Même l'opposition ne s'attendait pas à un 60-0. Les politologues passent maintenant au peigne fin les causes de cette déroute. N'oublions pas qu'un bon pourcentage d'électeurs est allé voter «avec rage» contre le pouvoir, plutôt que pour l'opposition. Tout mais pas encore ça ! Les causes sont connues. Une stratégie comportant un bilan (métro, logements à bas coût...), des cadeaux électoraux en roupies dépréciées (pensions, jeunes...) quoiqu'il en coûte. Et ce fut la première erreur. L'électorat mauricien a changé. On ne peut plus acheter son vote. Ces élections prouvent qu'il a mûri.
Mousse fait... tache
Ce bilan est contrebalancé par une gestion gouvernementale s'apparentant à l'autocratie. Un gouvernement parallèle dicté par son environnement immédiat et composé de ses «amis» dans l'ombre. Une autorité clanique, d'où un népotisme à peine déguisé, une corruption et la drogue qui ont métastasé toutes les couches sociales, des ingérences constantes dans les institutions publiques aux mains d'une clique, le non-respect de la séparation des pouvoirs (exécutif et judiciaire).
Ces travers ont été démasqués par l'apparition imprévue des enregistrements téléphoniques de Missie Moustass, devenu une sorte de Zorro. Ce dernier reste introuvable et inconnu. Il prend même la peine de réserver ses dernières boules puantes pour les jours précédant le dimanche du vote. Ils provoquent une certaine panique, bousculent les indécis et jouent un rôle prépondérant. En réalité, ces bandes sonores n'ont fait que confirmer des faits jusqu'alors subodorés.
C'est un phénomène qui apparaît pour la première fois dans le décor électoral. Ces vagues successives d'extraits savamment choisis gagnent toute la population. The talk of the town. Le pouvoir a timidement mis en cause l'intelligence artificielle mais a dû reconnaître que les voix incriminées étaient authentiques. C'est parfaitement illégal mais le moustachu passe maintenant pour un héros libérateur. Il faudra cependant que les nouvelles autorités dans ce domaine légifèrent afin de respecter la liberté individuelle comme dans toute démocratie.
Du jamais entendu
Intéressons-nous à des «premières» qu'on n'avait jamais entendues dans notre île et qui ont aiguillé le vote de certains électeurs. Commençons par la première qui pou vir bol dal. Les mots utilisés par le commissaire de police (CP) pour insulter, le mot est trop faible, la Vierge Marie et sur sa «bougie» personnelle. De quoi tomber... raide mort ! Imaginez ce qui a pu se passer dans la tête des croyants catholiques en les entendant.
Le pouvoir via le CP s'attire les foudres de ces fidèles catholiques. Ce dernier en rencontrant l'évêque Durhône veut éteindre l'incendie mais le cardinal Piat, malade et à la retraite, sort de sa réserve. Une messe est célébrée dans toutes les églises en réparation de ces grossièretés. Les catholiques, même non-pratiquants, sont galvanisés. C'est la première fois à notre connaissance qu'une telle attaque est proférée contre un très grand symbole religieux. Imaginez une seconde si on invective ainsi Mahomet ou Ram. Cette seule «bougie » pourrait provoquer des émeutes. D'ailleurs, les enregistrements ont clairement révélé comment le pouvoir taillade la nation mauricienne en musulmans, chinois, blancs, créoles, attestant une fois de plus que pour régner, il faut diviser.
Ce n'est pas fini. Il ne faut pas minimiser d'autres «premières» qui ont aussi fait bouger les électeurs. C'est la première fois qu'une association de femmes hindoues organise une conférence de presse pour demander au PM d'enquêter si notamment le mot «pétasse» a été employé par son épouse pour qualifier la hautecommissaire de l'Inde à Maurice. Quand on connaît les liens très étroits qui unissent nos deux pays, de tels propos peuvent causer d'énormes dégâts et offenser un de nos plus grands alliés.
Autre «première». C'est peut-être la première fois que la puissante association Voice of Hindu décrète qu'il faut voter pour l'opposition. C'est le monde à l'envers. Il faut carrément se pincer pour croire à ces «premières» si compromettantes. Ces faits ont eu une importance capitale au moment du vote. Ils signifient que des électeurs sont allés voter en masse (3 sur 5) non pas en se fondant sur la communauté de tel ou tel candidat, mais en mettant une croix à côté de trois candidats sans tenir compte de leur appartenance ethnique. Eureka ! Cela porte un nom : le mauricianisme. Enfin, nous commençons à voter non pas pour une communauté (protez montagn), mais pour une personne sans tenir compte de sa communauté. Un bond en avant vers le mauricianisme ou un vote massif dû à des circonstances atténuantes ? The proof is in the pudding.
Des rendez-vous importants
Avez-vous aussi remarqué que, dans bon nombre de cas, ce sont des candidates, donc des femmes, qui arrivent en tête ? Voilà qui démontre à notre société machiste qu'il ne faut plus hésiter à présenter des candidates femmes. Là encore, le corps électoral a mûri en bousculant un préjugé obsolète.
Deux rendez-vous nous attendent. Ragaillardi par sa victoire incontestable, il ne faudrait pas que le nouveau pouvoir retrouve ses vieux démons. De lourdes tâches l'attendent, comme nettoyer les écuries d'Augias. Ne pas commettre les mêmes erreurs, bercé par le vertige du pouvoir. Le pays n'appartient à personne, sauf aux électeurs. S'attaquer au coût de la vie ; ne pas s'entourer d'une meute de chiens couchants ; rétablir la law and order (drogue, criminalité) ; remettre sur pied l'Éducation à l'échec cuisant ; libérer la parole car le citoyen lambda avait peur d'exprimer son opinion par peur de délation ; et avec Trump au pouvoir aux USA, adieu veau, vache, cochon, couvée, soit les millions de dollars qu'on a fait miroiter pour la location de la base de Diego Garcia... ce n'est pas du pain sur la planche qui attend le nouveau pouvoir, mais toute une... boulangerie. Exemples : le système électoral et la proportionnelle.
L'apparition d'un troisième bloc est prometteuse pour la démocratie, sauf que Bhadain a pris un congé de quatre ans et profère une absurdité inqualifiable : «Le Mauricien a mal voté.» Jupiter a dit ! Ne tirons pas sur une ambulance. Pravind Jugnauth et le MSM terrassés gisent à terre. Il faut savoir tirer les leçons d'une telle défaite. Ce n'est pas une page qui se tourne, mais un livre qui se ferme. Il faudra reconstruire ce qui a été déconstruit. Notre modeste conseil serait de vous remettre en question pour n'avoir pas suivi les traces d'un certain... SAJ !
Tou lamonte ena so ladesant!