Le ministre de l'Intérieur du gouvernement intérimaire de Tripoli a suscité une vive controverse lors d'une conférence de presse mercredi 6 novembre. Imad Trabelsi a annoncé une série de mesures visant, selon lui, à renforcer les normes morales du pays, mais qui restreignent en réalité les libertés individuelles. Il veut notamment obliger les femmes libyennes à porter le voile, tout en remettant en place d'une police des mœurs à partir de décembre.
Les mesures annoncées ont suscité une vive controverse. En plus du port obligatoire du voile pour toutes les femmes et filles dès l'âge de 9 ans, y compris dans les écoles, l'officiel libyen veut interdire aux Libyennes de voyager sans être accompagnées d'un homme ou sans l'autorisation d'un homme de sa famille. Le ministère de l'Intérieur a aussi annoncé l'interdiction de la mixité dans les cafés et les lieux publics.
Les mesures touchent également la façon de couper les cheveux ou de s'habiller afin de respecter la « spécificité de la société libyenne », justifie Imad Trabelsi, membre du gouvernement d'unité nationale du Premier ministre intérimaire Abdelhamid Dbeibah.
Des mesures de suivi seront appliquées dans les rues et au-delà : les contenus des réseaux sociaux seront contrôlés et les auteurs de textes jugés inconvenants au mœurs seront poursuivis. Imad Trabelsi voudrait, par ailleurs, administrer des cours de religion aux policiers libyens. Il a enfin invité ceux qui se plaignent de restrictions des libertés individuelles et qui ne respectent pas les mœurs libyennes à partir en Europe.
« Ces déclarations contredisent totalement la Déclaration constitutionnelle »
Ces déclarations ont immédiatement divisé l'opinion publique, certains s'y sont montrés favorables, mais une majorité a critiqué l'attitude du ministre qui, « au lieu de s'occuper de la sécurité des Libyens, s'attaque à leurs libertés ». C'est le cas de Layla Ben Khalifa, candidate à l'élection présidentielle, qui accuse le ministre de vouloir gagner la sympathie des intégristes.
Les ONG des droits de l'homme ont unanimement dénoncé des déclarations qui ne respectent ni la Constitution et ni les lois libyennes. Cela est notamment le cas d'Ahmad Hamza, président de la Commission nationale des droits de l'homme, qui a dénoncé le contenu de ces déclarations.
Les déclarations du ministre de l'Intérieur incluent un certain nombre de déviations et de violations de la loi. Il impose une sorte de tutelle sécuritaire sous couverture religieuse sur la morale de la société. Ce qui constitue une insulte et une déformation, car la société libyenne est ainsi présentée comme moralement décadente. Ce qu'il avance dans ses déclarations constitue un dangereux précédent en termes du comportement et du langage d'un responsable face aux questions de droits de l'homme, de libertés publiques et fondamentales et de droits de citoyenneté.
Ces déclarations contredisent totalement la Déclaration constitutionnelle intérimaire, garantissant les droits et les libertés en Libye. Sans compter que cela viole les lois et la législation nationales en vigueur. Avec ces déclarations, il s'écarte des fonctions du ministère de l'Intérieur et de ses services de sécurité. Ces fonctions se limitent à faire respecter la loi conformément à la législation et non pas à créer et promulguer une législation.
La volonté du gouvernement de Tripoli d'imposer le port du voile aux Libyennes «viole les lois et la législation nationales en vigueur», dénonce le président de la Commission nationale des droits de l'Homme Ahmad Hamza