Ile Maurice: Me Satyajit Boolell - «Le pays est accaparé par une association de malfaiteurs»

interview

Dans un enregistrement qui a circulé à J-2 des élections, des propos attribués à l'épouse de l'ex-Premier ministre ont suscité des interrogations concernant des tentatives d'ingérence dans le travail du bureau du Directeur des poursuites publiques d'alors (DPP). L'enregistrement évoque en particulier des discussions visant à entraver l'indépendance de l'ancien DPP, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, pour le rendre incapable d'agir de manière autonome et transparente. On y entend aussi la voix suggérant d'inscrire cette tentative à l'agenda, afin de rendre la situation insoutenable pour le DPP de l'époque. Nous avons contacté le principal intéressé, qui a bien voulu répondre à nos questions.

L'enregistrement dans lequel il est question de tenter d'entraver votre capacité à traiter certaines affaires, semble soulever de graves préoccupations. Quelle a été votre première réaction face à ces ces propos ?

L'enregistrement vient confirmer ce que moi et plusieurs autres personnes au bureau du DPP à l'époque, avions toujours soupçonné. En écoutant l'enregistrement je dois avouer qu'au-dessus de l'émotion, j'ai éprouvé une seconde fois ce profond sentiment de dégoût et de révolte qui m'avait animé à l'époque. Car il s'agit, ici, d'un complot venant des plus hautes sphères du pouvoir, visant à nuire et non seulement à me nuire personnellement, mais aussi à toute ma famille, afin d'inciter mon départ en tant que DPP et entraver le bon fonctionnement du bureau du DPP.

Dans l'enregistrement, on peut entendre la voix attribuée à l'épouse de Pravind Jugnauth et celle de Ken Arian. Si cette identification est confirmée, pouvez-vous préciser en quoi cet incident ou ce mot d'ordre a mis en péril la capacité de votre bureau à mener ses enquêtes et poursuites de manière impartiale, et quelles en ont été les conséquences sur le système judiciaire ?

Il y avait un sous-entendu au sein des institutions qui, en temps normal, collaboraient avec le bureau du DPP, qui se manifestait par la limitation de toute forme de coopération, en d'autres mots, d'isoler le bureau. Cela avait pour but de décourager les avocats et même de tenter de les intimider dans certaines prises de décision. Cependant, au sein du bureau du DPP, comme cela a toujours été le cas, il y a des professionnels assidus qui n'ont jamais cédé à ce genre d'intimidation. Leur indépendance et leur impartialité n'ont jamais été remises en question.

Vous avez indiqué que la voix dans l'enregistrement semblait être celle de l'épouse du Premier ministre. Quelles actions légales ou institutionnelles envisagez-vous pour faire face à une telle ingérence dans les affaires du DPP, et quelle est, selon vous, la portée de ces faits sur la gouvernance à Maurice ?

J'ai dit que je reconnais la voix de ces personnes et je n'ai aucune raison d'en conclure autrement. Ce n'est pas de mon ressort de prendre des actions légales ou institutionnelles. Cependant, je laisserai le soin aux autorités concernées de prendre les sanctions qui s'avèrent appropriées et d'assurer que de tels complots ne se reproduisent jamais afin de protéger nos institutions constitutionnelles contre toute ingérence politique ou autre. Aujourd'hui je constate que l'État mauricien a été accaparé par une bande de non-élus, une association de malfaiteurs qui n'ont aucune notion de base de ce qu'est une démocratie ou même la séparation des pouvoirs - et qui font fi de la bonne marche des institutions indépendantes et constitutionnelles. Il faut absolument retourner aux valeurs démocratiques et constitutionnelles.

A Teleplus, jeudi, vous dites, je cite : «Heureusement qu'il y a des élections, sinon lepep ti pou tir zot par kole». Est-ce la colère qui vous pousse à dire cela ?

Je dis heureusement il y a des élections «sinon lepep ti pou rant dan l'hôtel du gouvernement e fou zot dehors par kole». Je le dis car on peut discerner une colère profonde dans le peuple et cette colère peut se traduire par une révolution ou par la violence. C'est pourquoi je parle des élections comme d'une soupape.

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