Dakar — Le documentaire "Destin d'un migrant", du réalisateur sénégalais, Oumar Brams Mbaye, projeté, jeudi, au cinéma Pathé de Dakar, revient sur la lancinante question de l'émigration irrégulière en croisant le parcours de candidats dont certains ont regretté d'avoir fait ce voyage périlleux.
Le cinéaste revient sur un sujet traité à plusieurs reprises au cinéma privilégiant la parole aux images dans ce tracé de leur parcours.
Plusieurs jeunes sénégalais et une Congolaise de retour de l'émigration clandestine se relaient devant la caméra pour raconter leur voyage et toutes les péripéties rencontrées afin de rallier l'Europe par tous les moyens.
Du Sénégal en Libye ou au Maroc et Tunisie en passant par le Mali, le Burkina Faso, le Niger des milliers de morts dont certains enterrés dans l'anonymat par la croix rouge tunisienne constituent le quotidien dans le désert et dans la mer méditerranéenne.
Les migrants racontent les rackets sur les routes de la CEDEAO, les sévices corporelles ou travaux forcés infligés aux candidats à l'émigration, l'esclavage noté en Libye, l'instinct de survie qui les pousse à boire leurs urines ou l'eau de mer, bref tout les horreurs vécus sont relatées dans le documentaire.
L'un d'eux qui a réussi à entrer en Espagne regrette son voyage après neuf ans de vie dans ce pays, estimant avoir accusé beaucoup de retard contrairement à ses amis restés au Sénégal.
"Ici [En Europe] on est retardataire, on n'a rien construit, ni ici en Espagne, ni au Sénégal. Le voyage nous a fait perdre notre vie, notre religion", regrette un migrant.
Une mère, le coeur meurtri, revient sur le départ de son fils disparu dans ce voyage dangereux.
Le réalisateur qui a passé onze années à faire ce film de plus d'une heure, dit avoir visité 13 pays pour raconter cette histoire afin de sensibiliser sur les dangers de la migration irrégulière.
Son engagement pour ce film dit-il, s'explique par la perte de beaucoup de ses amis en méditerranéen et dans le désert.
"Destin d'un migrant" au-delà des témoignages de migrants, recueille l'avis de spécialistes de la question et situe les responsabilités à travers la prise de parole de différents ONG qui travaillent sur la migration aussi bien en Europe qu'en Afrique.
Certaines y dénoncent "l'inaction criminelle de l'Europe", appelant "en urgence des solutions collective et politique en mer méditerranéen pour cette situation qui a trop duré".
La société civile sénégalaise pointe du doigt l'absence d'initiative et de perspectives des dirigeants africains sur ce chaos.
Le secrétaire d'Etat à la Culture, aux industries créatives et au Patrimoine historique, Bakary Sarr, salue "l'actualité et la pertinence" du film qui retrace, selon lui, un phénomène des temps modernes et interpelle les sociétés et les dirigeants.
Il estime que les autorités sénégalaises ont pris à bras le corps cette question de l'émigration clandestine en cherchant des solutions.