Madagascar: Interview de SEM Roland Kobia, ambassadeur de l'Union européenne

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SEM, Roland Kobia, est l'ambassadeur de l'Union européenne à Madagascar. Il a rejoint son poste à Antananarivo en septembre 2024. Il a depuis pris la mesure de la tâche qui l'attend. Il continue ses rencontres avec les différentes autorités du pays et il se prépare à accomplir sa mission de la manière la plus constructive possible. Il nous donne la possibilité, à l'occasion d'une interview qu'il nous a accordée, de mieux le connaître et de parler du développement des relations entre l'Union européenne et la grande île.

Vous êtes arrivé au mois septembre et vous avez commencé à prendre contact avec la réalité malgache. Pouvez-vous dire quel est votre ressenti après ce mois et demi de présence dans notre pays ?

Je suis déjà venu auparavant dans la grande île pour deux séjours privés. J'ai été totalement séduit, à l'époque, par ce que j'ai vu, et par la bienveillance et la sympathie que j'ai ressenties. Aujourd'hui, j'arrive à titre plus permanent, et mes impressions se confirment. J'essaie d'écouter, d'apprendre et de comprendre. Je le fais avec l'expérience acquise lors des quatre postes précédents d'ambassadeur que j'ai occupés.

Madagascar a son passé et sa spécificité, et il faut respecter cela. J'ai rencontré le président et plusieurs ministres, notamment ceux qui gèrent les urgences du moment, ceux en charge de l'assainissement et de l'eau ou de l'énergie et des hydrocarbures. Mais j'ai eu également des contacts avec les médias, la société civile ou le monde entrepreneurial. Nous allons essayer de nous engager dans un travail le plus efficace possible, ensemble.

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L'Union européenne est un bailleur de fonds important. Dans quels domaines allez-vous intervenir ?

Nous sommes en effet un bailleur de fonds et même l'un des plus importants, mais nous sommes plus que cela. Nous sommes aussi un partenaire politique, économique et commercial, en fait l'UE est le premier client et acheteur de ce que produit Madagascar, de loin. Conjointement avec nos Etats membres, notamment la France et l'Allemagne avec qui nous formons une équipe solide, et en partenariat avec les institutions de Bretton Woods, nous sommes un des plus importants contributeurs financiers L'UE dédie environ 500 milliards d'ariary par an à Madagascar.

Notre principal secteur d'intervention est celui de l'énergie. Je voudrais mentionner particulièrement le projet de barrage hydroélectrique de Volobe. J'ai signé une lettre d'intention avec le gouvernement à ce sujet récemment. L'UE intervient aussi dans l'électrification rurale, l'interconnexion électrique et le soutien au secteur agricole. L'UE soutient aussi les secteurs sociaux, la santé. Elle est également attentive aux domaines de la bonne gouvernance et des droits de l'Homme.

Je voudrais signaler aussi l'importance du secteur privé, sans lequel aucun développement économique n'est possible pour le développement d'un pays, quel qu'il soit. Il faut donner de l'espace et de l'air aux entreprises en améliorant le climat des affaires. C'est important d'attirer les investissements privés venant de l'extérieur par exemple, issus de la diaspora, mais il faut commencer par assurer que les entreprises déjà présentes puissent prospérer.

Tout ce dont vous parlez montre l'importance du rôle que l'Union européenne joue. Mais on ne peut le séparer du contexte dans lequel se trouve la grande île. Je voudrais aborder le problème de l'efficacité de tous ces projets que vous nous avez présentés. Lorsqu'on évoque le passé, on ne peut pas faire preuve d'un optimisme débordant.

Je comprends bien votre souci. Nous travaillons ici pour le pays et la population, dans le plein respect de la souveraineté de Madagascar. Les fonds que nous apportons sont ceux des contribuables européens et leur utilisation à bon escient est une priorité, avec en ligne de mire des objectifs - définis d'un commun accord avec le gouvernement - remplis et durables.

 Les Malgaches sont souvent dubitatifs quand ils songent à la situation dans laquelle se trouve leur pays. Ils ne comprennent pas la raison de son marasme. Avec tous les atouts dont il dispose, il se trouve dans le peloton de queue des pays les moins avancés. Les observateurs ne comprennent pas ce qui se passe. Comment percevez-vous cette dérive dans laquelle il s'est engagé ?

C'est un des paradoxes qui existent à Madagascar. Quand je suis arrivé, j'ai bien vu le décalage entre le potentiel et la réalité. Il y a une contradiction. Moi qui ai passé une partie de ma carrière dans des pays en conflit, je vois tous les atouts dont dispose la Grande île, ne serait-ce que parce qu'elle vit une paix durable. Ce qu'il faut, c'est s'engager dans des réformes structurelles. Très souvent, on vient vers nous pour des interventions d'urgence, alors que les solutions résident dans des réformes et des investissements de fond et de long terme.

De notre côté, nous tentons d'aider de la manière la plus efficiente en nous coordonnant étroitement avec la Banque européenne d'investissement et les Etats membres de l'Union européenne, notamment la France et l'Allemagne représentées ici. Je ne sous-estime pas les défis à affronter. Mais je reste en tout cas optimiste ou plutôt optimaliste : faire ce qu'il y a de mieux avec les moyens disponibles. Ces moyens ne sont pas illimités, particulièrement au moment où la guerre d'agression russe en Ukraine nécessite un fort soutien de la part de l'Union européenne. C'est pourquoi il est particulièrement important d'avoir un cadre politique, de gouvernance, de justice qui soit propice à notre coopération.

Pour terminer, pouvez-vous nous parler des projets les plus concrets dans le court terme ?

J'ai déjà évoqué le projet Volobe. Le premier appel d'offre dans le cadre de « Tana Water III », dans le domaine de l'eau, est en cours de lancement. Nous comptons signer prochainement deux conventions de financement portant sur la formation professionnelle et la biodiversité, pour un total de 70 millions d'euros. Au-delà des chiffres avancés, ce qui compte pour l'Union européenne c'est d'avoir un véritable partenariat avec Madagascar, dans le respect mutuel, le respect de la souveraineté, et dans la recherche de résultats.

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