Il y a une véritable guerre à peine cachée entre le ministre de la Justice, Constant Mutamba, et les collectifs des magistrats. Le soutien inconditionnel du chef de l'État au ministre de la Justice est un facteur qui rend cette guerre moins visible, mais elle reste violente. Ce qui a mis le feu aux poudres, c'est la libération de près de 1600 prisonniers, dont la plupart étaient incarcérés temporairement, parfois depuis des années. Notre pays dispose de lois régissant les arrestations.
Vous devez être détenu par la police pendant 48 heures puis présenté devant un juge, qui peut également décider d'une arrestation provisoire. Il existe également un délai pour les arrestations temporaires. Cela peut durer quelques jours ou s'étendre sur un, deux ou trois mois. En fin de compte, une décision de justice doit être rendue. Le résultat sera soit une peine de prison, soit un acquittement. Les juges ont critiqué le ministre Mutamba pour avoir libéré les bandits de manière largement illégale, car le seul rôle du ministre de la Justice est d'émettre des injonctions aux procureurs, qui à leur tour émettent des injonctions aux magistrats.
Le ministre Mutamba a donc été critiqué pour avoir outrepassé son devoir et surtout pour avoir accusé les magistrats de corruption. Le ministre Mutamba est également soupçonné d'avoir libéré plus de 1 000 prisonniers associés aux Kuluna (bandits armés de machettes) qui ont envahis la ville de Kinshasa. Des rumeurs font état d'une augmentation de la criminalité dans certaines parties de la ville de Kinshasa.
Le ministre Mutamba s'est rendu à plusieurs reprises dans la prison avant de venir libérer ces 1600 prisonniers. Conscient de la surpopulation des prisons, il a décidé de libérer les prisonniers dont les rapports faisaient état de plus de 10 ans de détention préventive (la plupart des signalements de petits larcins ne faisant pas l'objet de l'attention des magistrats). En fait, la majorité des détenus éligibles à la sortie de prison avaient dépassé la durée de leur détention temporaire ou préventive légale.
Le Ministre de la Justice visait également à résoudre le problème de la surpopulation carcérale. En fait, la prison de Makala a été construite en 1957 à l'époque coloniale pour accueillir 1500 prisonniers. Selon Amnesty International, Makala abrite actuellement plus de 12 000 prisonniers, dont la plupart attendent leur procès. Il en va de même pour la ville de Kinshasa. Les infrastructures de Kinshasa ont été prévues en 1941 pour une population de 53 000 habitants. Elle abrite aujourd'hui 17 millions d'habitants et a une densité de population de 28 347 habitants/km2.
Le ministre Constant Mutamba a donc agi avec bon sens pour sécuriser un espace dans ce centre de rééducation de Makala et protéger les détenus de la promiscuité à l'intérieur de la prison. En fait, de nombreux prisonniers libérés ont été emprisonnés pour des délits mineurs ou par des personnes très influentes a qui auraient dérobé de l'argent, des appareils téléphoniques, etc. En d'autres termes, si les juges et les magistrats faisaient correctement leur travail, ceux qui ont été libérés ne devraient pas être incarcérés. De plus, la population carcérale devient le champ de maïs des magistrats, dont ils profitent dans toutes les directions.
Les salaires des fonctionnaires sont si bas que tous les services nécessaires, aussi minimes soient-ils, sont payés. Cela va des signatures des documents au service d'un magistrat. Tous les prisonniers constituent une source potentielle de financement pour les magistrats et les juges.
Il est très difficile d'être Avocat au Congo. Parce qu'un avocat peut faire de son mieux pour défendre ses clients, mais généralement, un juge corrompu donne raison à la partie qui l'a corrompu.
La question de la libération des prisonniers n'est pas seulement une question juridique, mais aussi une question anthropologique. À moins que de nouvelles prisons ne soient construites, il n'est pas normal de tolérer la surpopulation carcérale, comme ce fut le cas à la prison de Makala. Le pays devrait construire davantage de prisons, et c'est l'une des missions du ministère de la Justice. N'ayant pas réussi à construire une nouvelle prison, il était prudent de libérer 1.600 prisonniers détenus depuis plusieurs années dans l'attente d'hypothétiques peines.
La question de la corruption judiciaire est extrêmement importante, car l'enseignement juridique au Congo produit principalement des magistrats qui, comme beaucoup d'autres fonctionnaires de l'État, sont tout simplement corrompus. Je crois que les bons juristes sont formés à la maison et non à la faculté de Droit. La vertu de l'honnêteté s'apprend à la maison.
Le premier endroit pour former de bons juges est la famille nucléaire. L'État joue évidemment un rôle important en ce qui concerne les salaires des adultes et des parents. Un salaire équitable affecte la façon dont vous élevez vos enfants. La politique salariale fait partie de la manière dont nous formons d'excellents magistrats. Le salaire d'un père doit lui permettre de nourrir ses enfants, de les soigner lorsqu'ils sont malades et de les envoyer dans de bonnes écoles, notamment en droit. Pour le moment, je pense que seuls les hommes politiques (parlementaires, ministres, directeurs d'entreprise paraétatiques) perçoivent de tels salaires.
Ces hommes politiques envoient leurs enfants étudier à l'étranger et utilisent leur salaire pour se donner la possibilité de se faire soigner à l'étranger. Ce type de rémunération devrait être accordé à tous les travailleurs congolais, hommes et femmes. C'est le meilleur moyen de mettre fin à la corruption, y compris dans notre système juridique.
En résumé, même si les magistrats ont eu raison de se plaindre des agissements de Mutamba, je pense que le Ministre a eu raison de libérer les 1.600 prisonniers. Sur le plan anthropologique, je pense que les actions du Ministre Mutamba sont tout à fait louables.
Il doit poursuivre ses efforts pour construire de nouvelles prisons et, surtout, veiller à ce que les fonctionnaires soient suffisamment payés pour mener une vie décente, en évitant les tentations de la corruption. En tant qu'anthropologue et ancien aumônier des prisons de Makala et Ndolo à Kinshasa, au Burkina Faso, au Tchad, au Cameroun, je salue l'action courageuse du ministre Constant Mutamba. Faire la guerre contre lui au niveau juridique, c'est simplement ignorer que le droit s'exerce sur des bases anthropologiques ou humanistes.