Les pays africains peuvent utiliser des outils financiers innovants comme les échanges de dettes, les obligations vertes et bleues pour protéger les écosystèmes marins, stimuler la croissance et s'adapter au climat.
Garantir un nouveau financement pour le bien commun est devenu plus difficile que jamais. Les négociations de la récente COP16 sur la nature et la biodiversité n'ont pas abouti à un accord sur la création d'un fonds destiné à soutenir la mise en oeuvre du cadre pour la nature convenu en 2022 dans le cadre de l'accord de Montréal-Kunming.
La prochaine COP29 sur le changement climatique devrait également être confrontée à une tâche ardue pour fixer un objectif collectif quantifié sur le financement du climat qui reflète l'ampleur des ressources nécessaires.
Comme pour toute action multilatérale, des engagements sans ressources conduisent à s'interroger sur l'efficacité de ces processus mondiaux.
L'écart entre les engagements mondiaux et l'allocation réelle des ressources frappe le plus durement les pays africains, qui n'ont souvent qu'une capacité limitée à générer ces ressources en premier lieu.
Les négociateurs africains ont souligné la nécessité de rendre compte du respect des engagements multilatéraux et continueront à défendre cette position lors des prochaines négociations sur le climat.
Entre-temps, de nombreux pays africains cherchent activement à débloquer de nouveaux flux de financement pour la résilience climatique et environnementale grâce à des innovations financières telles que les échanges de dettes, les obligations vertes et les obligations bleues.
L'économie bleue est devenue un domaine d'intérêt majeur pour l'Afrique et l'une des priorités de l'Agenda 2063 de l'Union africaine. Cependant, les pays africains ont continué à lutter pour contrôler et tirer profit de leurs propres ressources.
Le maintien de subventions préjudiciables à la pêche en est un bon exemple. La valeur des subventions accordées par des pays de pêche lointains à leurs flottes opérant dans les eaux africaines représente en moyenne le double de la valeur du soutien que les pays africains sont en mesure d'apporter à leurs propres flottes de pêche. Cette disparité mine les économies locales et épuise les ressources océaniques de l'Afrique, ce qui complique encore les efforts visant à mettre en place une économie bleue durable et résiliente.
La grande muraille bleue
Les pays africains ont cherché à redéfinir la manière dont ils tirent parti de leurs espaces océaniques pour développer une « économie bleue régénératrice ». Cela implique de réinvestir dans l'océan pour créer des emplois qui engagent les communautés qui sont les gardiennes des océans et des écosystèmes côtiers.
Cette idée a été conceptualisée dans le cadre de l'initiative de la Grande Muraille bleue, un projet ambitieux qui vise à créer un réseau de paysages marins conservés et restaurés, bénéfiques à la fois pour la biodiversité naturelle et pour les moyens de subsistance des communautés locales. L'initiative vise à protéger 30 % des zones économiques exclusives des pays d'ici à 2030 et à produire un gain net d'écosystèmes essentiels tels que les palétuviers, les coraux et les herbiers marins. On espère que l'initiative pourra contribuer à la création de 70 millions de moyens de subsistance dans la région et de 10 millions d'emplois bleus d'ici à 2030.
L'initiative de la Grande Muraille bleue rassemble 10 pays : Les Comores, le Kenya, Madagascar, Maurice, le Mozambique, les Seychelles, la Somalie, l'Afrique du Sud, la Tanzanie et la France (par l'intermédiaire de son département d'outre-mer de La Réunion). Ces pays travaillent ensemble pour renforcer la résilience socio-écologique, améliorer les moyens de subsistance et renforcer les efforts d'adaptation au changement climatique.
Le financement
Il est essentiel que l'initiative cherche à mobiliser des fonds pour atteindre un objectif collectif, tout en s'appuyant sur les efforts déployés par les différents pays. Cela présente certains avantages, notamment en termes d'économies d'échelle. Cette approche commune peut également permettre d'aborder des questions telles que la gestion de la pêche et de s'éloigner de la nature extractive actuelle des subventions à la pêche pour adopter une approche communautaire de la gestion de la ressource.
En outre, de nombreux autres pays africains cherchent à exploiter des possibilités innovantes de financement du climat afin de générer des ressources pour investir dans leur économie bleue.
Par exemple, le Cabo Verde et São Tomé et Príncipe ont conclu des accords avec le Portugal pour convertir une partie de leur dette nationale en investissements climatiques. Pour le Cabo Verde, l'accord prévoit un échange de dette de 12,9 millions de dollars (12 millions d'euros), tandis que l'accord de São Tomé-et-Príncipe porte sur 3,7 millions de dollars (3,5 millions d'euros). Ces fonds sont redirigés vers des projets d'investissement climatique plutôt que d'être versés directement au Portugal.
Au Cabo Verde, l'accent est mis sur les projets relatifs à l'eau, à l'assainissement et à l'énergie, notamment l'extension d'une centrale photovoltaïque et le développement d'installations de dessalement et de traitement de l'eau. L'initiative vise à utiliser l'énergie solaire pour produire de l'eau dessalée, répondant ainsi aux besoins en énergie et en eau.
De même, São Tomé et Príncipe canalisera les remboursements de sa dette vers un fonds climatique national, qui soutiendra divers investissements verts et projets d'adaptation au changement climatique.
Cette approche innovante garantit que les remboursements de la dette contribuent au développement durable et à la protection de l'environnement dans ces pays. Bien que les montants soient relativement faibles, ils peuvent servir de catalyseurs pour mobiliser des fonds plus importants.
C'est dans cet esprit que Sao Tomé-et-Principe a également annoncé la création d'un fonds fiduciaire pour la conservation visant à canaliser les ressources vers la préservation de leur patrimoine naturel unique et à tirer parti de nouvelles opportunités économiques associées, telles que l'écotourisme.
Tous ces efforts pour mobiliser des financements innovants en faveur du climat sont ancrés dans les besoins des populations qui sont en première ligne du changement climatique. C'est peut-être l'aspect le plus significatif de ces efforts, car il souligne le plus grand défi du multilatéralisme : veiller à ce que l'aide soit apportée aux membres les plus vulnérables de la communauté.
Investir dans le lien entre le climat, la nature et la résilience est l'une des mesures les plus urgentes et les plus efficaces que nous puissions prendre. Les investissements appropriés peuvent contribuer à libérer la valeur réelle des actifs naturels de l'Afrique, estimés par la Banque africaine de développement (BAD) à 6 200 milliards de dollars.
Nous avons besoin de processus mondiaux pour tenir la promesse de flux financiers prévisibles à grande échelle. Cependant, il est tout aussi important de débloquer les initiatives africaines qui se construisent au sein des communautés. Ces innovations aident à entamer ce voyage, ouvrant la voie à un changement significatif, autonomisant les communautés tout en relevant les défis du changement climatique.
M. Adam est directeur de la politique, du suivi et du plaidoyer au Bureau du conseiller spécial pour l'Afrique des Nations Unies.