Plus de dix-huit mois ! C'est le temps qu'il aura fallu aux Nations unies pour envoyer une délégation d'experts au Soudan où la guerre fait rage entre l'armée régulière conduite par le Général Abdel Fattah al-Burhan et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du Général Mohamed Hamdane Daglo dit Hemetti.
Une guerre pour le pouvoir, qui a déjà fait près de 15 000 morts si ce n'est dix fois plus, selon certaines sources, avec un nombre toujours croissant de déplacés fuyant les combats et qui dépasse aujourd'hui les dix millions.
Créant une crise humanitaire sans précédent dans ce pays d'Afrique de l'Est où, selon le bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU, près de dix-huit millions de personnes sur les quarante-neuf millions d'habitants que compte le pays, sont menacées de famine en raison du conflit qui peine à trouver une solution, malgré les initiatives de rapprochement des belligérants. Comment peut-il en être autrement quand les cessez-le-feu sont systématiquement violés au point de ne tenir souvent que le temps de leur signature sur le papier ?
On attend de voir comment l'ONU pourra se sortir du bourbier soudanais
Comment peut-il encore en être autrement quand les deux chefs de guerre bénéficient du soutien de puissants parrains parfois tapis dans l'ombre, au vu et au su de l'ONU dont l'impuissance à imposer la paix dans ce pays africain quasiment en guerre permanente, ne manque pas d'interroger. Toujours est-il que dans le cas de la présente mission qui « vise à examiner la situation sur le terrain », aussi bonne que puisse être l'initiative, elle peut paraître un coup d'épée dans l'eau si les hostilités doivent continuer sur le terrain.
Or, à l'étape actuelle de la situation, rien ne garantit que cette visite des experts onusiens au pays d'Omar el Béchir, permettra de faire bouger les lignes dans le sens de la désescalade tant espérée. Autant dire que c'est une mission pour se donner bonne conscience. Car, en trois jours, on ne voit pas ce que ces experts peuvent poser comme actes concrets sur le terrain pour changer la donne.
On est d'autant plus poussé au pessimisme que de ce qu'il en ressort, l'objectif de cette mission est de rencontrer les instances nationales chargées de l'application d'une vieille décision de l'ONU, en l'occurrence la décision 1591 de 2005 portant embargo sur les armes à l'encontre de personnes ou d'entités non-étatiques au Darfour, comme les Janjawid. Une situation qui en dit long sur le fonctionnement de l'organisation mondiale qui fonde pourtant les espoirs des plus faibles. C'est pourquoi au-delà de cette mission, on attend de voir comment l'ONU pourra se sortir du bourbier soudanais.
Déjà, il faut croiser les doigts pour que cette guerre ne finisse pas par tomber dans l'oubli. C'est dire la nécessité d'attaquer le mal à la racine, si la communauté internationale veut se donner des chances de mettre un terme au conflit. Particulièrement l'ONU qui doit se donner les moyens de sa politique, en usant de tous les moyens de coercition nécessaires pour contraindre les belligérants au dépôt des armes.
C'est le lieu de dénoncer l'hypocrisie de la communauté internationale
Cela passe par une mise en garde ferme à l'endroit des parrains des deux chefs de guerre et une vigilance accrue par rapport à la résolution portant embargo sur les armes.
La question qui se pose est de savoir si l'ONU est capable de faire preuve d'une telle fermeté, quand on sait que les grandes puissances qui sont à la manoeuvre dans les conflits du genre, sont les mêmes qui influencent les décisions de l'organisation mondiale quand elles ne disposent pas du droit de veto pour en faire usage en fonction de leurs intérêts. C'est le lieu de dénoncer l'hypocrisie de la communauté internationale dont l'ambiguïté de la position dans la crise soudanaise, n'a jamais permis d'atteindre les résultats escomptés dans la recherche de la paix.
Car, si un incendie peut s'éteindre de lui-même faute de comburant, tout porte à croire que dans le conflit soudanais, ce sont les mêmes qui appellent au calme, qui sont les soutiens, dans l'ombre, des deux camps. Dans ces conditions, comment espérer la paix si les parties au conflit ne montrent pas de disposition à aller à un compromis politique visant à aplanir les divergences ?
En tout état de cause, si les deux Généraux ennemis soudanais continuent de faire la sourde oreille, c'est parce qu'ils sont adossés à des soutiens qui se veulent d'autant plus solides que chacun des belligérants continue de nourrir le secret espoir d'une victoire militaire sur le terrain. Pendant ce temps, ce sont les pauvres populations qui continuent de souffrir le martyre... d'une guerre qui leur a tout retiré, après que les militaires les ont spoliées. Pourtant, leur révolution était censée changer leur vie dans le sens du meilleur.