Ile Maurice: La nébuleuse autour de l'affaire «sniffing»

Il avait soumis un rapport le 2 juillet 2022 et avait démissionné de son poste le 19 juillet de la même année. Mais par la suite, Girish Guddoy, l'ex-«Chief Technical Officer»(CTO), avait été réintégré comme «Chief Service Officer» à Mauritius Telecom (MT). Dans la nouvelle série de bandes sonores mises en ligne par «Missie Moustass» jeudi, des voix attribuées à des ministres, conseillers du «Prime Minister's Office» (PMO), avocats, avoués et autres personnalités démontrent comment il y aurait eu tout un combat pour qu'il revienne sur ses déclarations et tailler l'enquête sur mesure...

Liaisons dangereuses attribuées

Les révélations sur l'affaire sniffing commencent par une bande sonore dont les voix sont attribuées à Raouf Gulbul et Shamila Sonah-Ori. À en croire la première voix, l'instruction de prendre la déposition de Girish Guddoy serait venu du Premier ministre lui-même. Ce qu'il devra dire lors de sa déposition ? «Ou rapel dan nou ban papie ti ena enn statement nou ti mete? Li bizin al dapre sa statement-la», dit la voix attribuée à Raouf Gulbul.

Le nom du policier qui devra prendre le statement est aussi mentionné et la voix attribuée à l'avouée informe qu'elle parlera aussi à Nayen Koomar Ballah. Plus tard, la voix attribuée à l'avouée demande au commissaire de police (CP) de lui faire parvenir le statement d'un ingénieur de MT et, dans la foulée, demande au patron de la police de faire des arrangements pour que Girish Guddoy puisse donner sa version des faits dans les locaux de MT. La raison ? «Lapres tousala.»

Qu'est-ce que ce Girish Guddoy a déclaré ? Une voix attribuée au surintendant de police (SP) Rajaram informe la voix attribuée à Shamila Sonah-Ori que l'ancien CTO a dit à la police que lorsque Sherry Singh avait demandé aux techniciens indiens qui étaient venus à Maurice si leur intervention concernait un «sizing up», le technicien indien avait répondu par l'affirmative.

Il avait aussi précisé que pour lui, «sizing up means an assessment», soit une opération plus poussée que le survey initialement annoncé. La voix attribuée à Shamila Sonah-Ori s'inquiète que la déposition contienne le fait que le technicien indien ait répondu par l'affirmative. Ce à quoi le SP Rajaram répond «Li teti. Sa bout sniffing-la, li pa le revinn lorla ditou.» Dans la même conversation, la voix attribuée à l'avouée explique à une autre voix, cette fois-ci, attribuée à l'assistant commissaire de police (ACP), Heman Jangi, que le «sizing up» permet de faire d'autres choses, soit, «bann lezot travay».

Autre intervention. Cette fois-ci, il s'agit d'une voix attribuée à l'avocat Ravin Chetty, toujours auprès de la voix attribuée à Shamila Sonah-Ori. La question tourne autour du fait que Girish Guddoy doit enlever, de son rapport soumis au Chief Executive Officer (CEO) de MT, les mots «data capture». Devant le refus de ce dernier, une solution sera proposée. La «data capture» sera présentée comme faisant partie du survey.

Mais il faudrait que le CEO de MT explique par la suite, sinon «li kapav mal interprete. Zournalis tousala», fait comprendre la voix attribuée à Shamila Sonah-Ori. C'est pourquoi la voix attribuée à l'avocat de Girish Guddoy, Avinash Sunassee, propose même d'altérer la formule lorsqu'elle sera soumise pour qu'elle soit dans une forme acceptable.

Ordre d'arrestation

Un autre volet de ces leaks concerne l'arrestation de Sherry Singh. Tout d'abord, encore une fois des voix attribuées à Raouf Gulbul et Heman Jangi. Ce dernier se plaint que Sherry Singh garde son droit au silence, tout en niant avoir commis quelque délit. Cependant, dit la voix attribuée à Heman Jangi, «il faut le moyen de le coincer» et il demande l'aide de Raouf Gulbul, qui promet de le rencontrer pour en parler.

Par la suite, il y a une conversation entre une voix, encore une fois attribuée à Shamila Sonah-Ori et une autre attribuée à Anil Kumar Dip. Elle demande au CP d'arrêter Sherry Singh s'il tente de quitter le territoire. Il est aussi convenu que les légistes de MT rencontreront ceux qui sont proches du pouvoir pour parler de l'affaire sniffing. Fait notable : pas de vulgarités émanant de la voix attribuée à Anil Kumar Dip.

Dans une autre conversation de la voix attribuée à Shamila Sonah-Ori, elle demande à une voix attribuée à Nayen Koomar Ballah, le chef de la Fonction publique, qui représentait à l'époque le PMO sur le board de MT, de s'assurer que Girish Guddoy reste à la disposition de la police car tout est mis en oeuvre pour arrêter Sherry Singh avant qu'il ne se rende sur le plateau de l'express. La voix de Nayen Koomar Ballah ne semble pas convaincue par ce plan d'action.

Fausses informations et complots

Dans une autre conversation, cette fois-ci, avec des voix attribuées à Zouberr Joomaye et Maneesh Gobin, il est question de disséminer de fausses informations. D'ailleurs, la voix attribuée à Zouberr Joomaye explique comment il a déjà dit à la presse qu'il y avait des enquêtes internationales sur Sherry Singh concernant son argent à Dubaï.

Tout en reconnaissant que la véracité des propos n'était pas vérifiée, la voix explique qu'il y a une enquête de la Mauritius Revenue Authority. Dans la foulée, la voix attribuée à Maneesh Gobin se plaint qu'il avait déjà préparé ses réponses à la Private Notice Question (PNQ) du jour concernant cette affaire, mais que le speaker en avait trop fait et avait empêché le leader de l'opposition de poser des questions supplémentaires.

Il y a aussi une conversation d'un soi-disant complot mis en place par des voix attribuées aux avocats Samad Golamaully et Ashley Hurhangee. Les deux voix disent qu'elles sont en contact avec «lotorite an amerik, an angleter», «enn group avoka deor ki nou pe peye nou mem», «enn group forensic journalists» et autres termes grandioses, le tout visant à faire croire à la population que Sherry Singh ira bientôt en prison. Une autre conversation sans grand intérêt entre les deux voix fait l'objet d'une autre bande sonore.

La voix attribuée à Samad Golamaully rapporte à son ami ce que lui aurait dit le chairman de MT, Maxime Sauzier, à propos de milliards de roupies détournés à MT et d'une rencontre entre le chairman et Huawei. Cependant, Maxime Sauzier a catégoriquement démenti cette conversation et a affirmé qu'il n'a jamais parlé à l'avocat. «Sok, sok, sok...», répète la voix attribuée à Samad Golamaully dans un troisième échange.

Il adressera, confie-t-il à ce dernier, une lettre au Premier ministre et au chairman de MT, Maxime Sauzier, faisant de graves allégations contre Sherry Singh. Lettre qu'il fera fuiter sur les réseaux sociaux sans qu'il ne soit compromis. Le titre de l'information ? «Maharaja and Maharani : no can fly.» Même la voix attribuée à Ashley Hurhangee demande des explications quant à la signification du message.

Par ailleurs, une nouvelle voix fait son apparition, celle attribuée à Kobita Jugnauth. Dans cette bande sonore, cette voix parle à celle attribuée à Shamila Sonah-Ori et semble vouloir rencontrer un technicien en charge de la station de Baie-du-Jacotet. La raison de la rencontre n'est pas évoquée.

«Kouma nou abitie fer»

Quelques heures plus tard, après cette première salve, trois autres bandes sonores ont été mises en ligne. Il s'agit toujours de la gestion de l'affaire sniffing. Dans la première, une voix attribuée au Premier ministre, Pravind Jugnauth, parle à la voix attribuée à Nayen Koomar Ballah et lui demande de faire de sorte qu'un certain Matadin aille voir Ravi Yerrigadoo pour qu'il donne son statement. Selon nos informations, il s'agit d'un technicien qui était en charge de la station de Baie-du-Jacotet.

La voix attribuée au Premier ministre avance que Vellamah Cathapermal, responsable des Regulatory Affairs de la compagnie nationale, «inn blok li laba» et qu'elle n'est «pa ek nou». La voix avance aussi que le technicien est en contact avec l'avocat Rishi Pursem, qui lui fera «dir sertenn bann soz», rajoutant qu'il faut agir vite. La troisième bande sonore concerne toujours une conversation entre les deux voix et est une suite de cette conversation.

La voix attribuée à Nayen Koomar Ballah informe son interlocuteur qu'elle a parlé à «madam-la», faisant référence à Vellamah Cathapermal, et qu'elle a finalement laissé Matadin aller voir Ravi Yerrigadoo. La voix attribuée à Nayen Koomar Ballah rajoute qu'elle voulait accompagner le technicien, mais il l'en avait dissuadé, mais lui avait dit qu'elle pourrait éventuellement l'assister lorsqu'il donnerait sa version des faits. Ce à quoi la voix attribuée à Pravind Jugnauth répond que «li pa kapav! Li pa enn avoka li, li ena zis enn LLB». Vellamah Cathapermal a été licenciée en mars 2023.

La deuxième vidéo concerne une conversation entre une voix attribuée à l'ancien speaker, Sooroojdev Phokeer, et toujours celle attribuée au Premier ministre. Il s'agit d'une PNQ concernant l'affaire sniffing. L'enregistrement est saccadé. La voix attribuée à Sooroojdev Phokeer informe l'autre voix que la PNQ finale est arrivée à son bureau et que la question concerne des discussions d'autres pays avant d'installer des appareils pour le sniffing.

Cette voix précise que la question couvre aussi la question si l'affaire a été mentionnée à d'autres personnes dans des conversations «parsi parla». L'autre voix répond qu'elle peut décider elle-même. Ce à quoi la voix attribuée à Sooroojdev Phokeer répond que «ziska ler kestion-la admissible... Kouma nou abitie fer. Si to lir li... mo atan twa... Si to alez, nou release. Sinon, si bizin kass enn tibout, nou ava gete». C'était la PNQ du 5 juillet 2022.

Xavier-Luc Duval voulait demander au Premier ministre «whether he, the Secretary to Cabinet or anyone acting on behalf of the Government had had any discussion or agreement with any foreign party and/or local government operator in connection with the installation or use of equipment to enable sniffing, interception, monitoring or recording of internet traffic to and from Mauritius and/or countries in the region». Ce jour-là, après la réponse du Premier ministre, le speaker avait interdit toute question supplémentaire en se basant sur les Standing Orders 25(5), qui n'existent nulle part.

Par la suite, Sooroojdev Phokeer avait expliqué sur les ondes que l'erreur venait du fait que «letan zot inn tipe zot inn donn mwa, zot inn tip sa koumsa». Cependant, il n'avait pas expliqué qui avait tapé le texte, ni qui y avait laissé glisser la faute. Pas d'explications non plus sur les raisons pour lesquelles quelqu'un avait rédigé précisément un texte sur ce ruling pour le lui remettre avant ou pendant cette séance parlementaire.

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