Les Rencontres de Bamako fêtent leurs 30 ans avec leur 14ème édition, qui s'est ouverte samedi 16 novembre pour deux mois, jusqu'au 16 janvier. Lors de la Biennale de la photographie organisée dans la capitale malienne, évènement majeur de la photo sur le continent, 30 artistes issus de tout le continent présentent leurs oeuvres. Cette année, le thème de la « parole » a été retenu. Un choix symbolique et fort alors que la liberté d'expression est plus menacée que jamais au Mali et dans la sous-région.
Les 30 artistes issus de tout le continent à présenter leurs oeuvres viennent du Mali - avec des photographes comme Moussa John Kalapo et Mariam Modeste Niaré -, mais aussi du Maroc, du Ghana, de la Côte d'Ivoire, du Cameroun, du Niger ou encore d'Afrique du Sud.
« Après avoir fait le constat que les voix africaines n'ont pas l'écho souhaitable, on s'est dit qu'il serait bien que les artistes, notamment les photographes, puissent investir le champ du discours », explique Lassana Igo Diarra, commissaire général et directeur artistique de ces Rencontres de Bamako. « À une certaine époque, les discours des politiques portaient davantage. Je parle des grands orateurs comme Sékou Touré, Kwame Nkrumah, j'en passe. Mais de nos jours, est-ce que les politiques sont écoutés ? », interroge encore Lassana Igo Diarra.
Parmi les diverses expositions prévues, un hommage doit être rendu à l'occasion du centenaire d'Amilcar Cabral. Né en 1924, mort en 1973, le père de l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert est considéré comme l'un des fondateurs du panafricanisme. « Il y a des volets très engagés de l'exposition, souligne son commissaire général, c'est une réflexion sur la parole, en fait. Le côté pouvoir, mais aussi le côté poétique de la parole. »
Le thème retenu est donc très symbolique, dans un pays qui cherche à mettre en avant sa souveraineté et son récit national. Mais il est aussi à double tranchant, dans un contexte où la parole libre, l'expression libre, sont justement plus menacés que jamais : au Mali et dans les pays voisins de l'Alliance des États du Sahel.
Sans entrer dans les polémiques politiques, Igo Diarra estime que c'est justement ce qui rend ce choix pertinent : « C'est un fracas ou c'est la subtilité. Cela dépend du tempérament de chaque artiste ou de chaque opérateur culturel. Mais je pense que le discours subtil a aussi du poids, autant que le discours engagé. La liberté d'expression passe par la liberté d'expression artistique ».