Afrique: Investir dans la paix

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Promouvoir les enjeux du climat et de la paix à la COP29

Par une chaude matinée dans la ville de Malakal, au Soudan du Sud, des centaines de jeunes s'affairent autour d'un petit bâtiment. Ils se sont rassemblés pour l'inauguration d'un Centre pour la jeunesse, un espace où ils peuvent se réunir pour apprendre et agir sur des questions qui leur tiennent à coeur, comme celles du changement climatique et de la paix.

Lorsque j'ai visité le centre cette année, j'ai eu l'occasion de rencontrer certains de ces jeunes. Ils m'ont parlé de leurs rêves d'un avenir où les membres de leur communauté vivraient ensemble dans la paix et où chacun aurait accès aux ressources dont il ou elle a besoin.

Au Soudan du Sud, les jeunes représentent soixante-quinze pour cent de la population. À travers tout le pays, ils sont profondément affectés à la fois par le changement climatique et par les conflits. Des inondations et des épisodes de sécheresses ont endommagé les récoltes et détruit les maisons, et la rareté de ressources telles que la terre et l'eau ont pour effet d'attiser les tensions entre les communautés, faisant planer le risque de conflits qui mettraient les vies en danger.

Malheureusement, leur situation n'a rien d'exceptionnel et se retrouve dans de nombreuses régions du monde.

Non seulement 2023 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée, mais le nombre de conflits a également atteint son niveau le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces défis ont des effets cumulés les uns sur les autres. Les conflits peuvent entraîner la dégradation de l'environnement, tandis que le changement climatique intensifie la concurrence pour l'accès aux ressources, ce qui alimente à son tour la violence et donne lieu à des crises humanitaires prolongées.

Ce n'est pas une coïncidence si quatorze pays parmi les plus menacés par le changement climatique sont par ailleurs actuellement en proie à un conflit. En février, lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a déclaré : « Les catastrophes climatiques et les conflits exacerbent les inégalités, mettent en péril les moyens de subsistance et obligent les populations à quitter leur foyer ».

À la fin de l'année 2023, près de trois personnes déplacées de force sur quatre vivaient dans des pays fortement ou extrêmement exposés aux risques climatiques. Près d'une personne sur deux vivait de surcroît dans un pays exposé à un conflit.

La solution à ce double défi consiste à maximiser les retombées positives du financement climatique en faveur de la paix (consultez le rapport en anglais). Les ressources consacrées à aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs climatiques peuvent aussi permettre de s'attaquer aux causes profondes des conflits et de l'instabilité.

Les résultats de cette approche peuvent avoir des effets considérables.

Aux Philippines, une initiative communautaire dans la région autonome Bangsamoro du Mindanao musulman, zone marquée par les conflits et la fragilité, a permis à des communautés autochtones et à des femmes devenues veuves à cause des conflits armés de conserver leurs captures de pêche grâce à des systèmes de fabrication de glace fonctionnant à l'énergie solaire, créant ainsi des emplois, augmentant les revenus et contribuant à la paix. En Sierra Leone, des kiosques à eau ont réduit le risque de violences sexiste pour les femmes qui devaient se rendre auparavant dans des zones touchées par la guerre pour aller chercher de l'eau.

Au Myanmar, où je me suis rendue en octobre, le PNUD a adopté une double approche afin d'aider les communautés à se remettre du typhon Yagi, qui avait provoqué de fortes pluies et de graves inondations le mois précédent. Nous avons fourni des secours d'urgence pour assurer un rétablissement à court terme tout en développant des systèmes d'alerte précoce pour garantir une résilience à long terme dans une région qui risque de connaître une augmentation de la fréquence et de l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes susceptibles de mener au conflit.

De tels efforts sont tout à fait prometteurs. Mais un problème subsiste : les États fragiles, où le financement climatique est le plus nécessaire, reçoivent nettement moins de fonds. Les recherches du PNUD montrent que les États extrêmement fragiles ne reçoivent que 2,10 dollars par personne en financement climatique, contre 161,70 dollars ailleurs.

Avec près d'un demi-milliard de personnes qui vivent dans des situations de conflit, nous ne pouvons espérer atteindre les Objectifs de développement durable si nous continuons à négliger les personnes les plus vulnérables de ce monde.

La conférence annuelle des Nations Unies sur le climat (COP ou Conférences des Parties) est un haut lieu de l'action collective en faveur du climat, et les deux dernières conférences ont abouti à un discours positif à ce sujet. L'initiative intitulée « Réponses climatiques pour la pérennisation de la paix » (CRSP) lancée à l'occasion de la COP27 et la Déclaration sur le climat, les secours, le relèvement et la paix (CRRP) de la COP 28 ont permis de parvenir à un consensus pour rapprocher les politiques et les financements en matière de climat et de paix.

Nous devons maintenir cette dynamique lors de la COP29 en mettant l'accent sur les deux domaines clés que sont le financement et le renforcement des capacités.

Les pays développés et les institutions financières internationales doivent mobiliser des investissements qui ne se limitent pas aux questions de la résilience climatique et de l'accès à l'énergie, en particulier pour les communautés les plus fragiles. Il s'agit notamment de soutenir les processus de résolution des conflits, de garantir la bonne gouvernance et de promouvoir des moyens de subsistance durables.

Lors de la COP27, les pays ont convenu de créer un fonds pour les pertes et les préjudices afin de contribuer à l'adaptation aux effets du changement climatique dans les pays et les régions où des solutions existent, mais où les gouvernements et les communautés n'ont pas les ressources nécessaires pour les mettre en oeuvre. Alors que la COP29 marque une nouvelle étape dans la mise en oeuvre de ce fonds, il est essentiel de réfléchir à l'intégration des questions liées au climat et à la paix dans son champ d'action.

En outre, les gouvernements et les communautés de zones fragiles ont besoin de connaissances et d'outils adéquats pour être en mesure d'utiliser le financement climatique de manière plus efficace. Nous avons franchi un pas dans cette direction en établissant le mécanisme de sécurité climatique, un partenariat entre organisations qui oeuvrent pour le développement, pour l'environnement et pour la consolidation de la paix au sein du système des Nations Unies. Cette initiative fournit des ressources techniques aux pays et régions vulnérables pour une meilleure intégration des politiques relatives au climat et à la paix.

Ce n'est que lorsque tous les pays disposeront des moyens nécessaires pour atteindre leurs objectifs climatiques que nous pourrons atteindre nos objectifs mondiaux dans ce domaine.

La COP29 offre à la communauté internationale une occasion en or d'aborder le lien entre le climat et la paix. Ce faisant, nous pourrons bâtir un monde plus résilient et plus pacifique, sans laisser personne de côté.

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