Comme l'argent est le nerf de la guerre, la finance climat demeure, plus que jamais, un moyen de lutte nécessaire, voire une condition sine qua non pour sortir de l'ornière. En milieu rural ou oasien, l'adaptation climatique reste la seule solution.
«On vit durement les aléas du climat, sans pouvoir en parler ou les raconter», ainsi s'exprime, émue, une des femmes rurales témoin de son milieu de plus en plus exposé à tous les risques des changements climatiques dont l'effet ravageur n'est plus à démontrer.
Toutefois, son témoignage bien chargé de mots et d'images n'est surtout pas une exception, tant qu'elle le partage aussi largement avec d'autres femmes vivant encore dans la précarité, très sensibles aux impacts directs de ce changement climatique. En milieu rural ou oasien, les conséquences en sont aussi tangibles. Car les mêmes causes produisent les mêmes effets. L'association Tunisian Youth Impact (TYI) et celle de Protection de l'environnement et de développement durable de Bizerte (Apeddub) étaient conscientes des défis auxquels font face ces femmes rurales tunisiennes. Elles le sont encore plus, étant donné que la guerre anti-climat ne saurait être facilement gagnée. S'y adapter, en optant pour des projets d'atténuation, s'avère la meilleure solution.
Constat sans appel
Et comme l'argent est le nerf de la guerre, la finance climat demeure, plus que jamais, un moyen de lutte nécessaire, voire une condition sine qua non pour sortir de l'ornière. Et c'est la femme rurale, là où elle se trouve dans les coins reculés de la Tunisie, qui paie toujours un lourd tribut. Du nord au sud, le constat étant ainsi sans appel: des femmes souffrent de leur vécu, dont le besoin d'accès à l'eau potable et aux financements verts se fait de plus en plus sentir.
Et pour cause ! Le tout récent film documentaire «Klima», fruit d'une collaboration associative TYI-Apeddub, tourné en plein été sur trois mois (du 15 juin au 15 septembre dernier), vient relater un mode de vie intenable que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Et là, cinq régions sont retenues comme zones vulnérables aux impacts climatiques : Kébili, Makther, Mahdia, Aïn Draham et Nefza. Soit des régions livrées à elles-mêmes et dont le sort demeure inartain.
Ce doc dont l'idée vint du projet «Fe.Na.Klima, genre et financement climatique relevant de «TYI», a dû recentrer le débat sur une question aussi capitale que celle des financements climatiques destinés au profit des femmes tant en milieu rural qu'oasien. Peu importe l'environnement, elles ont lancé un cri pour la justice climatique. Et cela tombe bien ! Leur appel à avoir droit d'accès aux ressources hydriques et naturelles puise dans des projets axés sur l'égalité de genre et justice climatique, financés par l'organisation ougandaise Akina Mama wa Afrika (AMwA), dans le cadre du programme Voices for Just Climate Action (VCA).
«Malheureusement, ces femmes n'ont jamais entendu parler de finance climat, des fonds verts censés aider à subvenir à leurs besoins en développement rural résilient et mieux adapté aux impacts directs et indirects du changement climatique. D'où la raison qui nous a motivés à aller vers elles, en documentant leur situation, leurs soucis et leurs revendications», déclare, lors d'une projection-débat à Tunis, Hassiba Belghith, cheffe du projet «Fe.Na.Klima».
70 % de la main-d'œuvre agricole
Deux ans déjà, ce projet, qui avait fait le tour de ces cinq régions choisies, ayant écouté leurs doléances et préoccupations, se veut ainsi leur porte-voix, comme l'indique sa cheffe Mme Belghith. Cette fervente défenseure des droits de la femme rurale, active au sein de l'équipe «TYI», n'a pas connu de répit. Au cours de l'été passé, elle n'a cessé de côtoyer des femmes qui se battent pour demain. Agriculture, élevage, artisanat, voilà des métiers qu'elles souhaitent voir survivre aux caprices de Dame nature.
Ainsi, le documentaire a donné un aperçu exhaustif de ce que subit la femme dans son vécu quotidien et du calvaire du silence qui l'entoure, des années durant. «Ici, en ce milieu rural voué à l'abandon, sans eau ni sources de revenu dignes de ce nom, nous en voyons de toutes les couleurs, sans que personne ne daigne nous tendre la main», révèle, sur un ton déçu, une femme dans l'une des régions au nord-ouest, choisie pour sa vulnérabilité climatique. D'ailleurs, «elles sont de plus en plus concernées par les effets du changement climatique que les femmes vivant dans les zones urbaines, puisqu'elles représentent 70 % de la main-d'oeuvre agricole et seulement moins de 5 % des propriétaires de leurs terres. Elles supportent de longues journées de travail mal payées. A cela s'ajoutent les tâches ménagères habituelles et les autres tâches domestiques», souligne, encore, Mme Belghith.
Quid des financements climatiques ?
Et pourtant, elles ne bénéficient de rien, semble-t-il, ni de subventions ni de microcrédits de financement de petits projets agricoles. «Même les acteurs locaux (communes, GDA, Crda, Ongs) n'arrivent pas à avoir des financements alloués à la Tunisie dans le cadre du Fonds vert pour le climat (FVC)», fait-elle remarquer, mettant l'accent sur le concept de la justice climatique.
Qui doit financer qui ? Où sont les fonds d'investissement accordés en matière d'atténuation et d'adaptation ? Pourquoi ne parviennent-ils pas à celles qui en ont besoin ? «Autant de questions et bien d'autres auxquelles on a essayé d'apporter des solutions locales d'adaptation aux impacts des changements climatiques», insiste-t-elle.
Et de confier qu'elle est, d'ailleurs, en train de travailler sur une campagne de plaidoyer à l'échelle nationale pour tout vulgariser auprès de ces femmes rurales, à même de remettre sur le tapis cette question de financement climatique. «Lors de nos visites sur le terrain, nous leur avons prodigué des conseils, les incitant à renouer avec des pratiques agricoles ancestrales réussies, en guise de solutions d'adaptation provisoires», révèle la cheffe du projet.
Il y a lieu de noter, ici, que le documentaire «Klima», lui-même, figure parmi les outputs du policy paper déjà formulé lors d'un atelier national sur les financements climatiques, tenu auparavant à Tunis. Ceci étant, dans le but de faire de ces femmes en milieu rural ou oasien de vraies partenaires de l'idée au projet. Et c'est de bonne guerre !