A quelques jours des législatives anticipées qui cristallisent toutes les attentions, la tension monte de plusieurs crans au Sénégal. Les accrochages et les heurts entre partisans et sympathisants de plusieurs camps, se multiplient au point que d'aucuns n'hésitent pas à dire que le pays danse sur un volcan.
Tant que ce n'était que des piques ou invectives entre candidats, on pouvait dire que c'était dans l'ordre normal des choses. Mais lorsque les uns sortent les couteaux pour en découdre avec les autres, il y a de quoi nourrir de sérieuses appréhensions pour l'avenir de la démocratie sénégalaise qui, malgré ses imperfections, reste un exemple dans la sous-région ouest-africaine.
Comment ne pas être inquiet quand on sait que les autorités sénégalaises qui devaient oeuvrer à l'apaisement, contribuent, elles-mêmes, à jeter de l'huile sur le feu, allant jusqu'à appeler ouvertement leurs militants et sympathisants à la vengeance ? C'est le cas du Premier ministre, Ousmane Sonko, qui, sans aller avec le dos de la cuillère, a encouragé et invité ses supporters à se venger après des agressions dont ils ont été victimes en début de semaine en cours. Pour un dérapage dangereux, c'en est un qui pourrait faire basculer le Sénégal dans le cercle des nations gondwanaises où le désordre le dispute aux turpitudes des dirigeants.
C'est le lieu d'en appeler au sens de discernement des Sénégalais
En tant que chef du gouvernement, Ousmane Sonko aurait dû, après les agressions dont ont fait l'objet ses partisans, appeler à l'ouverture d'une enquête en vue de situer les responsabilités, plutôt que d'appeler publiquement à la violence qui, on le sait, est mauvaise conseillère. On comprend pourquoi, en plus de l'opposition, des voix, et pas des moindres, s'élèvent aussi bien au sein de la société civile qu'au sein du parti au pouvoir, pour appeler le Premier ministre à revenir à la raison.
En tout cas, si le Sénégal venait à brûler (on touche du bois), ce serait par la faute d'Ousmane Sonko qui, en tenant de tels propos d'une rare virulence, apporte de l'eau au moulin de ceux-là qui l'accusent d'avoir introduit la violence en politique au Sénégal. Il voudrait leur en donner la preuve qu'il ne s'y prendrait pas autrement. C'est le lieu, toutefois, d'en appeler au sens de discernement des Sénégalais qui, quoi qu'il advienne, doivent placer par-dessus tout l'intérêt supérieur de leur pays.
Il ne faut surtout pas qu'ils acceptent de mettre en péril leur vie pour servir les intérêts des hommes politiques qui, au gré des circonstances, peuvent surprendre agréablement ou désagréablement ; c'est selon. On l'a vu, du reste, en Côte d'Ivoire et au Kenya, pour ne citer que ces deux exemples, où des ennemis jurés, après avoir fait massacrer leurs ouailles respectives, ont fini par fumer le calumet de la paix, quand certains ne sont pas devenus des alliés politiques.