Le réalisateur malgache Luck Razanajaona signe son grand retour sur son île avec Disco Afrika : une histoire malgache, son tout premier long métrage. Projeté depuis une semaine dans les cinémas de la capitale, le film, à la frontière entre le documentaire et la fiction, plonge le public dans un Madagascar aussi contemporain qu'intemporel. Il nous entraîne à Tamatave, première ville portuaire du pays, sur les pas d'un jeune malgache en quête de son passé, dans une société où la loi du plus influent et du plus fort domine. Un récit rythmé par les manifestations sociales d'un pays en pleine crise postélectorale et par les questionnements existentiels d'un jeune homme livré à lui-même.
C'est l'histoire de Kwamé, 20 ans qui travaille dans une mine clandestine de saphir. Une nuit, la recherche de la pierre précieuse vire au drame et le jeune homme est contraint de rentrer chez lui, à Tamatave. Démarre alors une nouvelle vie, faite de tiraillements entre argent facile et droiture, individualisme et éveil à une conscience politique. Le tout sur fond de répression des contestations.
« Pour moi, Kwamé, c'est quelqu'un qui peut apporter ce vent de changement dont notre pays a besoin », explique Parista Sambo qui incarne le héros du film à l'écran. « Il représente la jeunesse de notre île, et plus encore, il est le visage des "laissés pour compte", des gens "d'en bas", ceux que l'on ne voit pas. »
Sans pathos ni misérabilisme
Un film que son réalisateur a voulu politique. Sans pathos ni misérabilisme, Luck Razanajaona questionne autant les conditions de vie du peuple malgache que l'utilité des luttes.
« On arrive dans un contexte où chaque personne doit se poser la question "Est-ce que moi je peux apporter quelque chose pour cette nation ? Quel est mon rôle ? Et comment je vais faire pour prendre possession de mon destin ?" Parce que je pense qu'actuellement, beaucoup de jeunes ne se posent pas cette question et je voulais le remettre un peu sur la table », déclare le réalisateur.
En portant à l'écran des problématiques très actuelles, comme la corruption, l'impunité ou le chômage, le film insuffle à sa manière un vent d'espoir pour celles et ceux qui souhaitent participer au changement : Herizo Rabary l'un des coproducteurs du film, en est intimement convaincu.
« Je ne sais pas si un film comme Disco Afrika va fondamentalement changer les choses dans le pays », dit-il. « Ce que j'espère quand même, c'est que, comme c'est une espèce de miroir quelque part, sans vouloir être égocentrique, un miroir tendu à la population, j'espère que ça sonnera aussi comme un réveil. Parce que l'on vit dans une forme d'acceptation, quelque part, sans avoir la possibilité d'exploser. J'espère que l'on ne va pas exploser parce qu'on a déjà suffisamment de problèmes. »
Je pense que « Disco Afrika », c'est, d'une part, pour des gens qui veulent faire des films, un modèle, un moyen de se dire « c'est possible ». D'autre part, pour les jeunes, je pense aussi que ça peut être un espoir. Un espoir de changement et un moyen pour se dire « mais en fait, nous sommes l'avenir de ce pays et nous pouvons faire quelque chose ». Je ne sais pas si c'est la belle facette du cinéma, mais on espère toujours que l'art permette quelque chose. Un réveil ? Un changement ? Peut-être. Ça, c'est dans le meilleur des cas, mais en tout cas, un début.
Sarah Tétaud Porté par un jeu d'acteurs d'une incroyable justesse, et une bande originale rafraichissante, Disco Afrika : une histoire malgache est sur les écrans de la capitale jusqu'à dimanche.