Au Mozambique, la tension reste vive depuis la proclamation des résultats de la présidentielle du 9 octobre dernier, donnant vainqueur Daniel Chapo, le candidat du Frelimo, le parti au pouvoir.
En effet, l'opposition qui dénonce des « fraudes électorales », est dans la contestation et a depuis lors, investi la rue pour se faire entendre. En face, le pouvoir n'est pas allé de...matraque morte dans la répression des manifestations qui ont déjà laissé sur le carreau plus d'une quinzaine de morts et une centaine de blessés. Et la journée du 7 novembre dernier au cours de laquelle l'opposition avait appelé à une grande manifestation, suscitait d'autant plus les inquiétudes que les croquants prévoyaient de marcher vers la présidence alors que voulant rester dans sa logique de fermeté, le gouvernement avait annoncé la couleur en déployant les grands moyens tout en se disant prêt à contenir « toute menace à l'ordre constitutionnel ».
La question qui se pose est la suivante : jusqu'où le pouvoir ira-t-il dans la répression ? La question est d'autant plus fondée qu'ici comme ailleurs sur le continent, les conséquences désastreuses des violences postélectorales en termes de regrettables pertes en vies humaines, de destruction de biens publics et privés et de détérioration du climat sociopolitique, ne se comptent plus.
Il faut éviter d'ajouter de la souffrance à la souffrance des populations mozambicaines
Non seulement ces violences contribuent à attiser les tensions, mais aussi elles concourent à exacerber la déchirure sociale en creusant le fossé de la méfiance et de la division entre compatriotes. C'est dire la gravité de l'heure au pays de l'ex-président Joaquim Chissano qui est même sorti de son mutisme pour appeler au calme. Même démarche pour les ambassades des Etats-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, de la Norvège et de la Suisse qui, dans un communiqué conjoint, ont demandé aux protagonistes de faire preuve de « retenue » en appelant « au respect de l'Etat de droit et de la vie humaine ».
Toujours est-il que la situation est si critique que l'Afrique du Sud a dû fermer temporairement sa frontière avec le Mozambique par mesure de sécurité, en raison des violences post-électorales qui agitent ce pays lusophone depuis bientôt près d'un mois. C'est le lieu d'appeler les protagonistes à mettre de l'eau dans leur vin pour travailler à la décrispation et à l'apaisement.
Cela est d'autant plus nécessaire que le pays traverse déjà une crise sécuritaire d'ampleur liée à l'insurrection islamiste au Cabo Delgado, qui reste encore un grand défi pour la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), l'organisation régionale qui a déployé sa force d'attente dans ladite province mozambicaine depuis 2021. Il faut donc éviter d'ajouter de la souffrance à la souffrance des populations mozambicaines déjà fort éprouvées par la crise sécuritaire. Et qui n'ont pas besoin d'une crise politique majeure porteuse de lendemains incertains. C'est pourquoi, au-delà des enjeux du scrutin, les protagonistes doivent savoir raison garder.
Les cancres de la démocratie récolteront toujours les fruits pourris de leurs turpitudes
Aussi bien l'opposition qui doit comprendre que la rue n'a jamais été une solution durable et pérenne dans le règlement d'un contentieux électoral, que le pouvoir qui doit éviter de faire dans la répression aveugle. Car, ce n'est pas à coups de gaz lacrymogènes voire de tirs à balles réelles que l'on construit la démocratie. Au contraire, il faut travailler à avoir des institutions fortes et crédibles de sorte à éviter ce genre de situations à l'avenir.
Car, ce recours de l'opposition à la rue comme dernier rempart, est la traduction manifeste de son manque de confiance dans les institutions du pays. Autrement, pourquoi ne pas privilégier les voies de recours légales et s'en tenir à l'arbitrage des institutions habilitées ? En tout état de cause, au-delà des violences qui sont toujours à déplorer, ces fortes tensions postélectorales sont la preuve que la démocratie au Mozambique a encore du chemin à parcourir. Et c'est ensemble que les acteurs politiques parviendront à la bâtir, brique après brique, à coups de concertations et de compromis politiques.
A l'image du Botswana qui sort d'une présidentielle qui vient confirmer la maturité et la stabilité de sa vie démocratique sur le continent noir, en ce qu'elle consacre une alternance pacifique avec l'accession de l'opposition au pouvoir pour la première fois de l'histoire du pays. Et ce, après près de six décennies de règne sans partage du désormais ex-parti au pouvoir dont le candidat, le président sortant Mokgweeti Masisi, n'a eu aucune difficulté à reconnaître sa défaite et à féliciter ses adversaires.
Preuve, si besoin en était encore, qu'en Afrique, c'est moins la démocratie qui est en cause que les acteurs politiques qui l'animent. Et tout porte à croire que les cancres de la démocratie récolteront toujours les fruits pourris de leurs turpitudes ainsi que les violences postélectorales qui vont avec. Comme quoi, on ne triche pas avec le pouvoir du peuple.