Le Kremlin a mis en avant sa vision lors d'une conférence ministérielle consacrée au partenariat entre la Russie et l'Afrique, qui s'est déroulée ce week-end à Sotchi, dans le Sud de la Russie. Face à l'occident, Moscou cherche à s'imposer en partenaire incontournable de l'Afrique, face à l'Occident.
La conférence de Sotchi a réuni des responsables de cinquante pays et s'est inscrite dans la volonté de Moscou de marquer sa présence en Afrique face à l'Occident. « Notre pays va continuer d'apporter son soutien total à nos amis africains dans différents domaines», a assuré le président russe, Vladimir Poutine, dans une adresse lue par le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, le 10 novembre, devant des hauts responsables africains.
Il pourra s'agir « du développement durable, de la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme, les maladies épidémiques, du règlement des problèmes alimentaires ou des conséquences des catastrophes naturelles », affirmant que « le continent africain doit être et sera l'un des centres du monde multipolaire ». Cette rencontre est survenue après le sommet des BRICS en octobre à Kazan, où Vladimir Poutine avait tenté de prouver l'échec de la stratégie occidentale d'isolement et de sanctions, imposée après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022.
Selon Sergueï Lavrov, la Russie et les pays africains voient « du progrès dans tous les axes » de leur coopération, « malgré des obstacles artificiels opposés par l'Occident collectif », terme utilisé par Moscou pour désigner les États-Unis et leurs alliés. Il a assuré que la Russie et l'Afrique jugent « nécessaire de se débarrasser de la dépendance à des mécanismes globaux contrôlés par nos collègues occidentaux », notamment dans le domaine financier.
Depuis plusieurs années, la Russie, qui a été un acteur majeur en Afrique durant la période soviétique, renforce son influence dans les pays de ce continent qui n'ont pas adhéré aux sanctions occidentales contre Moscou. Des groupes tels que Wagner, ou son successeur Africa Corps, soutiennent certains régimes locaux, et des « conseillers » russes œuvrent auprès de dirigeants africains, en particulier en Algérie, en Centrafrique et dans les pays du Sahel, où la Russie a pris de l'ampleur au détriment de la France.
En 2023, Moscou a exporté plus de 5 milliards de dollars d'armement vers l'Afrique. Parallèlement, les grandes entreprises russes s'intéressent aux ressources naturelles de l'Afrique : Alrosa en Angola et au Zimbabwe (diamants), Loukoïl dans le secteur pétrolier au Nigeria, au Ghana, au Cameroun et au Congo, et Rusal pour l'exploitation de la bauxite en Guinée.
Au-delà de cette stratégie économique et militaire, Moscou cherche aussi à développer son influence culturelle et informationnelle, accusant souvent les Occidentaux de pratiquer « un néocolonialisme » en Afrique, une rhétorique qui trouve écho auprès d'une partie des responsables africains.
En plus de ses activités sur les réseaux sociaux, la Russie a multiplié l'ouverture de centres culturels, les Maisons russes, avec six nouvelles implantations (Guinée, Somalie, Centrafrique et Tchad). Officiellement destinées à promouvoir la culture et la langue russes, elles ont également pour but de diffuser la vision du Kremlin sur les événements mondiaux.
Au début de l'offensive en Ukraine, lorsque la Russie a imposé un blocus sur les céréales de ce pays en mer Noire, de nombreux pays africains ont soutenu ses arguments qui rendaient l'Occident responsable des risques de famine dus aux sanctions. En 2024, la Russie a exporté 14,8 millions de tonnes de blé vers 25 pays africains, soit une hausse de 14,4 % par rapport à l'année précédente. La question de l'orientation des liens avec la Russie a également créé des tensions internes en Afrique du Sud et en Algérie, deux pays historiquement proches de ce pays.
Pour des responsables réunis à Sotchi, le soutien de Moscou doit aller au-delà des questions sécuritaires. Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute de Dakar, s'interroge sur le long terme du partenariat : « Est-ce que la Russie accorderait le même intérêt à l'Afrique si le conflit en Ukraine se terminait ? Est-elle une « vraie priorité stratégique » ou «un intérêt conjoncturel lié à son bras de fer avec l'Occident ? »