Kaolack — La maîtrise de l'eau est une condition sine qua none pour rendre plus dynamique l'agriculture sénégalaise avec des rendements conséquents qui soient à la hauteur des attentes des paysans, estime le porte-parole du Cadre de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), Sidy Bâ.
"Tant qu'on travaille trois mois sur douze, on ne peut pas émerger. Nous pensons que le secteur agricole ne peut prospérer que quand les paysans travaillent, au moins, dix mois sur douze. Ce qui ne peut être fait qu'avec la maitrise de l'eau qui est très importante pour avoir une agriculture dynamique avec des rendements conséquents", a-t-il notamment dit.
Relevant qu'il a "abondamment plu" cette année, il soutient que cette eau, qui a causé beaucoup de cas d'inondation à travers le pays, pouvait être transformée en opportunité pour le développement de l'agriculture, en l'utilisant pendant la saison sèche pour des cultures de contre-saison, le maraîchage, la production de l'arachide.
"Si on n' pas d'eau, on ne peut rien faire, mais avec la maitrise de l'eau, on peut arriver à avoir une agriculture viable et durable", a fait valoir Sidy Bâ, également président du Cadre de concertation des producteurs agricoles (CCPA), dans un entretien exclusif avec l'APS.
Le président du Cadre régional de concertation et de coopération des ruraux (CRCR) de Kaolack s'est, toutefois, réjoui de l'abondance des pluies enregistrées cette année, malgré quelques dégâts notés dans plusieurs localités du pays.
"Nous avons quand même une campagne agricole assez pluvieuse avec, comme particularité, des quantités de pluies très importantes qui sont tombées au mois de septembre, alors que, d'habitude, ce n'était pas le cas. Ces trois dernières années, on constate qu'il pleut plus au mois de septembre qu'en août", a-t-il relevé.
Selon lui, c'est avec les pluies de septembre qu'on note des "anomalies et dégâts" avec l'inondation des champs de mil, de maïs et quelque fois même des champs d'arachide.
"La zone centre, y compris Kaolack, n'est plus seulement un bassin arachidier. Elle est devenue un bassin agricole parce que toutes les spéculations, le riz, le maïs, le niébé et bien d'autres variétés culturales y sont largement cultivées. Ce qui fait que les stratégies de survie des populations sont beaucoup plus importantes", a fait valoir M. Bâ.
Même s'il reconnait que les rendements attendus dans la culture de l'arachide n'ont pas répondu à l'attente des producteurs, le président du CCPA se réjouit du fait que les attentes sur les autres spéculations sont au rendez-vous, au grand bonheur des acteurs du monde rural.
L'agriculture biologique doit être davantage favorisée pour avoir une bonne santé de la population, selon Sidy Bâ, soulignant que les produits chimiques de synthèse y sont moins utilisés.
L'atteinte de la souveraineté alimentaire passe par la fertilisation des terres
Pour que le Sénégal puisse atteindre l'autosuffisance alimentaire, le porte-parole du CNCR indique qu'il faut d'abord avoir une bonne politique de maitrise de l'eau et une meilleure organisation des paysans en coopératives agricoles.
"Pour que nous puissions atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire, il nous fait avoir une maitrise de l'eau, organiser les paysans en coopératives agricoles tout en renforçant les organisations existantes comme la nôtre et travailler pour qu'il y ait assez d'aménagement dans les bas-fonds et dans d'autres espaces où la pratique de l'agricole est possible", a-t-il suggéré.
Il plaide également pour le rehaussement du niveau de fertilité des terres. "Nos terres sont extrêmement pauvres et tant qu'on ne pense pas à les fertiliser, on va atteindre l'autosuffisance alimentaire avec beaucoup de difficultés", a t-il dit.
C'est conscient de cette situation que, dans le cadre du projet "Agir localement pour l'adaptation du territoire arachidier dans la région de Kaolack" (ALATAK), le cadre de concertation des producteurs agricoles travaille en étroite collaboration avec l'Institut national de pédologie (INP), l'Institut de recherches agricoles (ISRA), entre autres structures spécialisées pour juguler ce phénomène.
"On est en train de faire des prélèvements dans certaines zones où l'avancée des terres salées est assez importante pour des analyses afin de voir quelles sont les corrections qu'il faut apporter pour rehausser le niveau de fertilité des sols par l'introduction des bonnes pratiques agricoles", a souligné Sidy Bâ.
Les attentes du monde rural par rapport à la quinzième législature inclinées
Le porte-parole du CNCR espère qu'avec la quinzième législature qui va être installée à l'issue des élections législatives anticipées du 17 novembre prochain la loi d'orientation agro-sylvo-pastorale et halieutique, en cours de révision, sera adoptée en vue de son application et que la conférence annuelle du Conseil supérieur d'orientation agro-sylvo-pastorale et halieutique devient une réalité.
"Cette loi, qui a été votée en 2004, a fait l'objet d'une évaluation exhaustive par le CNCR et ses démembrements à travers plusieurs ateliers de réflexion pour la contextualiser en 2024. Tout compte fait, nous pensons qu'il est bon qu'elle soit révisée dans un contexte où des jeunes quittent le pays pour un meilleur devenir ailleurs", a-t-il insisté.
A cela, poursuit-il, s'ajoute le phénomène de changement climatique avec son lot d'effets néfastes sur l'environnement notamment la biodiversité et l'agriculture.
"En 2004, les députés avaient voté à l'unanimité cette loi. Aujourd'hui qu'il s'agit de l'agriculture avec grand A, pêche, agriculture, environnement et même souveraineté alimentaire, avec nos pêcheurs qui ont eu à souffrir avec des accords de pêche que nous avons connus, avec le pillage de nos ressources halieutiques par des chalutiers étrangers, le moment est venu de se pencher sur cette loi", a dit Bâ.
Il espère également que le document de politique foncière sur lequel les organisations de la société civile, l'Initiative prospective agricole et rural (IPAR) et d'autres instituts ont beaucoup réfléchi pourrait aider les nouvelles autorités sénégalaises de trouver des solutions aux questions foncières qui se posent avec acuité dans le pays.
"Ce document, une fois à l'Assemblée nationale, doit être approuvé par les députés de la quinzième législature. C'est une de nos préoccupations, nos attentes par rapport aux futurs parlementaires surtout pour des lois qui puissent maintenir nos jeunes en milieu rural et le financement de la campagne agricole", a plaidé Sidy Bâ.
La hausse du budget du ministère de l'Agriculture, l'Elevage et la Souveraineté alimentaire, une nécessité
Le président du CCPA estime que la hausse du budget du ministère de l'Agriculture, l'Elevage et la Souveraineté alimentaire est devenue une nécessité pour les secteurs de l'agriculture et de l'élevage et favoriser l'atteinte de la sécurité alimentaire au Sénégal.
"Aujourd'hui ces secteurs sont confiés à un seul ministère. Avec un budget de sept mille milliards de francs CFA, nous demandons à ce qu'on lui alloue, au moins, les dix pour cent, soit sept-cents milliards de francs CFA", a soutenu M. Bâ.
L'agriculture et l'élevage étant les deux "mamelles nourricières" du pays, Sidy Bâ affirme que leur allouer "mille milliards de francs CFA" serait "juste" et souhaite que, désormais, les députés votent ce montant "pour ce ministère assez important dont le budget actuel ne dépasse pas trois-cents milliards de francs CFA pour booster l'agriculture et l'élevage et atteindre l'autosuffisance alimentaire", a-t-il encore plaidé.