Le come-back de Navin Ramgoolam est bien plus qu'une victoire politique : c'est une leçon de persévérance et de résilience. Son come-back rappelle le cas de Richard Nixon. Joint au téléphone hier à la mi-journée, Ramgoolam lui-même l'admet. Comme Nixon, il revient, «transformant ses échecs en tremplin».
Ramgoolam a traversé l'humiliation, le rejet, mais il s'est accroché, refusant d'abandonner, malgré tout ce qui lui tombait dessus. Le parallèle est frappant. Nixon, rejeté, a reconstruit patiemment, pour finalement gagner la présidence en 1968.
Pour Ramgoolam, les défaites de 2014 et 2019 ont marqué un tournant dans sa vie. En politique, la défaite est souvent une fin pour beaucoup (Roshi Bhadain lui-même annonce une retraite politique de quatre ans au moins après sa défaite au numéro 20). Ramgoolam, lui, en a fait un début.
En 2014, en alliance avec Paul Bérenger, il perd face à sir Anerood Jugnauth dans son fief à Triolet-Pamplemousses. Puis, en 2019, il échoue de nouveau, cette fois-ci au numéro 10, où il était parti trouver refuge. Dans son propre camp, certains pensaient qu'il était alors temps pour lui de passer la main. Mais Ramgoolam a résisté, convaincu qu'il avait encore sa place, et qu'il ne fallait pas l'enterrer trop tôt. À ceux qui lui demandaient de partir, il répondait que, même dans la défaite, il rassemble plus de voix qu'eux. Ce refus de céder à la pression s'avère payant aujourd'hui.
Dix ans de traversée du désert. Dix ans d'attaques, d'humiliations. Convoqué aux Casernes centrales, Ramgoolam a eu à affronter la justice, le mépris, les regards froids. La MBC filmait tous ses déplacements sous une lumière cruelle, exposant chaque instant de sa chute. Les images de ses coffres-forts circulaient, ternissant encore son image. Mais Ramgoolam a tenu bon. Ce qu'il perdait «en réputation», il le gagnait «en résilience», nous a-t-il expliqué hier.
Outre chez Nixon, cette force mentale, on la retrouve chez d'autres leaders : Lula au Brésil, Noboa en Équateur, Trump aux États-Unis. Ils ont tous subi, encaissé les coups, traversé l'enfer du rejet et du scandale. Lula, emblème des classes populaires brésiliennes, a chuté sous le poids des accusations. Il a été emprisonné. Sa sortie de prison a marqué son retour triomphal à la présidence du Brésil, avec les stigmates de la lutte comme symbole de résilience.
La victoire écrasante de l'alliance menée par Ramgoolam montre bien plus qu'une stratégie politique efficace. Elle montre une capacité rare à se réinventer, à toucher des générations nouvelles. Pour ces jeunes, Ramgoolam est devenu un symbole, non de scandale, mais de survie contre un régime autoritaire (surtout après le blocage des réseaux sociaux dans le sillage des «Moustass Leaks»).
Le cas de Trump en témoigne aussi. Après son mandat tumultueux, marqué par des scandales et des accusations, on le croyait fini. Pourtant, Trump est revenu. Il a su capter la colère, les frustrations d'une Amérique divisée, se présentant comme le rempart contre un establishment qu'il accuse de trahison. Ramgoolam a aussi fait face à une dizaine d'accusations, presque toutes tombées aujourd'hui. Mais l'ombre des Rs 200 millions plane encore, un poids pour son héritage, un challenge pour sa gouvernance. Pourtant, comme Trump, il sait que le scandale peut nourrir le pouvoir.
Les peuples, partout, sont prêts à pardonner, à rêver de rédemption. Ramgoolam, Lula, Trump, chacun porte les espoirs et les colères de leur peuple. Ils montrent que le retour au pouvoir n'est pas une simple conquête. C'est un triomphe de l'esprit sur l'adversité, une renaissance après la longue nuit.
Pour Ramgoolam, cette victoire de l'alliance est «une mission». Il revient pour rassembler, pour recoudre un pays fracturé. Dans cette île tiraillée entre crises économiques et divisions politiques, il veut être l'unificateur.
En politique, la défaite n'est pas la fin, elle est transformation. Ramgoolam l'a compris. Pravind Jugnauth aura tout son temps pour méditer dessus. Le pouvoir ne se trouve pas dans l'absence d'échec, mais dans la capacité à renaître. Avant de raccrocher, pour aller échanger avec Narendra Modi, Ramgoolam a laissé échapper, comme pour prouver qu'il ne cultive pas un esprit de vengeance ou de revanche : «Je veux pourtant tourner la page sur ce qui m'est arrivé mais je réalise aussi qu'un gouvernement ne devrait jamais agir ainsi contre un citoyen, qu'il soit un adversaire ou pas. Je dois m'assurer que cela ne se reproduise pas. Vous aussi vous en savez quelque chose, n'est-ce pas...»