Congo-Brazzaville: Portrait - Chancelina Ganongo, une lueur dans les ténèbres

Dans la vie, tant que le souffle qui nous est à chacun prêté court encore, il ne faut jamais penser avoir tout vu, tout entendu. Des histoires complexes, à faire déchoir un Homme, une âme, du trône de la vie, le conduire au séjour des morts ou celui des morts en vie. Telle est l'histoire de Chancelina qui, si elle n'a pas connu la mort physique, a connu l'enfer de la maladie psychiatrique.

La santé mentale est encore un tabou social au Congo. Trop peu en parlent et rien que la mention d'un tel diagnostic fait peur, effraie, fait reculer. Avoir un proche, connaître quelqu'un ou être soi-même un revenant des abysses de cette dimension d'existence, c'est être averti à une réalité qu'on ne souhaiterait à personne sur Terre, même pas à son pire ennemi.

S'il existe des dénominations plus subtiles, nuancées, du ressort des formations médicales, paramédicales, des sciences humaines et sociales, il n'en demeure pas moins que la réalité la plus redoutée, répandue dans la hantise collective, spectaculaire, celle qui ramène l'Homme à son rang le plus brut, animal, celle communément nommée " folie " est pourtant un fléau répandu dans la société congolaise.

La folie d'aujourd'hui est un peu la lèpre d'hier. Une maladie, certes non-contagieuse, mais tout autant stigmatisante qui fait fuir le commun des mortels, des proches de sang, de coeur aux passants dans la rue. Si certaines familles se battent pour prendre en charge leurs proches malades, les contextes d'agressivité physique assortie d'une force qui semble décuplée, des fugues intempestives, de la perte de raison en elle-même et de ce qu'elle livre à voir constitue une réalité fortement désarmante pour les proches qui peuvent se sentir dépourvus de ressources morales, organisationnelles, techniques et financières pour faire face sur le long à ces maladies qui révèlent parfois un caractère de chronicité, avec des pics et des nadirs de lucidité, de conscience.

Comme cela doit être douloureux de voir une personne que l'on aime, que l'on chérit, à qui l'on est lié par l'affect et/ou du sang, sombrer dans une réalité parallèle qui n'a plus de logique que pour elle-même! Mais comment être cette personne là-même qui a perdu la raison, et qui en parle ?

Chancelina Nganongo, condamnée aux affres de la maladie psychiatrique après avoir été entraînée par des circonstances personnelles à une dépression mentale, a choisi le parti de dire tout haut ce que nombreux vivent tout bas.

Inspirée par la performance de l'influenceuse Mixiana Laba pour mettre en lumière les problématiques de santé mentale et rendre hommage à ces pères et mères de familles, à ces frères et soeurs de sang, de coeur, ces fils et ces filles, ces êtres chers aux uns et autres que Chancelina s'est sentie interpellée.

" Si elle qui n'est pas malade a eu assez de grandeur d'âme pour ne pas rester insensible à une réalité qui lui est étrangère, combien plus moi qui le vit dans ma chair devrait contribuer à la sensibilisation de cette maladie ", s'est-elle alors dit.

Ayant pris contact avec Mixiana, elle a trouvé auprès d'elle une oreille attentive et favorable qui a su donner de la force à son élan et sa volonté de témoigner.

Pour son trentième anniversaire, l'ancienne étudiante en Sciences et techniques de communication, reconvertie par une vraie urgence de la vie en une talentueuse styliste-modeliste au carnet d'adresses long comme un bras, a invité Mixiana à partager un pot avec elle dans l'enceinte du service psychiatrique du Centre hospitalier univeristaire de Brazzaville, là où elle a été de façon ponctuelle hospitalisée pour des périodes de crise allant jusqu'à l'isolement pour sa crise inaugurale.

Entourée d'autres patients du service, ses frères, ses soeurs dont elle dit ne plus jamais éprouver de honte parce qu'ayant partagé leur réalité, leurs difficultés, leur quotidien, c'est un message vibrant d'espoir que la jeune trentenaire envoie à la société congolaise qui porte encore plein de jugements, de préjugés, d'à priori sur cette maladie.

Elle aspire à porter son témoignage aussi haut qu'elle le peut, utilisant son relèvement comme la preuve que tout le monde peut se sortir de cette situation, que même lorsqu'on en arrive aux pires extrémités qui séparent l'Homme de l'état animal, la restauration est possible. Elle l'a vécu, elle le témoigne. Elle dit l'amour et le soutien des proches indispensables au processus de rétablissement, que la foi en Dieu et en la vie elle-même est une clé majeure de guérison et qu'enfin, il faut se trouver une raison de se raccrocher à la vie quelles que soient les circonstances et que cette raison est celle là-même qui va nous chercher, nous repêcher dans les territoires où la raison a disparu.

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