La dernière ligne droite qui mène aux législatives du 17 novembre 2024 sera-t-elle particulièrement turbulente ? La question mérite d'être posée quand à quatre jours de l'échéance les tensions deviennent de plus en plus palpables.
En réalité, depuis l'ouverture des joutes électorales le 27 octobre pour une durée de vingt et un jours, les incidents se multiplient à travers le pays. On se rappelle les heurts le 30 octobre à Koungueul entre partisans de l'opposition et pouvoir. Et que dire de l'attaque, le 28 octobre d'un parti d'opposition par des inconnus, qui s'en sont pris à des véhicules en cassant des vitres avant de déclencher un incendie ? Ces scènes de violence ont contraint le président Bassirou Diomaye Faye à inviter tous les acteurs des élections à la « modération ».
Visiblement, l'appel du premier des Sénégalais semble être tombé dans l'oreille d'un sourd. Le lundi 11 novembre dernier, bis repetita. Plusieurs militants du PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) ont subi la colère d'éléments de Sam sa Kaddu, la coalition du maire de Dakar Barthélemy Diaz. Quatre-vingt-une personnes ont d'ailleurs été interpellées.
Il n'en fallait pas plus pour que le Premier ministre, Ousmane Sonko, et patron du PASTEF intime, en ces termes, l'ordre à ses troupes d'appliquer la loi du talion, « oeil pour oeil, dent pour dent ». « A tous les patriotes du pays, Barthélemy Diaz et sa coalition ne doivent plus battre campagne dans ce pays. Notre parti a été agressé à Dakar, à Koungheul, à Saint-Louis, à Louga, à Mbacké... Des plaintes ont été déposées, des preuves visuelles existent. A ce jour, zéro arrestation. Que chacune des agressions subies par le PASTEF de leur part, depuis le début de la campagne, que chaque patriote qu'ils ont agressé et blessé, soit proportionnellement vengé. Nous exercerons notre droit légitime à la riposte. » Sonko a ainsi clairement appelé à répondre aux attaques dont ils seraient victimes.
De quoi faire bondir de nombreux leaders de la classe politique et de la société civile. Même dans son propre camp, quelques voix se sont élevées contre ce dérapage du chef du gouvernement, à l'image de Guy Marius Sagna, candidat au compte de PASTEF qui a recadré le locataire de la Primature.
Il faut reconnaître qu'un Premier ministre ne devrait pas dire ça. On a, en effet, le sentiment que Sonko n'habite pas encore tout à fait la fonction de Premier ministre.
Certes, il est le patron d'un parti en compétition, mais il devrait faire l'effort d'être au-dessus de la mêlée et ne pas encourager la violence. Or avec cette sortie, il contribue à exacerber des tensions qui sont déjà suffisamment palpables.
C'est à croire que celui qui a appelé pendant de longs mois à des manifestations violentes et qui les ont propulsés au sommet de l'Etat ne peut pas se refaire. Et c'est bien dommage pour le Sénégal.
Au demeurant, on se demande d'ailleurs si cette fébrilité ne traduit pas une certaine crainte de perdre les législatives, ce qui serait une véritable catastrophe pour le PASTEF et ses partisans.
Il ne manquerait plus que Bassirou Diomaye Faye et son PM soient victimes du syndrome de Jacques Chirac, ou plus récemment, d'Emmanuel Macron, s'ils devaient perdre la consultation électorale alors qu'ils ont dissout l'Assemblée nationale pour s'octroyer une majorité confortable afin de pouvoir gouverner.
Une chose est sûre, avec la multiplication des actes de violence, les derniers jours de la campagne s'annoncent particulièrement houleux et il faut espérer qu'ils ne débouchent pas sur une journée électorale mouvementée, voire sur des contestations postélectorales qui mettraient en danger la paix sociale au Sénégal. Et cette sortie de Barthélemy Diaz ne vient pas arranger les choses : « Je serai à Dakar mercredi, je serai à Dakar jeudi, je serai à Dakar vendredi. Un jour je serai au pouvoir et on te règlera ton compte. Je te jure, on te règlera ton compte... »