Madagascar: 0 Salegy - Du lambahoany au sous vêtement sensuel

Le salegy est dénaturé ! Nombreux s'expriment ainsi. D'après la tradition, cette danse a été pratiquée par les jeunes nubiles sakalava pour développer leur hanche afin de faciliter l'accouchement. Mais à l'époque, le nom du rythme et le mouvement du corps n'avaient pas encore de nom spécifique. C'est entre les années 1970 et 1980 que les artistes phares ont ajouté la cadence.

Durant la période précoloniale, à l'occasion d'une festivité dans un village, à savoir la circoncision, le mariage, l'inauguration d'une maison, le bain royal, les habitants se réunissent dans un endroit pour honorer l'événement. Bien entendu, les griots et les dépositaires de tradition orale y sont sollicités. Dès lors, des poésies chantées résonneront du matin jusqu'à la fin de la fête, décrivant les faits et gestes des invités, c'est ce qu'on appelle antsa.

Cet art connaîtra une évolution au fil du temps. À la première moitié du XVème siècle, étant donné que les zones côtières malgaches furent des comptoirs commerciaux, les Européens y débarquent pour non seulement se ravitailler mais aussi entretenir des relations avec les autochtones. Hormis des produits comestibles, des habits, des instruments de musique ont été offerts aux nobles locaux. Kely Ndrisy, huitième génération de mpiantsa, passionné de l'histoire musicale sakalava du nord avance que l'arrivée des navigateurs venant de la péninsule iberique, à savoir les Portugais ont contribué à l'évolution du antsa.

« Ils avaient un piano à bretelles. Ils l'ont donné aux notables en guise de reconnaissance pour leur accueil. En effet, ces étrangers restaient plus d'un mois pour remplir leur cargaison. Alors, ils ont appris aux fils des hauts dignitaires intéressés, à manier l'instrument », a-t-il raconté. Dès lors, l'accordéon (ou korodôño, comme l'appellent les Malgaches dans la région nord et nord-ouest de la Grande Île), devient une machine à faire de la musique, indispensable dans les événements festifs après la valiha, un instrument hérité des ancêtres austronésiens.

Effectivement, une métamorphose s'impose. L'antsa revêt une couleur assez caractéristique. La conjugaison musicale change. En revanche, la base demeure toujours. Entre les XVème et XXème siècles, la tonalité de l'accordéon met en transe les têtes habitées par les ascendants souverains.

Les années 1970 étaient une période charnière durant laquelle la musique africaine était un moyen de revendication identitaire. Fraîchement décolonisés, les peuples du continent veulent exprimer leur sentiment, et surtout confirmer leur personnalité. L'avènement de l'Afrobeat du Nigérian Fela Kuti et le rumba congolais de Papa Wemba hissent haut leur pays et exercent une influence sur toutes les nations. Madagascar n'est pas un cas isolé. Un des chanteurs, qui a longtemps évolué dans la partie septentrionale, sort du lot. Après avoir livré tant de cabarets dans la ville du Varatraza, il a pris son envol une fois installé dans la capitale. Sociologue de formation, journaliste de fonction, notre personnage se sert de ces acquis afin de scintiller davantage.

Vers la deuxième moitié des années 1980, un natif d'Amboangibe fait son apparition sur la scène musicale malgache. Ses mélodies accoutumées, sa voix grave, son style vestimentaire original reflétant le look malgache tape dans l'oeil de ses concitoyens. Représentant les Antiromba, un groupe humain riverain du fleuve Bemarivo, Eusèbe Jaojoby glane les idées de sa localité. En effet, il est le seul à mettre en exergue l'éducation sexuelle à la malgache par le biais du salegy, un courant musical dérivé de l'antsa.

Au début de l'année 2000, fusionné avec la musique moderne, le salegy altère un tempo encore plus électrique, ce qui va constamment transformer la chorégraphie traditionnelle en une autre règle de ballet. Désormais, la danse kahoitry inclut le twerk à la jamaïcaine. Si les adolescentes d'autrefois se déhanchaient avec un lambahoany, les petites soeurs de nos jours, sur Tik Tok, sont à l'aise avec de la lingerie ultra-sexy...

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