La commune rurale de Morarano Chrome, dans le district d'Amparafaravola, est l'une des plaques tournantes des activités criminelles de kidnapping. À qui profite le crime ?
Depuis trois ans, cette localité, située dans la région d'Alaotra Mangoro, figure parmi les zones où les personnes d'une famille jugée aisée financièrement risquent fortement d'être kidnappées. De janvier au 31 octobre, quatre individus ont été enlevés par des bandes armées. La dernière semaine du mois d'octobre, une maison ciblée a réussi à contenir les assauts des malfaiteurs en pleine ville.
Trois fratries d'une même famille sont tombées entre leurs mains durant les quatre premiers mois de l'année. Originaires du Fokontany d'Ambohimandroso, les victimes incluent une mère de famille enlevée en octobre. Le mode opératoire est presque toujours identique : les attaques se déroulent de nuit, entre 21 heures et 2 heures du matin, et les assaillants se déplacent en groupes de cinq à huit individus bien armés de fusils et d'armes blanches.
« Ils barricadent la maison, gardent les points stratégiques, tirent des coups de feu pour intimider le voisinage et cassent la porte tout en lançant des menaces. Ils finissent par pénétrer chez leur victime, tirent un coup de semonce et exigent le nom de leur cible. En cas de résistance, ils menacent de tirer sur un membre de la famille, arme braquée à la tempe. Face à une telle menace, la personne ciblée est obligée de se présenter, et ils l'emmènent », a confié Rasamimanana (le nom a été modifié pour éviter des représailles).
Des ultimatums incessants
Un jour après l'enlèvement, les ravisseurs appellent la famille et exigent une somme faramineuse. Le montant exact reste inconnu, mais selon des témoignages, plus de deux millions d'ariary ont été demandés pour les trois fratries. Les assaillants indiquent que la somme peut être débattue. Jusqu'au paiement de la rançon, ils interdisent aux familles de contacter les forces de l'ordre sous peine de mettre en danger leurs otages.
En attendant le versement, les criminels se déplacent régulièrement. Ils traitent relativement bien leurs captifs, leur fournissant de la nourriture, mais maintiennent la pression sur les familles en lançant des ultimatums. Une fois la rançon payée, les otages sont libérés, avec ordre de ne rien dire, en particulier aux forces de l'ordre. Pour la dernière victime, une mère de famille, le montant de la rançon atteindrait environ soixante-dix millions d'ariary.
La dernière semaine d'octobre, un père de famille a réussi à repousser une attaque en utilisant des moyens de défense inattendus pour les assaillants. Furieux, ceux-ci ont menacé de revenir et de capturer un membre de sa famille tôt ou tard.
Face à cette vague de kidnappings, les habitants de la commune sont sur le qui-vive. Beaucoup hésitent à s'exprimer, mais après des pourparlers, certains ont accepté de partager leur point de vue. « Parfois, les forces de l'ordre arrivent sur les lieux des exactions une heure après les faits. En plus, les criminels vont jusqu'à les narguer en affirmant qu'ils n'ont pas peur, se disant mieux armés que les autorités. Leur attitude nous amène à penser qu'il existe des complicités », confie Randriamboavonjy.
« Je pense que ces enlèvements sont téléguidés d'en haut, car après le paiement de la rançon et la libération des victimes, un hélicoptère s'est posé à Morarano Chrome pendant quelques minutes avant de repartir. Pourquoi est-il venu ? À qui appartient cet appareil ? Peut-on le tracer auprès de l'aviation civile de Madagascar ? » s'interroge Ramarokoto.
Un autre interlocuteur ajoute : « Avant chaque campagne électorale dans la région, ces enlèvements se multiplient. Les fonds de campagne des candidats devraient être scrupuleusement vérifiés dans notre région », expose Randrianarivelo.
Le maire de la commune ainsi que le chef de poste de la gendarmerie étaient injoignables.