Afrique: Le continent peut devenir le leader de la production du vaccin anti-Mpox

Traiter l'épidémie de Mpox ( photo d'illustration)
13 Novembre 2024

ADDIS ABEBA — Alors que l'Afrique est aux prises avec de multiples épidémies de Mpox, les responsables de la santé publique affirment que les vaccins produits localement sont essentiels pour mettre fin à la dépendance aux dons et garantir la santé sur le continent.

L'Afrique dépend actuellement des pays plus riches pour obtenir des vaccins afin de lutter contre la dernière épidémie de Mpox, qui a été déclarée urgence sanitaire continentale et mondiale par les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

L'Union européenne a fait don de 200 000 doses, tandis que les États-Unis ont contribué à hauteur de 50 000 doses pour permettre à la République démocratique du Congo (RDC) - l'épicentre de l'épidémie - de commencer sa campagne de vaccination au début du mois d'octobre.

"Comme nous ne fabriquons pas de vaccins en Afrique, nous sommes confrontés aux mêmes défis que ceux que nous avons rencontrés pendant la pandémie de COVID-19 : dépendre de sources externes pour les vaccins"Jean Kaseya, directeur général du CDC Afrique

Le Mpox, anciennement connue sous le nom de variole du singe, est une maladie virale qui se propage principalement par contact étroit avec une personne infectée, provoquant une éruption cutanée douloureuse, une hypertrophie des ganglions lymphatiques et de la fièvre.

Ces derniers mois, la maladie s'est propagée de manière exponentielle en RDC qui a enregistré plus de 6 000 cas et 25 décès cette année.

Des épidémies ont également été signalées au Nigeria, au Kenya, au Burundi, en Ouganda et au Rwanda.

Malgré la demande de vaccins Mpox il y a deux ans lors d'une précédente épidémie, la RDC et d'autres pays à faible revenu ont eu du mal à les acheter en raison de leurs coûts élevés.

Jean Kaseya, directeur général du CDC Afrique, estime que ces retards reflètent les inégalités dans les systèmes de santé mondiaux. Il estime que l'Afrique doit se concentrer sur la production locale de vaccins pour répondre aux besoins de sa population.

La dépendance aux dons reflète les défis auxquels l'Afrique a été confrontée pendant la pandémie mondiale de COVID-19, lorsque le continent était souvent le dernier à recevoir des vaccins vitaux, confie Jean Kaseya à SciDev.Net.

« Comme nous ne fabriquons pas de vaccins en Afrique, nous sommes confrontés aux mêmes défis que ceux que nous avons rencontrés pendant la pandémie de COVID-19 : dépendre de sources externes pour les vaccins », a déclaré Kaseya lors d'un point de presse sur le Mpox. Marelant que « la fabrication locale demeure essentielle ».

Transfert de technologie

Dans le but d'accroître la capacité de fabrication locale, CDC Afrique est en pourparlers avec Bavarian Nordic, un fabricant de vaccins danois, pour le transfert de la technologie du vaccin Mpox aux producteurs africains.

En septembre dernier, cette entreprise s'est engagée à augmenter la production de son vaccin Jynneos et a déclaré qu'elle étudiait la possibilité de transférer sa fabrication à d'autres sociétés en Afrique ou ailleurs.

CDC Afrique a depuis partagé des informations préliminaires avec des fabricants africains dont neuf ont manifesté leur intérêt, mais un seul a le potentiel de produire le vaccin, a révélé Jean Kaseya.

A en croire ce dernier, la production locale, à commencer par les processus dits de « remplissage et finition » -- le remplissage et l'emballage des vaccins, généralement en utilisant des ingrédients actifs importés, appelés antigènes -- est une priorité.

La capacité de l'Afrique à réaliser des opérations de remplissage et de finition dépasse de loin la demande actuelle, selon un rapport de 2023 co-produit par CDC Afrique, la Clinton Health Access Initiative et PATH.

« Jeu d'argent »

Le PDG d'Amref Health Africa, Githinji Gitahi, fait savoir à SciDev.Net qu'un obstacle important pour les fabricants de vaccins africains est la demande incertaine du marché.

Il affirme que les fabricants locaux ont besoin d'une demande forte et soutenue pour rendre la production viable.

« Développer une production de vaccins adéquate en Afrique n'est pas seulement une question de technologie ou de compétences, mais il s'agit aussi de disposer d'un marché pour vendre ces vaccins », analyse Githinji Gitahi.

« La demande ne se traduit souvent en marché que lorsque la menace traverse les frontières africaines vers les pays riches, incitant les sociétés pharmaceutiques à augmenter leur production : c'est un jeu d'argent », explique-t-il.

Pour briser ce cycle, Githinji Gitahi plaide pour que des organisations comme Gavi, l'Alliance du Vaccin, un important acheteur de vaccins, s'engagent à acheter des vaccins fabriqués en Afrique.

En mai dernier, les ministres africains de la santé se sont engagés à acheter des vaccins fabriqués sur le continent, lors d'une réunion organisée par le CDC Afrique. L'agence collabore désormais avec les gouvernements pour traduire ces engagements en actions.

« Le mécanisme d'approvisionnement groupé, approuvé lors du dernier sommet de l'Union africaine, est une étape clé pour générer une demande prévisible », estime Jean Kaseya. Car, dit-il, « cela permettra aux fabricants de planifier la production future en toute confiance ».

En septembre, CDC Afrique a signé un accord avec l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) pour soutenir la mise en oeuvre du système d'approvisionnement groupé et promouvoir davantage la fabrication locale.

Obstacles réglementaires

Cependant, même avec une capacité de production locale accrue, les barrières réglementaires restent un défi important pour les pays africains.

Actuellement, seuls quelques pays ont approuvé le vaccin contre le Mpox, et ceux qui n'ont pas la capacité réglementaire s'appuient sur l'approbation de l'OMS avant de commencer leurs campagnes de vaccination, même lorsque les vaccins sont disponibles.

Chimwemwe Chamdimba, responsable du programme d'harmonisation de la réglementation des médicaments en Afrique (AMRH), reconnaît les obstacles réglementaires auxquels le continent est confronté, notamment le manque de professionnels qualifiés et des politiques inefficaces pour une approbation rapide en cas d'urgence.

Elle affirme que l'AMRH a commencé à accélérer le traitement des demandes des fabricants visant à évaluer et à répertorier les produits liés au Mpox.

« Ce processus soutiendra également les achats groupés par CDC Afrique, y compris son soutien aux pays pour répondre au Mpox », déclare-t-elle.

Chimwemwe Chamdimba ajoute que cette démarche pourrait également ouvrir la voie aux fabricants de vaccins africains pour accéder aux marchés régionaux, un facteur crucial pour le succès à long terme.

Githinji Gitahi partage le même avis, soulignant que le renforcement des capacités locales de fabrication et de réglementation permettra non seulement de garantir que l'Afrique ne sera pas laissée dans la file d'attente pour les vaccins lors de futures pandémies, mais développera également des compétences et apportera des avantages économiques et sociaux importants au continent.

 

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