Sénégal: Législatives sur fond de violences - Le pays ne doit pas décevoir

13 Novembre 2024

Le Sénégal s'est engagé sur la dernière ligne droite menant aux législatives prévues pour le 17 novembre 2024. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la campagne pour ce scrutin qui est censé rebattre les cartes politiques sur les rives du fleuve Sénégal, est loin d'être un fleuve tranquille.

En effet, elle est émaillée de violences comme en témoigne l'attaque du convoi du PASTEF à Saint- Louis avec à la clé, deux blessés et près d'une quarantaine d'interpellations par les autorités judiciaires. Et comme pour jeter de l'huile sur les braises déjà incandescentes, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a invité ses militants et sympathisants à « se venger des agressions » de leurs adversaires.

Même si le chef de l'Exécutif a tenté de se racheter, il n'en demeure pas moins que le mal est déjà fait. Et la question que l'on peut se poser légitimement face à ces dérapages, est la suivante : pourquoi le fleuron démocratique sénégalais s'est-il si racorni ? La réponse à cette question se trouve dans les enjeux de ce scrutin qui intervient suite à la dissolution de l'Assemblée nationale qui avait introduit, l'on s'en souvient, une motion de destitution contre le Premier ministre, Ousmane Sonko.

La classe politique n'a pas le droit de vendanger l'héritage politique bâti par les pères fondateurs du Sénégal

Pour le parti présidentiel, il s'agit de s'assurer, vaille que vaille, une majorité confortable au Parlement pour pouvoir gouverner plus librement. Pour l'opposition, l'ambition est de contrecarrer ce projet à tout prix en constituant une majorité parlementaire pour contrôler l'action de l'Exécutif. A défaut, elle veut contraindre le PASTEF à un partage du pouvoir à travers une cohabitation politique.

Mais au-delà de ces ambitions entièrement politiques, il se joue derrière ces législatives, des destins personnels avec en toile de fond, des instincts revanchards. Pour le duo Ousmane Sonko-Diomaye Faye, il s'agit de faire rendre gorge à l'ancien chef de l'Etat, Macky Sall, qui lui a rendu la vie dure. L'on se souvient encore des déboires politico-judiciaires des leaders du parti présidentiel avec en prime la prison et de toute la répression qui s'est abattue sur les manifestants qui étaient acquis à leur cause.

Pour l'ex-président Macky Sall qui n'a certainement pas encore digéré d'avoir été éconduit et de façon fort humiliante, du palais présidentiel et cela, après avoir vainement tenté de s'octroyer un bonus à la tête de l'Etat, il s'agit d'abord de se mettre à l'abri de tout tracas judiciaire. Même s'il jouit de l'amnistie qu'il a signée en fin de pouvoir, la meilleure garantie face à ses adversaires politiques, reste un paravent politique.

Il n'est pas non plus à exclure que ces législatives pour Macky Sall, lui permettent de garder la main sur le terrain politique avec pour ambition sans nul doute de préparer son retour à la tête de l'Etat sénégalais. Toute la classe politique sénégalaise est, sans nul doute, emportée par l'élan de ce duel dans lequel l'on n'hésite pas à boxer en dessous de la ceinture.

On peut espérer que la classe politique sénégalaise qui a toujours fait preuve de maturité, entendra raison

Les militants de la coalition Samma Sa Kadu du maire de Dakar, Barthélémy Dias, qui s'en sont pris à la caravane électorale du PASTEF, ont, dans une atmosphère politique digne de la loi de la jungle, acheté une bagarre qu'ils mènent par procuration. Mais quelles que soient les motivations de ces violences, l'on peut dire qu'elles sont indignes du Sénégal qui était resté jusque-là présenté comme un phare démocratique sur le continent et qui constitue, de fait, pour tous les démocrates du continent, une lueur d'espoir face au nouveau printemps de coups de force.

Mieux, la classe politique n'a pas le droit de vendanger l'héritage politique patiemment bâti par les pères fondateurs du Sénégal, depuis Léopold Sédar Senghor jusqu'à Abdoulaye Wade en passant par Abdou Diouf. Et pour toutes ces raisons, le Sénégal ne doit pas décevoir.

Et cette responsabilité de maintenir la flamme démocratique allumée au pays de la Téranga, incombe à l'Exécutif. Et pour cause. D'abord, c'est le gouvernement qui a la responsabilité de l'organisation du scrutin et comme tel, il est comptable de tous les dérapages que l'on viendrait à constater et qui entacheraient la crédibilité de l'élection. Ensuite, c'est l'Exécutif qui a l'initiative de l'action publique et cela, conformément aux prescriptions de la loi sénégalaise.

Il est le garant de l'ordre public et dispose, à cet effet, de la force publique et de la Justice. Enfin, pour le duo Sonko-Faye au pouvoir, il se devrait de faire mieux que ses prédécesseurs. Cela dit, on peut, néanmoins, espérer que la classe politique sénégalaise qui a toujours fait preuve de maturité, entendra raison et que les tensions baisseront afin de permettre la tenue des élections dans un climat apaisé et qui fera honneur à la réputation du Sénégal.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.