artistes, ce manifeste traduit une volonté de travailler en faveur des artistes. Elle rappelle que des réunions ont eu lieu avec des partis politiques, «à qui nous avons dit que la Status of the Artist Act» a été votée malgré les protestations et revendications. Surtout au sujet de la mainmise du ministre des Arts sur l'éventuel Professional in the Arts Council. En cas de victoire, «il y aura un gros travail à abattre pour redresser ce secteur». Nirveda Alleck, artiste, trouve pour sa part que ce manifeste «dit les mots qu'il faut». Mais, souligne-t-elle, «il ne faut pas tout recommencer à zéro à chaque nouveau gouvernement. Dans les arts visuels, le plus important, c'est la création d'un musée d'art ; le manifeste n'en parle pas».
«Cultural desk» pour obtenir les permis d'organisation des concerts
La proposition : «Supprimer tous les obstacles administratifs actuels qui entravent la tenue de concerts de musique. Un cultural desk verra le jour pour traiter toutes les demandes de concerts et autres manifestations d'envergure. Ce desk aura pour tâche de faciliter l'obtention de toutes les autorisations et ainsi, supprimer les obstacles administratifs actuels qui entravent la tenue de concerts et autres spectacles.»
Réaction : Pour l'artiste Ras Natty Baby, un cultural desk - ce que le gouvernement sortant avait appelé une one-stop shop pour obtenir tous les permis pour organiser un concert - doit avant tout se libérer de la mainmise de la police. «Il faut enlever la prérogative de la tenue ou pas des manifestations culturelles des mains de la police. Ce n'est pas à la police de décider qui peut faire un concert ou pas.» Il affirme que si l'on veut combattre la corruption, la police ne doit pas être responsable des permis d'organisation. «Ce n'est pas normal qu'après un gros investissement dans l'organisation d'un concert, la police vous refuse le droit de faire cette manifestation culturelle. Lerla mem ki ena ki dir, Boss get enn kou ki kapav fer. Lapolis li la pou okip law and order. Lapolis pa konn nanye dan kiltir.» S'agissant du cultural desk proposé par l'Alliance du changement, Ras Natty Baby souhaite - en cas de victoire - des consultations avec la communauté artistique avant sa mise en place. Dans l'ensemble, il dit accueillir le changement «avec des pincettes parce que l'on sait aussi que les politiciens changent de veste une fois qu'ils ont obtenu le maroquin».
Refonte de la MASA
Les propositions : «Création d'un Office de la propriété intellectuelle sous l'égide du bureau de l'Attorney General pour superviser la Mauritius Society of Authors (MASA) et l'Office de la propriété industrielle. Mettre en place le régime de rémunération pour faire respecter une rémunération juste et transparente pour la reproduction/copie d'oeuvres artistiques. Revoir la composition du conseil d'administration de la MASA. Augmenter la subvention à la MASA pour mieux rémunérer les artistes. Obligation pour la MASA de soumettre son rapport annuel, y compris ses comptes vérifiés, dûment audités par la cour des comptes, au ministère responsable pour examen par le Parlement.»
Réaction : Pour avoir connu la MASA de l'intérieur, en tant que membre nommé au conseil d'administration, Nirveda Alleck affirme sans détour : «Il faut démanteler la MASA et recommencer à zéro, tellement l'institution est dysfonctionnelle.» Joëlle Coret, présidente de l'Union des artistes, souligne que ce manifeste «donn bann pwin ki bann artis mem inn dimande. Nous espérons qu'il y aura de vraies consultations. Pe koz nou lavenir-la». Mais en cas de restructuration de la MASA, son indépendance sera-t-elle garantie, se demande-t-elle, avec des artistes en majorité sur le conseil d'administration.
Les espaces d'exposition
La proposition : «Réouverture des centres d'exposition dans les villes comme cela a été le cas auparavant et dont la gestion revient à l'administration locale.»
Réaction : À la lecture des propositions pour les arts et culture, l'artiste Pierre Argo lâche : «Espérons. Des apports et des soutiens sont salutaires, mais pour le vrai décollage des arts et de la culture, il faudrait une loi pour que 1 % des budgets des grands projets d'infrastructure aille à la culture.» Il cite l'exemple du Metro Express : si 0,5 % du budget de ce grand projet avait été consacré aux arts et culture, «on aurait pu financer l'achat d'oeuvres d'art sous forme de sculptures, de bas-reliefs en céramique, bref faire travailler de nombreux artistes». À la place, «la pièce d'art de tout le circuit du Metro Express est une grande sculpture importée placée à Réduit». Pierre Argo plaide en faveur de la création d'un «vrai climat artistique, comme il n'y a pas de marché de l'art à Maurice. Le jour où on fait ça, tous les artistes auront à manger».