Ile Maurice: Réduire les importations, investir dans la production locale, préserver la biodiversité

Face à la montée des préoccupations liées à la sécurité alimentaire, exacerbées par les difficultés d'importation et la hausse du coût de la vie, il devient crucial de privilégier la production locale. En mettant l'accent sur la base de la sécurité alimentaire - l'agriculture, l'élevage et la pêche - tout en préservant la biodiversité, il est possible d'assurer un avenir durable pour l'île Maurice et de renforcer son autonomie alimentaire.

L'alliance du changement a présenté le mardi 29 octobre son manifeste électoral. L'une des mesures phares concerne le renforcement de la sécurité alimentaire. L'engagement est de réduire les importations et d'investir dans l'agriculture, la pêche et l'élevage afin d'atteindre au moins 25 % de production locale en dix ans. Il est également question d'adopter des réformes pour une plus grande efficacité, d'inverser la baisse de la production sucrière, d'assurer un prix équitable pour les sous-produits de la canne et de valoriser la canne à sucre comme puits de carbone.

En 2023, nos importations de nourriture et de bétail ont atteint Rs 54,3 milliards, dont Rs 12,8 milliards pour le poisson et ses produits dérivés, ainsi que Rs 5,8 milliards pour les fruits et légumes. Pendant ce temps, les planteurs, les pêcheurs et les éleveurs, qui sont des acteurs essentiels de la sécurité alimentaire, se trouvent dans une situation difficile pour approvisionner le marché.

Ces acteurs déplorent un manque de plan, de soutien et de volonté pour promouvoir la sécurité alimentaire. La pandémie de Covid-19 et les conflits géopolitiques ont mis en évidence l'importance cruciale de la sécurité alimentaire. Un point que fait l'économiste Azad Jeetun est que les coûts d'importation augmentent aussi et que pour contrer cela, il faut favoriser la production locale. «Une politique de diversification agricole pourrait encourager davantage le secteur manufacturier, réduisant ainsi les importations.»

Changement climatique

Olivier Fanfan, agroentrepreneur, souligne tout d'abord que la sécurité alimentaire est actuellement affectée par le changement climatique. En sus, d'une diminution des saisons de culture pour les planteurs, l'agriculture conventionnelle devient coûteuse car elle dépend fortement des fertilisants et des pesticides importés, dont les prix sont directement impactés par le prix du fret. Parallèlement, notre écosystème s'affaiblit en raison de la diminution de la biodiversité, rendant les cultures beaucoup plus vulnérables aux ravageurs. Les problèmes d'inondations et de sécheresse, ce qui affecte la production agricole.

Pour résoudre la question de la sécurité alimentaire, explique Olivier Fanfan, il est essentiel de commencer par la restauration des écosystèmes. «Cela implique de réfléchir à la manière dont l'eau s'infiltre dans le sol et de développer des terres moins dépendantes de l'irrigation, tout en promouvant un cycle hydrologique complet. Il est important de planter des arbres et de réintroduire des espèces endémiques dans notre paysage pour favoriser la biodiversité, notamment au niveau de la faune, comme les insectes et les papillons. Cela contribuera à rétablir un certain équilibre dans l'écosystème et à réduire notre dépendance aux pesticides.»

Le développement des capacités des agriculteurs est également crucial, dit Olivier Fanfan, en mettant l'humain au centre du processus.«Cette approche ne peut pas se limiter à de simples annonces ; il est nécessaire de transformer l'ensemble du système et d'accompagner ces changements. Chaque élément doit être examiné en détail, en veillant à placer la bonne personne au bon poste. Il est impératif de politiser la sécurité alimentaire et la restauration de l'environnement.»

Une approche de polyculture est également nécessaire, qui consiste à cultiver plusieurs espèces de plantes, telles que des arbres fruitiers et des plantes endémiques, sur la même parcelle. Cela peut également inclure l'élevage d'animaux, permettant une exploitation intégrée et durable des ressources. «Des systèmes comme le pâturage permettent de déplacer les animaux d'une parcelle à une autre pendant que les autres sont régénérées. Cela contribue à un contrôle biologique de la croissance des plantes. Toutes ces méthodes sont bénéfiques et permettent de réduire la dépendance aux produits importés.»

D'autre part, l'agroentrepreneur souligne le fait que la principale catastrophe écologique est que la majorité de nos terres est couverte de canne à sucre, ce qui ne favorise ni la biodiversité ni l'infiltration des eaux. Cela n'apporte pas la biomasse nécessaire pour atteindre l'autosuffisance en matière de viande et de nourriture, tout en préservant un écosystème sain. De plus, les revenus liés à la canne à sucre sont en baisse et ne génèrent pas beaucoup d'emplois à Maurice en raison de la mécanisation. «Il y a un immense potentiel pour réparer l'environnement, assurer la sécurité alimentaire et maîtriser l'inflation si nous adoptons une approche intégrée de notre paysage et de notre terre.»

L'agriculture, «qu'environ 18 % de notre production locale»

Kreepaloo Sunghoon, porte-voix de la Small Planters Association, déplore le fait que l'agriculture ait connu un déclin, ne représentant plus qu'environ 18 % de notre production locale. «Nous pouvons augmenter notre production et transformer nos produits pour réduire nos importations. Cependant, il est essentiel de prendre en compte les défis auxquels le secteur est confronté : le manque de maind'oeuvre, le coût élevé des intrants, le manque d'eau et la diminution des pollinisateurs, entre autres. Des solutions existent, mais il faut de la volonté, des techniques appropriées et des financements.» Il propose de créer des clusters dans plusieurs régions pour optimiser la chaîne de valeur. Ces clusters devront inclure le traitement et le stockage car notre capacité de stockage est actuellement faible. «Nous avons besoin de systèmes d'entreposage adaptés non seulement pour les pommes de terre et les oignons, mais aussi pour d'autres produits comme les haricots, la pomme d'amour, les carottes et les choux-fleurs pour la transformation en conserve ou frigorifiée. Nous pouvons mettre en place des clusters de producteurs dans des régions propices à une bonne production.»

Ayant plusieurs années d'expérience dans l'agriculture, Kreepaloo Sunghoon souligne qu'en tant que pays tropical, Maurice est, d'un côté, exposé à divers risques en termes de maladies et de ravageurs et que, de l'autre, les consommateurs préfèrent des légumes esthétiquement plaisants. Il estime nécessaire d'assurer une éducation complète sur les questions liées à l'agriculture saine. Comme le secteur fait face à des problèmes d'irrigation, il est également essentiel de mettre en oeuvre des systèmes d'irrigation économiques et efficaces, tout en privilégiant les variétés locales qui sont adaptées à notre climat et à notre sol, ce qui les rend plus résistantes. «Il est crucial d'évoluer pour réduire nos importations et de trouver des moyens de commercialiser ces produits à des prix abordables.»

Par ailleurs, le secteur de la pêche, souvent qualifié d'«archaïque» par la communauté des pêcheurs, recèle également un fort potentiel. Les trois experts soulignent l'importance de défendre les intérêts des pêcheurs locaux, de valoriser la zone économique exclusive et d'assurer la protection de l'environnement marin. Selon eux, ces actions sont essentielles pour garantir une sécurité alimentaire durable et soutenir les acteurs clés de la chaîne d'approvisionnement en produits de la mer.

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