Ile Maurice: Licence, aquaculture, sécurité et finances

Une voix, beaucoup de pouvoir

Les nouvelles bandes sonores diffusées par Missie Moustass mercredi et hier révèlent encore des échanges préoccupants impliquant la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth, l'épouse du Premier ministre sortant, Pravind Jugnauth, dans divers domaines de la gouvernance et de l'administration du pays. Dans ces enregistrements, Kobita Jugnauth semble avoir un rôle prépondérant, exerçant ce que certains décrivent comme une upper hand dans plusieurs domaines.

Son implication dans des décisions sensibles, telles que l'annulation de la licence de Planet FM, l'attribution de contrats publics et la surveillance de certains projets d'aquaculture, questionne le degré de son autorité au sein des affaires publiques. Un point particulièrement alarmant ressort de ces enregistrements : dans l'un d'eux, une conversation laisse entendre qu'une entreprise, Edmond Security, aurait remis une somme de Rs 200 000 à Kobita Jugnauth. Dans un enregistrement précédent, une voix attribuée à Kobita Jugnauth intervenait auprès de Ken Arian pour qu'Edmond Security obtienne un contrat.

«It's good news»

Dans un enregistrement où la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth converse avec celle attribuée à Ken Arian, la première évoque la révocation de la licence de Planet FM. «Lisans Planet FM inn revoke zordi?», demande-t-elle. «Je ne crois pas que la licence de Planet FM a été révoquée aujourd'hui. Je sais qu'il y avait quelque chose dans ce sens. Laisse-moi vérifier», répond la voix présentée comme celle de Ken Arian.

La voix attribuée à Kobita Jugnauth poursuit : «Quelqu'un vient de m'envoyer un message et cela vient d'une personne qui siège au board de l'IBA», précise-t-elle. «It's good news. Mo zis inpe fasine ki...» se réjouitelle. Il est important de souligner que le permis d'exploitation de Planet FM avait effectivement été révoqué par l'Independent Broadcasting Authority (IBA). Cette décision avait été prise le lundi 3 août 2020. L'IBA reprochait notamment à Planet FM d'avoir cessé d'émettre du 13 juin au 10 juillet sans en informer l'autorité. L'instance régulatrice pointait également le non-paiement des droits de licence, ce qui, selon elle, constituait une violation des Independent Broadcasting Authority (Licence Fees) Regulations 2002. C'était la première fois, depuis la libéralisation des ondes en 2002, qu'une radio voyait son permis révoqué.

«Inn mont dadak pou rant dan minispalite»

Dans un autre enregistrement, toujours lors d'une conversation entre les voix attribuées à Kobita Jugnauth et Ken Arian, la première commence : «Deza zot inn mont dadak pou rant dan sa minispalite-la...» La seconde voix l'interrompt : «Non, me san nou zot ti pou...» «Kom dabitid, dan eleksion minisipal enn sou pan finn kontribie, sa krever de Xavier-la», ajoute la première voix.

«Maradiva et Sands»

Dans un autre extrait sonore, la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth discute cette fois avec son époux, Pravind Jugnauth. Dès le début de la conversation, elle lui dit : «Pravind, aparaman demin dan Cabinet Papers, zot pe approuve sa zafer fish farmingla. » Le Premier ministre semble ne pas être au courant et répond simplement : «Fish farming?» Kobita Jugnauth lui explique : «To kone, zot pe met bann striktir dan lagon pou met fish farmingla. » Pravind Jugnauth lui fait comprendre que ce n'est pas prévu pour demain, car ce projet a déjà été approuvé. Surprise, la voix attribuée à Kobita Jugnauth demande d'un ton agacé: «Ah bon, inn fini approuve? Kisannla ki pe get sa? Ki minister sa?» Pravind Jugnauth répond que c'est le ministère de l'Économie bleue qui s'en occupe.

La voix attribuée à Kobita Jugnauth ne lâche pas et demande si ce ne sont pas des firmes privées. «Otan ki mo rapel, ena Growfish, li pe fer sa Bambous», explique Pravind Jugnauth. «To kone kinn arive? Ena kot Maradiva ek Sands ki dan lagon zot inn met sa bann striktir-la. Li enn eyesore.», demande l'autre voix. Pravind Jugnauth lui explique que le projet n'est pas situé dans le lagon, ni à l'endroit qu'elle indique. Elle persiste : «Si, inn fini koumans mete-la. Pa kone kouma pou fer sa. Zot pa met sa partou. Par ekzamp, Albion zot pa mete, zot ti kapav met sa kot pena lotel.»

Le Premier ministre semble surpris et indique qu'il n'est pas au courant de cette information. La voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth maintient que les structures ont été placées devant Maradiva et Sands et que c'est son frère Sanjeev qui le lui a confirmé. «Kan nou ale dan week-end nou kapav gete. Ek li pe dir mwa ki demin dan Konsey de minis zot pe approuve», dit-elle. Pravind Jugnauth lui rappelle que le projet a déjà été approuvé et que la firme Growfish, responsable de ce projet, devait opérer complètement en dehors du lagon. «Non, sa enn zafer ki pe trouve sa», insiste-t-elle. Pravind Jugnauth dit alors qu'il s'agit peut-être d'un autre projet. La voix attribuée à Kobita Jugnauth lui propose : «Quand on ira durant le week-end, on verra, mais si jamais il y a quelque chose dans le Cabinet demain, to dir put on hold.» Pravind Jugnauth approuve et assure qu'il va s'en occuper.

À noter que le 2 mai 2019, l'Environment and Land Use Appeal Tribunal, présidé par Vedalini Phoochund-Bhadain et ses deux assesseurs le Dr Ranjeet Bhagooli et Pravin Manna, avait retenu l'appel interjeté par l'Association des hôteliers et restaurateurs de l'île Maurice et la Sea Users Association contre la décision du ministère de l'Environnement d'accorder le permis d'Environmental Impact Assessment (EIA) à la compagnie sud-africaine Growfish pour le développement d'un projet aquacole à Bambous.

Le tribunal avait considéré que le permis comportait plusieurs incertitudes et zones d'ombre qui n'avaient pas été abordées par les autorités concernées, notamment sur les risques des prédateurs, l'impact environnemental et les autres conditions imposées par la loi. Le ministère de l'Environnement avait en effet octroyé, le 6 octobre 2017, son permis EIA à Growfish International (Mauritius) Ltd et cela, dans le cadre de son projet de fermes aquacoles dans l'Ouest. L'entreprise avait fait appel, mais en 2021, les représentants de la société et des ministères de l'Environnement et de l'Économie bleue avaient objecté à l'appel de l'affaire.

«Pa met presion»

Dans une autre bande sonore, la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth converse avec la voix présentée comme celle du directeur de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC), Anooj Ramsurrun. Elle lui demande s'il a filmé la conférence de presse. La voix attribuée au directeur de la MBC répond : «Lakel, de zer-la? Oui, je vais y accorder une grande importance.» «Right», approuve la première voix. «Deziem soz, se Hans Puttur. Mo kwar li ena inpe det avek MBC, larg li inpe, donn li enn ti letan. Li pe fer nou bann piblisite pou MDFP tou sa. Zot pe met presion lor li», dit-elle.

La voix attribuée à Anooj Ramsurrun explique qu'il est en contact avec Hans Puttur et que cette affaire avait été évoquée lors d'une réunion du conseil d'administration. Hans Puttur aurait demandé qu'on lui donne un document attestant qu'il avait déjà payé, qu'il pourrait présenter à l'Economic Development Board pour obtenir une autorisation. Il poursuit qu'il avait fait comprendre que la MBC pourrait aider Hans Puttur sans mettre le Premier ministre dans l'embarras, mais qu'un document affirmant qu'il ne doit plus rien pourrait être perçu comme une fraude. «Mais appelle-le et dis-lui qu'on va lui donner un peu de temps», conclut son interlocutrice.

Edmond Security

Dans trois autres bandes sonores, il est question du contrat avec Edmond Security. Dans un premier enregistrement diffusé, la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth converse avec celle attribuée à Ken Arian et lui demande s'il y a un délai pour les contestations dans le cadre d'un appel d'offres. Ce dernier répond que oui. «Be Sachin bizin fer apel», dit-elle. «Oui, j'attends qu'Anand vienne et je vais reparler à Sachin. Je vais voir ce qu'il faut faire. Je lui ai dit que s'il fallait revoir ou annuler, on fera ce qu'il faut», affirme l'interlocuteur.

«Non, ekout mwa. Pa kav revwar tender-la san okenn rezon, li pou paret lous. Fode enn second tenderer fer lapel, lerla freeze tender-la, lerla dir pou re fer prosedir pou tender», insiste la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth. Son interlocuteur approuve et explique que c'est pour cela qu'il avait demandé à Sachin de venir avec tous ses documents pour voir comment procéder avec l'appel. «Ensuite, on pourra fournir des éléments à Alan pour qu'il sache quoi faire...» dit-il.

«Une enveloppe de Rs 200 000»

Toujours au sujet d'Edmond Security, dans une conversation entre les voix attribuées à Sheela Curpen et Kobita Jugnauth, la première dit à la seconde : «Sachin est passé. Il a laissé une enveloppe. Il m'a dit qu'il y avait Rs 200 000 dedans pour toi.» La seconde lui répond : «Tu devrais laisser ça avec Pravind. Je ne suis pas à Port-Louis.» La voix présentée comme celle de Sheela Curpen demande si elle doit envoyer l'enveloppe avec le garde du corps et celle attribuée à Kobita Jugnauth précise qu'il faut en informer Pravind Jugnauth.

La première ajoute qu'elle n'a pas vérifié s'il y avait effectivement Rs 200 000 dans l'enveloppe. «Ayo, to kone kouma zot ete sa bann dimounnla », dit-elle. Elle s'enquiert ensuite de la liste de promotions des policiers et la voix attribuée à Kobita Jugnauth lui fait comprendre que cela est en cours de finalisation. «Il y a deux noms de M. Hoffman», dit la voix présentée comme celle de Sheela Curpen. Son interlocutrice lui demande si c'est un certain Étienne et lui demande de lui envoyer les noms.

Edmond Security appartient à Sachin Jussun. L'entreprise est située au quatrième étage de Goliva Court, à Quatre-Bornes. Elle est spécialisée dans diverses activités, notamment la sécurité privée, le traitement et l'hébergement de données, et la réparation d'équipements électriques, ainsi que des installations de construction telles que le câblage, les alarmes et les systèmes photovoltaïques. La directrice de la compagnie est Ranjana Devi Dussoye depuis le 18 décembre 2015.

«Kouzin» Pravind

Dans cet enregistrement, la voix présentée comme celle de Kobita Jugnauth discute avec la voix attribuée à Maneesh Gobin d'une conversion de terrain pour le cousin de Pravind Jugnauth, à Palma, bien que deux autorités aient émis des objections. La voix présentée comme celle de Maneesh Gobin assure qu'il reconsidérera le dossier. Son interlocutrice lui demande que ses conseillers l'appellent pour lui parler, tout en mentionnant qu'un autre cousin avait obtenu une conversion similaire sans problème.

Elle plaisante sur la lenteur administrative à Maurice, ce qui fait rire son interlocuteur. La voix attribuée à Kobita Jugnauth admet ressentir plus de stress pour leur famille que pour elle-même. La discussion se termine par un échange sur les nominations au board de la State Trading Corporation. «Ou sir la, ki dimounn ou pe mete bizin vot Dinesh?», demande-t-elle.

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