Le 23 octobre dernier, Félix Tshisekedi, le président de la RDC , a annoncé sa volonté de réviser la Constitution en vigueur depuis le 18 février 2006.
Le débat autour de la révision constitutionnelle en RDC intervient dans un contexte politique et sécuritaire tendu.
Dans une circulaire datant du 11 octobre, l'Union pour la démocratie et le progrès social, le parti au pouvoir, a demandé à sa base de se mobiliser en faveur du projet de révision de la Constitution.
Toujours au mois d'octobre, lors de son déplacement à Kisangani, dans la Tshopo, Félix Tshisekedi a affirmé que "l'année prochaine, une commission nationale sera installée pour réfléchir sur notre Constitution."
Les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri sont placées sous état de siège depuis le 6 mai 2021. Ce régime exceptionnel, voulu par le président congolais, confie tous les pouvoirs aux autorités militaires.
L'état de siège avait pour but de donner à l'armée congolaise les moyens de lutter contre les groupes armés, mais le M23, qui semble plus fort que jamais, vient de lancer, fin octobre, une nouvelle offensive dans le Nord-Kivu, où il est présent dans cinq territoires sur les six que compte la province.
Le 7 novembre, le Parlement a voté la 85e prorogation de l'état de siège dans ces deux provinces.
Dans ce contexte, la RDC peut-elle réformer sa Constitution ?
L'article 229 de la loi fondamentale est clair à ce sujet : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l'état de guerre, l'état d'urgence ou l'état de siège ».
Dieudonné Lossadhekana est le président de la société civile dans l'Ituri. Pour lui, la révision de la Constitution n'est pas une priorité.
" La révision de la Constitution ne doit pas être une très grande préoccupation tant qu'on n'a pas encore résolu les vrais problèmes sécuritaires. La non résolution des problèmes sécuritaires, c'est ce qui justifie les prolongations de l'état de siège jusqu'à maintenant, " précise M. Lossadhekana.
Pour lui, " la loi a déjà limité cela. La révision de la Constitution doit vraiment apporter un changement dans le vécu quotidien de la population. Nous pensons que c'est cela qui doit être la préoccupation majeure de nos autorités. "
Toutefois, l'état de siège n'est pas national puisqu'il ne touche que deux provinces sur 26. Mais pour le politologue Bob Kabamba, il n'existe pas de "demi état de siège".
"Comme on l'entend souvent, certains disent que l'état de siège ne concerne qu'une partie de la RDC et pas tout le Congo. Pour la Constitution, on est dans un état de siège ou on ne l'est pas. Dans le cas présent, nous sommes dans un état de siège puisque toute la procédure de la mise en place d'un état de siège est définie par la Constitution et cette procédure est mise en oeuvre au niveau national, au niveau du parlement. Donc, en étant en état de siège, on ne peut pas réviser la Constitution. "
Récupération politique ?
Vital Kamerhe, le président de l'Assemblée nationale, a récemment critiqué la stratégie du gouvernement de prolongation répétitive de l'état de siège.
La société civile et les mouvements citoyens critiquent aussi régulièrement cette mesure pour son manque d'efficacité sur le terrain.
Ithiel Batumike, chercheur principal chez Ebuteli, redoute que la levée de siège, pourtant réclamée depuis des années par les habitants de l'est du pays, ne soit qu'un moyen d'ouvrir la porte à une réforme constitutionnelle.
" Le problème c'est qu'aujourd'hui, pendant qu'on parle de la révision constitutionnelle, cela paraît être comme un motif politique pour lever l'état de siège puisqu'il y a eu des moments où la société civile et les mouvements citoyens ont demandé à ce que l'état de siège soit levé, mais cela n'a pas été fait. On comprend donc qu'aujourd'hui, si on lève l'état de siège, ce n'est pas parce que les populations sont contre l'état de siège, ou parce que l'état de siège n'a pas produit assez de résultats, mais parce qu'on veut aller vers la révision constitutionnelle et ce sera donc une mesure politique plutôt qu'une mesure qui répond à des préoccupations sociales. "
Pour l'heure, rien n'est fait
Le juriste Adolphe Baduda appelle pour sa part à la prudence, car, pour l'heure, rien n'a été fait pour engager une révision constitutionnelle.
" Je suis d'accord que c'est un élément qui pourrait bloquer toute révision constitutionnelle, mais d'un autre côté, je me dis que l'état de siège peut être levé à tout moment. "
Il faut rappeler que laConstitution congolaise actuelle existe depuis 2006 et que sa dernière modification remonte à 2011. Elle ne concernait alors que huit articles sur 229.