Ile Maurice: Quels enjeux pour les femmes et les employeurs?

L'une des mesures phares que l'Alliance du changement compte appliquer si elle forme le prochain gouvernement est le droit à un congé de maternité d'un an. Si les modalités spécifiques restent à être révélées, Anishta Babooram, candidate au no 11, précise néanmoins que toutes les femmes y seront éligibles, mais que cette mesure s'adaptera au cas par cas selon les désirs de chaque femme. Grâce à des mesures pour encourager le travail à domicile, ajoute-t-elle, le congé maternité d'un an est réalisable. Mais quelles seront les conséquences pour les employeurs et les femmes ?

À ce stade, il n'est pas clair si la proposition de l'Alliance du changement concerne des congés maternité rémunérés ou non. Si les mères peuvent prendre un congé non rémunéré dans certains pays, il est entièrement ou en partie payé dans d'autres. Tout est une question de cadre réglementaire compréhensible lors de son application, souligne Reaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP). Il rappelle que la confédération a déjà proposé un congé parental d'une durée minimale de six mois, quatre mois payés par l'employeur et les deux mois restants par l'État.

Cela vise à résoudre le problème des bébés de moins de six mois qui doivent être laissés à la crèche parce que la mère doit reprendre le travail. Afin que cette mesure ne reste pas une promesse livrée en fin de mandat et n'entraîne pas de pratiques discriminatoires, «elle nécessite d'être accompagnée d'un encadrement. Dans les pays scandinaves, par exemple, la mesure est mise en oeuvre avec le ministère du Travail qui a déjà préparé des employés qui peuvent remplacer la personne qui part en congé maternité lorsque le besoin s'en fait sentir», note Reaz Chuttoo.

Narendranath Gopee, syndicaliste et président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), abonde dans le même sens. «Une telle proposition est de nature humaine et va dans le sens d'un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale prévu par la loi, ce qui peut inciter les employeurs et les pays voisins à penser différemment. De base, c'est une bonne proposition en faveur des travailleurs, car la tendance actuelle est que les couples ne vivent pas dans des familles élargies et doivent relever le défi de savoir qui s'occupera du bébé. Il estime que cela permettra d'offrir un repos complet aux femmes qui subissent des changements importants et trépidants au niveau de la santé et d'autres aspects avant de reprendre le travail.»

Coût et clichés sexistes

Des études ont démontré une association positive entre la durée du congé maternité et la santé mentale de la maman. Le congé maternité prolongé a permis de réduire les taux de mortalité néonatale, post-néonatale et la mortalité infantile. De ce fait, plusieurs pays offrent des congés maternité généreux, dont la République tchèque, 28 semaines ; Royaume-Uni, 52 semaines ; et Bulgarie, 410 jours, dont 45 avant la date de naissance attendue du bébé. La Norvège et le Canada figurent parmi les pays offrant le congé maternité le plus long au monde, allant jusqu'à 12 mois ou plus. À Maurice, pour soutenir davantage les parents dans la conciliation de leur vie professionnelle et familiale, le gouvernement a déjà apporté des changements au congé maternité et paternité dans le Budget 2024-25. Ainsi, le congé maternité est passé de 14 à 16 semaines. Celui de paternité est passé d'une semaine à quatre semaines.

Cependant, malgré les avantages associés à une telle mesure, la recherche montre également qu'elle conduit les nouvelles mamans - souvent confrontées à un dilemme entre leur carrière et leur vie familiale - à être tenues à l'écart du travail rémunéré, des promotions, ou d'une augmentation de salaire une fois qu'elles reprennent le travail. Dans leur recherche intitulée The unintended consequences of maternity leaves : How agency interventions mitigate the negative effects of longer legislated maternity leaves, publiée dans le Journal of Applied Psychology, les auteurs notent que la durée du congé maternité est perçue comme un indicateur de l'autonomie et l'engagement des femmes dans leur travail et qu'elle est donc utilisée pour évaluer leur dévouement. En revanche, le congé maternité plus long est perçu comme une atteinte à l'autonomie des femmes, à leur engagement professionnel et à leur aptitude à occuper des postes de responsabilité.

Par ailleurs, le coût pour les employeurs de retenir les nouvelles mères comme employées tout en payant leurs remplaçants, peut simplement pousser les entreprises privées, en particulier les PME, à favoriser des candidatures masculines lors du recrutement, par crainte d'une diminution de la productivité ou de perturbations dans leurs activités productives ou à limiter l'embauche de femmes en âge de procréer. Prisheela Mottee de l'ONG Raise Brave Girls rappelle qu'il existe des lois contre toutes les formes de discrimination sur le lieu de travail.

Un cadre adéquat nécessaire

Reaz Chuttoo insiste sur la nécessité d'avoir un cadre approprié et de consulter les principales parties prenantes dans ce sens, car il est possible d'avoir recours à des aides financières et des mesures de soutien pour soulager la charge des entreprises. *«À notre niveau, nous ne voyons pas le coût de cette mesure comme un problème parce que nous insistons sur le fait qu'il doit y avoir un financement conjoint, où l'employeur paie une partie et le reste est pris en charge par l'État. Mais le financement est une préoccupation secondaire. Nous notons que si la mesure est réalisable pour les cadres administratives, elle peut ne pas l'être pour les employées manuelles. Il faut donc mettre en place des politiques adéquates pour éviter toute discrimination à l'égard des employées manuelles, car les employeurs peuvent préférer embaucher simplement des travailleurs étrangers. En fin de compte, l'encadrement est primordial.»

Narendranath Gopee fait ressortir qu'un aspect essentiel est le choix des femmes, car elles ne sont pas toutes choisir de rester à la maison pendant un an. «Certaines choisiront de reprendre le travail au bout de quatre mois parce qu'elles se sentent en forme. Mais leur donner la possibilité de rester à la maison, si elles le veulent à une étape si cruciale de leur vie, c'est les valoriser. Chaque fois que l'on parle de telles politiques, nous avons tendance à ne penser qu'au coût pour l'économie ou l'employeur. Mais l'employeur et l'employé sont à 50-50 dans un environnement de travail et une femme qui contribue au progrès de l'entreprise a droit au respect de sa vie sociale et privée lorsque le besoin s'en fait sentir.»

Par ailleurs, l'idée de mettre en place un congé parental d'un an partagé entre le père et la mère est mise en avant par beaucoup pour faire évoluer les mentalités relatives aux responsabilités parentales, d'aider les nouveaux pères à s'adapter au changement dans leur vie et d'indiquer que le congé pris par eux est susceptible de favoriser l'emploi des femmes et leur rémunération. Des pays comme la Pologne, la Suède et l'Espagne l'ont adopté.

Si le prolongement du congé maternité demeure pour l'instant une simple proposition, «dans sa globalité, nous devons reconnaître qu'il était grand temps de proposer une telle mesure. Nous rappelons l'importance d'un bon encadrement de l'enfant dès son plus jeune âge et nous voyons beaucoup de jeunes professionnels qui hésitent à fonder une famille en raison de contraintes telles que devoir laisser leurs enfants à la crèche et de devoir répondre à des exigences professionnelles très élevées. Cela les encouragera à avoir des enfants, dans la mesure où le pays est confronté à une population vieillissante», explique Arvind Bhojun, président de l'Union of Private Secondary School Educators.

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