Les choses sont allées avec une redoutable célérité.
- Dimanche 10 novembre 2024 à Bamako, dans les studios de la télé Joliba TV. Sur le plateau de l'émission « Rendez-vous des idées », Issa Kaou N'Djim, connu pour son franc-parler, qui était invité avec d'autres personnes, a estimé au sujet de la dernière tentative de déstabilisation à 5 milliards de francs CFA éventée au Burkina que ce serait du pipeau.
- Mardi 12 novembre, Ouagadougou. Mécontent de cette sortie médiatique, le Conseil supérieur de la communication (CSC) du Burkina, dans une correspondance adressée à son homologue malien, a porté plainte contre Joliba TV News pour des déclarations « gravissimes » et « insultantes » envers le peuple burkinabè. Les propos du polémiste, selon l'instance de régulation, jettent le discrédit non seulement sur les dirigeants burkinabè, mais aussi sur la lutte que mène l'Etat pour préserver sa stabilité face aux menaces sécuritaires. Le CSC invite enfin la Haute Autorité de la communication (HAC) à « réserver toute suite qu'elle jugera appropriée à la diffusion de cette émission qui est aux antipodes des relations fraternelles et du combat des Peuples de l'AES pour la dignité et l'indépendance réelle de nos Etats. »
Sitôt demandé, sitôt fait. Mercredi 13 novembre 2024. Interpellation de l'ancien vice-président du Conseil national de Transition (CNT), passé depuis à l'opposition, à son domicile à Bamako par des agents en civil pour affaire le concernant. On a appris plus tard que celui qui est également le beau-fils de l'imam Dicko a été placé sous mandat de dépôt pour «offense commise publiquement envers un chef d'Etat par le biais de système d'information». Il sera jugé le 12 février prochain. Quant à la télé, son directeur et son directeur de l'information qui faisait la police des débats ont été convoqués par la HAC pour une «séance d'écoute».
Cette célérité extraordinaire sonne, en tout cas, comme une mise en garde à tous les débatteurs des plateaux télévisés au Mali, où la parole est encore relativement libre.
Avec ce qui vient de se passer, on a le sentiment, que le Conseil supérieur de la communication a exercé dans une certaine mesure un droit de poursuite, l'équivalent médiatique de ce qui se passe entre les Forces de défense et de sécurité (FDS) des trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. On s'achemine, pour ainsi dire, vers une AES des régulateurs (avec celui de Guinée) dont un forum est d'ailleurs prévu en décembre pour une meilleure collaboration.
On ne serait pas étonné que ce qui vient de se passer au Mali arrive également au Burkina si d'aventure un média quelconque ou un animateur de plateau télé s'avisait de critiquer le général Assimi Goïta ou le général Abdourahame Tiani. Ce serait le moins que le CSC pourrait faire s'il était saisi, c'est-à-dire renvoyer l'ascenseur à ceux qui viennent de lui rendre service de la façon la plus express possible. On s'achemine donc vers une mutualisation des moyens entre les gendarmes de la communication pour épingler les contrevenants.
On espère que la collaboration entre les FDS des trois pays concernés épouse la même solidarité et la même rapidité pour qu'on vienne à bout de la pieuvre qui nous enserre de ses tentacules depuis un bon bout de temps et contre laquelle les différentes armées ainsi que les volontaires engagés à leurs côtés se battent avec un admirable courage.
Mais en attendant, journalistes, éditorialistes et débatteurs de l'AES, tremblez !