C'est un secret de polichinelle ; le taekwondo ivoirien se joue devant les tribunaux. Jeudi dernier, le président Jean-Marc Yacé était retourné s'installer au siège de la fédération ivoirienne de taekwondo (Fitkd), au 2e étage de l'immeuble du Centre sportif, culturel et des Tic ivoiro-coréen Alassane Ouattara (Cscticao).
Il comptait s'y installer à nouveau lorsque le Comité directeur de transition du président Ali Diomandé s'est présenté à son tour, avec un arrêt de la Cour d'Appel qui frappe l'ordonnance de référé du mardi 5 novembre 2024. Cette première décision de justice réhabilitait le président Yacé, après sa révocation par une assemblée générale extraordinaire le 19 octobre 2024.
Entre une ordonnance de référé déjà exécutée qui annule l'arrêt de la Cour d'Appel et tutti quanti, on se perd en conjecture. Pour illuminer la communauté de taekwondo-in, le conseil du comité directeur de transition a fait une mise au point.
« D'abord, il faut souligner que la décision qui a été exécutée pour l'ouverture des portes du siège de la Fitkd est différente de celle qui a été rendue le 5 novembre 2024 par le juge des référés », révèle Me Raux-Yao. Il en veut pour preuve l'exploit de signification de cette ordonnance et le Procès-verbal d'ouverture des portes qui ne vise que cette ordonnance dite sur requête et non l'ordonnance rendue le 5 novembre 2024 par le juge des référés.
« Il s'agit de l'ordonnance n°5293/2024 du 4 novembre 2024 rendue par Mme Touré Aminata, présidente du tribunal d'Abidjan, au pied d'une requête, en se fondant sur les dispositions des articles 231 et suivants du code de procédure civile », explique-t-il.
Ce type d'ordonnance, dit-il, est obtenu en l'absence de tout débat contradictoire. « C'est pourquoi elles ne sont pas susceptibles d'appel, mais plutôt de rétractation lorsqu'elles sont apposées au pied d'une requête comme c'est le cas en l'espèce. Elles peuvent être rétractées à tout moment si elles portent atteinte aux droits des tiers », poursuit le juriste rompu aux arcanes du sport. Donc, dira-t-il, « il est erroné de parler d'un appel qui aurait été interjeté contre cette ordonnance ».
L'objet de l'appel
Selon l'avocat-conseil de Dr Ali Diomandé, N'Doua Brou et autres, l'ordonnance qui a fait l'objet de l'appel par ses clients, est l'ordonnance de référé n°4412/24 rendue le 5 novembre 2024 par le juge des référés du tribunal d'Abidjan.
« Cette ordonnance se contente de suspendre les effets de l'assemblée générale extraordinaire du 19 octobre 2024 jusqu'à ce que la procédure en annulation de cette Age soit vidée », poursuit-il. Autrement dit si M. Jean Marc Yacé est débouté de sa demande en annulation, les résolutions de l'assemblée générale du 19 octobre 2024 produiront leurs effets de plein droit.
En clair, rassure le conseil juridique, l'ordonnance du 5 novembre 2024, rendue après débats contradictoire est susceptible de d'appel dans un délai de 8 jours, à compter de sa tête de signification. Il ne contient aucune injonction, aucune condamnation, aucune obligation de faire ou de ne pas faire. De sorte qu'on ne peut parler d'une quelconque exécution entamée et achevée.
Me Raux-Yao a rappelé que M. Yacé a fait signifier cette ordonnance le 6 novembre 2024 à ses adversaires. Le même jour l'acte d'appel contre cette ordonnance lui a été signifié. Le lendemain 7 novembre une requête aux fins de suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du 5 novembre a été déposée auprès du premier président de la Cour d'appel d'Abidjan et signifié le même jour (7 novembre) à M. Yacé.
Le code de procédure civile en son article 181 nouveau dispose que dès que la requête est signifiée à la partie adverse, l'exécution provisoire de l'ordonnance ou de jugement est suspendue.
Pour tout dire, le juriste sportif note que l'ordonnance rendue par le juge des référés le 5 novembre 2024 n'a pas pu être exécutée puisqu'elle se contente de dire que les effets de l'assemblée générale du 19 octobre sont suspendus.
Ce que dit le code de procédure civile ivoirien
En outre il n'existe aucune disposition dans le code de procédure civile ivoirien qui frappe un appel de nullité lorsque la décision objet de l'appel a été exécutée. Bien au contraire, précise le représentant du bureau de la transition, le droit procédural ivoirien dit que « celui qui exécute une décision malgré les voies de recours en cours, l'exécute à ses risques et périls si la décision venait à être infirmée ou annulée. »
Mais puisque l'ordonnance du 5 novembre 2024 du juge des référés est, elle-même, suspendue par l'effet des dispositions de l'article 181 du code de procédure civile, on revient au statut quo ante d'avant la prise de cette ordonnance : ce sont, juridiquement, les résolutions de l'assemblée générale du 19 octobre qui s'appliquent et ce jusqu'à ce que le tribunal d'Abidjan saisi de la demande en annulation se prononce.
Du coup le juriste démontre que M. Yacé, en allant demander au juge de suspendre les effets de l'assemblée générale extraordinaire du 19 octobre, reconnait explicitement que cette assemblée générale a une existence juridique qui produit des effets juridiques. « Sinon c'est un non-sens d'attraire cette Age devant la justice, si celle-ci n'a aucune existence et valeur juridique », conclut-il.