Au Mali, la direction de la chaîne Joliba TV était convoquée par la Haute autorité malienne de la communication ce jeudi après-midi 14 novembre. Aucune décision n'a été annoncée, la procédure se poursuit, elle pourrait aboutir à d'éventuelles sanctions. La Haute autorité malienne de la communication réagit ainsi à la lettre de plainte de son équivalent burkinabè, le CSC, qui n'a pas apprécié que la dernière affaire présentée pendant le week-end comme une tentative déjouée de coup d'État au Burkina par la télévision d'État burkinabè soit moquée lors d'un débat télévisé sur la chaîne malienne.
Issa Kaou N'Djim, personnalité à la fois politique, religieuse et médiatique malienne, avait estimé devant les caméras que l'affaire n'était pas crédible. Il a été placé sous mandat de dépôt hier et sera jugé en février pour « offense commise publiquement envers un chef d'État étranger et injures par le biais de systèmes d'information. »
Le Groupement patronal malien de la presse écrite appelle à « la résistance face à toutes les velléités attentatoires à la liberté de la presse et d'expression. »
L'organisation de défense des droits humains Amnesty International dénonce également cette nouvelle « atteinte à la liberté d'expression » et son inédite envergure régionale.
« On est là dans un cas d'abus des autorités maliennes et burkinabè, dans un contexte d'autoritarisme rampant, s'alarme Ousmane Diallo, en charge du Sahel au bureau Amnesty de Dakar. Issa Kaou N'Djim a exprimé sa libre opinion dans le cadre d'un débat politique. Et la chaîne de télévision privée Joliba TV a simplement fait usage de la liberté des médias. On veut restreindre le droit à l'information des Maliens et le droit à leur libre opinion. »
Propos plus graves sans interpellation
Pour le chercheur, cette nouvelle restriction des libertés publiques répond essentiellement aux intérêts politiques des régimes militaires de l'Alliance des États du Sahel : « Cela est encore plus cocasse quand on sait que des gens qui étaient au Mali ont tenu des propos beaucoup plus graves sans pour autant être interpellés, rappelle Ousmane Diallo. Je me souviens d'un influenceur camerounais arrivé à Bamako qui avait interpellé de manière assez rude le chef d'État sénégalais et qui n'a jamais été inquiété. Il y a aussi le cas d'un membre du Conseil national de transition du Mali, qui avait appelé à s'en prendre à des chefs d'État étrangers, celui de la Côte d'Ivoire et celui du Bénin, dans le contexte des relations tendues entre ces pays et leurs voisins de l'Alliance des États du Sahel. On est là dans un cas de deux poids deux mesures. »
Régimes alignés
Cela fait plusieurs années que les atteintes aux libertés d'expression et d'opinion se multiplient au Mali, au Burkina et au Niger. Mais ce nouvel épisode dénote une forme de régionalisation des pratiques -le Mali répondant à une demande du Burkina- qui inquiète encore davantage le défenseur des droits humains : « Rien ne nous dit que demain cela ne sera pas fait encore contre d'autres journalistes du Mali, du Niger ou du Burkina Faso. On sent clairement une solidarité entre ces régimes qui se sont alignés géopolitiquement et stratégiquement depuis bientôt deux ans. »