Ile Maurice: Entre «business as usual» et lourdes conséquences économiques à prévoir

C'est un véritable vent de panique qui souffle sur le monde des affaires depuis la suspension des réseaux sociaux tôt hier matin. Ce, suivant, la publication des bandes sonores qui risquerait, selon le bureau du Premier ministre, de porter atteinte à la sécurité nationale et à l'intégrité de la République.

«L'annulation des réseaux sociaux portera un sérieux coup au secteur des services financiers plus particulièrement les banques et l'offshore dont les interactions avec l'étranger restent un élément clef de ses opérations.

Cette décision ne fait que confirmer la chute des indices liés à la bonne gouvernance et la démocratie notée ces derniers temps», souligne le CEO de Mauritius Finance, Samade Jhummun. Et d'ajouter qu'il ne faut pas occulter le fait que cette décision est susceptible de créer un sentiment d'incertitude parmi les opérateurs du Global Business alors que le centre financier mauricien trouvera sa crédibilité fortement entamée auprès des investisseurs étrangers.

En revanche, pour d'autres, ce sera «business as usual» vu qu'ils ont un plan B pour contourner l'absence momentanée des réseaux sociaux. C'est le cas chez Lottotech Ltd où son CEO, Moorghen Veeramootoo, a déjà basculé sa communication sur le support média, soit la presse écrite et parlée. «Il faut dire que notre stratégie de marketing a toujours privilégié les deux supports, média traditionnel et le digital. Face à la nouvelle donne qu'impose cette restriction, il nous faudra nous y adapter et agir en conséquence sans qu'on pénalise notre clientèle.»

La MCCI plaide pour la sauvegarde des réseaux sociaux dans le secteur commercial.

La Chambre de commerce et d'industrie de Maurice (MCCI) n'est pas restée insensible à la restriction temporaire de l'accès aux réseaux sociaux. Cette mesure, affirme-t-elle, n'est pas sans conséquences sur l'économie mauricienne, où les réseaux sociaux occupent désormais une place cruciale pour de nombreux secteurs.

Selon la MCCI, le secteur du commerce, notamment le retail, considère ces plateformes comme des outils indispensables pour les ventes, le marketing et la communication avec les clients. De même, le secteur ICT/BPO, un pilier économique essentiel pour le pays, s'appuie largement sur les réseaux sociaux pour ses opérations quotidiennes, les échanges et la gestion de services. La MCCI précise également que les entreprises mauriciennes, quelles que soient leur taille et leur branche d'activité, intègrent les réseaux sociaux comme canaux de communication primordiaux.

Dans son message, la MCCI insiste sur la nécessité de préserver un climat des affaires favorable, essentiel au développement économique. «Nous demandons aux autorités de considérer attentivement les répercussions économiques avant de prendre de telles décisions», déclare la Chambre.

Paralysie pour les PME

La vice-présidente de la SME Chambers de Maurice, Maya Sewnath, accuse le gouvernement d'avoir «paralysé économiquement» le pays en restreignant l'accès aux réseaux sociaux. À la suite de la pandémie de Covid-19, de nombreuses entreprises se sont adaptées en travaillant en ligne, tandis que d'autres ont dû fermer leurs locaux en raison de la hausse des coûts et travaillent désormais depuis chez elles.

«Comment font ces gens aujourd'hui ?» s'interroge la vice-présidente. L'inquiétude porte aussi sur les entrepreneurs qui doivent collaborer avec des partenaires à l'étranger. «Tout a été gelé. On dirait qu'on nous dit de nous asseoir et d'attendre jusqu'aux élections», dit-elle et estime que le pays est devenu comme une dictature.

En tant que cheffe d'entreprise, Maya Sewnath se demande comment payer ses employés qui utilisent les réseaux sociaux pour leur travail durant ces dix jours. Des interrogations se posent également sur la façon dont les entrepreneurs pourront se procurer leurs matériaux, car ils comptent sur les réseaux sociaux pour communiquer. «Les petites et moyennes entreprises ne pourront pas partager les informations qu'elles doivent diffuser sur ces plateformes», souligne-t-elle.

La vice-présidente déclare que les PME sont «à genoux» à cause de la restriction imposée par l'ICTA. Depuis le début de cette restriction, plusieurs membres ont quitté le groupe WhatsApp créé pour les soutenir. «Les membres vivent dans une grande frayeur et ne savent pas comment ils vont s'en sortir pendant ces dix jours», confie-t-elle.

Business Mauritius : «Ondes de choc dans la communauté des affaires»

La décision de suspendre l'accès aux plateformes de réseaux sociaux à Maurice et à Rodrigues, hier, a provoqué un véritable séisme dans les milieux économiques et sociaux. Business Mauritius, porte-parole de la communauté des affaires, qualifie cette suspension «d'ondes de choc dans la communauté des affaires» et exprime ses inquiétudes quant aux conséquences immédiates pour des secteurs essentiels comme le tourisme, les centres d'appels, l'e-commerce, l'éducation, la formation, le marketing, et les influenceurs. «Cette mesure affaiblit grandement notre réputation et notre positionnement à l'international», avance l'association.

Pour Business Mauritius, cette interruption va bien au-delà de simples pertes financières. «La liberté économique et le respect de la démocratie restent un sine qua non pour les investisseurs et pour un climat des affaires sain», fait valoir l'organisation, qui rappelle l'importance des libertés individuelles dans une société démocratique. Le droit à l'information et à l'expression, selon elle, est au coeur des valeurs de la nation.

«Il est bon de rappeler que l'île Maurice s'est construite, durant plus d'un demi-siècle, sur des principes de liberté, de transparence et d'ouverture, reconnus par nos partenaires et amis dans le monde entier», souligne Business Mauritius et insiste sur la nécessité de préserver les acquis démocratiques, surtout en période électorale. L'organisation appelle au respect de la démocratie et à la protection des libertés dans un contexte sensible pour le pays et son image internationale.

Neuf des dix indicateurs du marché officiel terminent la journée en baisse

Y a-t-il un lien direct entre les baisses notées au niveau des opérations qui se sont faites à la Bourse de Maurice hier et la décision de l'ICTA d'interdire l'accès aux réseaux... Quels sont ces signes ? Il y a d'abord la performance des indices qui permettent de cerner la performance des opérations de la Bourse de Maurice sous différents angles. Sur dix de ces indicateurs, neuf ont enregistré une baisse.

L'indice Semdex qui regroupe les 39 sociétés les plus en vue du secteur économique du pays, a connu une baisse par 29.76 points (1.21 %) passant de 2458.60 points au démarrage des opérations boursières sur le Marché officiel à 2428.84 points à la fin de la journée. Cet indicateur a toute son importance aux yeux des investisseurs. Car sa capitalisation c'està- dire la valeur totale des actions cotées est de Rs 320,6 Mds (Rs 320 628 197 700.77).

Parmi les onze sociétés qui ont enregistré une baisse de leur valeur sur le Marché officiel hier, dix ont leurs données prises en compte pour le suivi de la performance de l'indice Semdex. Ce sont Médine, Rogers, MUA, le groupe MCB, Emtel, ENL, New Mauritius Hotel, Swan General, Sun et Lux Island. Il est vrai que pour le groupe MCB qui est comme une référence en termes de performance boursière, la baisse n'est que de 1 %. Emtel n'a enregistré qu'une perte de 5 sous soit 00.23 %.

Que dire de la situation qui a régné sur le marché secondaire de la Bourse de Maurice hier ? Les deux indices de cette plateforme que sont le Demex et le Demtri ont connu une baisse. Khamlesh Beeharry de DTOS Capital Markets Ltd, une des sociétés de courtage de la place, ne pense pas que les décisions de l'ICTA soient à l'origine de la baisse de forme de certaines sociétés et bon nombre d'indices. Il n'écarte pas la possibilité que cette semaine caractérisée par la coupure occasionnée par un congé public en semaine ait pu diminuer l'ardeur des investisseurs pour des initiatives dans le secteur boursier.

Un autre argument susceptible de ne pas accorder trop de crédit à ceux qui disent que la décision de l'ICTA a eu un impact direct sur les opérations à la Bourse de Maurice, c'est le fait que cette décision ne touchait pas le site Internet en tant que tel.

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