Burkina Faso: Vers un rétablissement de la peine de mort

11 Novembre 2024

Les défenseurs des droits humains critiquent l'annonce faite par les militaires au pouvoir au Burkina Faso d'un retour de la peine capitale dans le projet de nouveau code pénal.

Au Burkina Faso, le 8 novembre dernier, lors de l'adoption du projet de loi concernant les travaux d'intérêt général, le ministre de la justice, Claude Bayala, a annoncé que le rétablissement de la peine de mort allait être inscrit dans le projet de nouveau code pénal.

Depuis le putsch de 2022, le régime militaire burkinabè, dirigé par le capitaine Ibrahima Traoré, a instauré un contrôle sur tout le pays, emprisonnant les voix critiques et les défenseurs des droits humains ou les enrôlant de force pour les envoyer se battre en première ligne contre les combattants djihadistes.

La peur permanente

En avril 2023,le Burkina Faso a adopté un décret portant "mobilisation générale et mise en garde" contre toute personne qui critiquerait le pouvoir en place.

Dans ce cadre, des dizaines de personnes ont été enlevées et envoyées de force "au front". Une situation que déplorent en silence de nombreuses personnes.

Légitimer les morts

Amamy Kj est l'une d'entre elles. L'artiste burkinabè vit aujourd'hui en exil. Il estime que le rétablissement de la peine de mort au Burkina Faso est la continuité de la violence du régime militaire.

"Le régime Traoré enlève et torture des citoyens. Et quand vous torturez des citoyens, c'est tout-à-fait normal que certains meurent. Ce n'est pas tout le monde qui peut résister face à cette torture. Donc, pour cacher cela, il faut rétablir la peine de mort parce que ceux qui sont morts, il faut dire qu'ils ont été exécutés parce que ce sont des ennemis de la nation", regrette l'artiste au micro de la DW.

"C'est ce que veut faire le régime tyrannique et sanguinaire d'Ibrahim Traoré. Il est clair que le rétablissement de la peine de mort, c'est tout simplement que le régime d'Ibrahim Traoré sait qu'il a fait assassiner des citoyens burkinabè."

Recul des droits humains

Le Burkina Faso avait aboli la peine de mort en 2018 et les dernières exécutions connues remontent à la fin des années 1990.

Pour Human Right Watch, le gouvernement doit renoncer à rétablir la peine de mort, comme l'explique Ilaria Allegrozzi, chercheure chez HRW.

"Des sources crédibles nous ont confié que le gouvernement planifie de rétablir la peine de mort pour des crimes liés au terrorisme. Les forces armées du Burkina Faso font face depuis près d'une décennie à une insurrection djihadiste et sont engagées dans un conflit armé avec des groupes islamistes armés liés à Al Qaïda et l'Etat islamique, " soutient la chercheuse.

"Oui, le pays a de réelles préoccupations en matière de sécurité, mais la reprise des exécutions ne rendra pas le pays plus sûr."

Les voix dissidentes étouffées

Il est quasiment impossible, aujourd'hui, de trouver une personne au Burkina Faso qui accepte de s'exprimer sur cette répression.

Les militaires avaient justifié leur prise de pouvoir par la force par la volonté de rétablir la paix dans le pays. Or, depuis plus de deux ans qu'ils dirigent le pays, les attaques djihadistes ont augmenté, comme le montrent les statistiques de l'Acled, une organisation qui recense les actions violentes dans le monde.

Face à cela,les militaires putschistes, sans apporter de preuve, affirment avoir déjoué plusieurs tentatives de déstabilisation, dont la dernière en date, le 9 novembre dernier, durant laquelle deux militaires auraient permis de déjouer une supposée tentative de coup d'Etat.

Appel à la justice

Human Right Watch insiste pour sa part sur une priorité : le rétablissement d'un climat en faveur de la démocratie.

"Les autorités du Burkina Faso agissent en dehors de tout cadre légal. Les arrestations arbitraires, les enlèvements, les disparitions forcées des journalistes, des activistes, sont devenus monnaie courante au Burkina Faso. Les personnes qui ont des opinions dissidentes ne devraient pourtant pas vivre dans la peur d'être enlevées, d'être harcelées ou d'être arrêtées pour avoir fait leur travail, " précise Mme Allegrozzi.

"Donc, nous demandons à la junte de prendre des mesures immédiates pour localiser toutes les personnes qui sont portées disparues, rendre des comptes de leur situation et les libérer si elles sont emprisonnées à tort. "

Dans un communiqué publié au mois d'octobre, Amnesty International indique par ailleurs avoir constaté, en 2023, une augmentation des condamnations à la peine de mort en Afrique subsaharienne.

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