Les autorités ont pris l'engagement de réduire la fracture numérique à Madagascar et apporter aux populations les bénéfices des nouvelles technologies. C'est dans ce cadre qu'est mise en oeuvre la politique de démocratisation de l'Internet sur l'ensemble du territoire. Un vaste programme qui n'est pas facile à réaliser mais qui semble connaitre des progressions tangibles.
Selon les explications fournies, les efforts pour augmenter significativement le taux de pénétration d'Internet à Madagascar portent leurs fruits bien que les responsables reconnaissent que beaucoup reste à faire pour connecter l'ensemble des populations.
Ainsi, rappel a été fait que des initiatives d'envergure ont été lancées dans ce sens, à l'instar du Projet d'infrastructure et de communication (PICOM) qui a bénéficié du soutien de l'Association Internationale de Développement (IDA) à travers un crédit de 13,95 millions USD. Le projet est intervenu dans trois grandes zones couvrant neuf régions et a permis de démocratiser la téléphonie mobile et internet à Madagascar, avec des impacts indiscutables sur l'économie.
Le projet a permis aux services TIC d'augmenter de manière sensible : le taux de pénétration du service internet est ainsi passé de moins de 4% en 2007 à 13,4% à la fin du projet en 2015, triplant l'objectif ciblé. Dans le même temps, le volume du trafic international a atteint
32 Gbit /s à la fin du projet, dépassant de près de 50% l'objectif visé. Cette croissance a inclus les populations éloignées de plus de 660 localités rurales. D'autres projets ont été mis en orbite après le PICOM et ont contribué à étendre davantage l'accès à Internet. En 2023, le taux de pénétration de l'Internet a atteint 32,57%. Le taux de pénétration mobile a connu également une ascension notable en affichant 79,47% contre 68,47% en 2022.
Et selon les prévisions, ces chiffres devraient connaitre une croissance encore plus forte dans les cinq années à venir grâce aux programmes en cours de mise en oeuvre comme le DECIM ou Projet de connectivité numérique et énergétique pour l'inclusion à Madagascar. Ce dernier prévoit, entre autres, le déploiement des infrastructures numériques dans les zones rurales. Parmi les actions programmées, l'installation de tours cellulaires munies de stations de base à large bande avec un réseau 4G (ou plus) pouvant couvrir une localité ou plusieurs localités dispersées. Le projet veillera aussi à ce que les infrastructures installées sont économes en énergie et résilientes au changement climatique.
Les offres des opérateurs se multiplient
Parallèlement aux programmes de réduction de la fracture numérique menés avec l'appui les partenaires techniques et financiers, les initiatives commerciales des opérateurs du secteur des TIC participent aussi à la démocratisation de l'Internet dans le pays. Après le lancement de « Airtel Satellite » et l'entrée très médiatisée de Starlink qui propose un service d'internet haut débit par satellite, les autres acteurs du secteur n'ont pas attendu longtemps pour mettre sur le marché de nouveaux produits.
Ainsi, Telma a annoncé le 22 octobre dernier l'arrivée de son offre baptisée « Fibre'In », une solution Internet à haut débit « destinée à rendre la connexion accessible à tous les foyers malgaches ». Selon Patrick Pisal Hamida, administrateur-directeur général de l'entreprise, ce nouveau produit offre un débit allant jusqu'à 200 Mbps pour un tarif mensuel de 49.000 ariary. Un moyen, selon l'opérateur, d'accéder à une connexion de qualité, tout en bénéficiant d'une installation et d'équipements gratuits.
Quelques jours plus tard, c'est au tour d'Orange Madagascar de lancer de nouvelles offres Internet « pour démocratiser l'accès au très haut débit ». Devant les journalistes réunis à l'Orange Digital Center (ODC) de Soarano, le directeur général Frédéric Debord a affirmé que le but est de « faciliter davantage l'accès à Internet pour les Malgaches, tout en offrant une flexibilité accrue dans le choix des abonnements ».
Parmi les nouveautés : les offres Wifiber Go+, Discovery et Prime sans engagement. L'obligation d'un contrat de longue durée n'est donc plus de mise afin que les utilisateurs puissent gérer leurs besoins en connexion Internet sans contrainte... Au niveau des prix, précision a été donnée que le Wifiber Go est disponible avec 100 Go, en abonnement de 24 mois à 49 000 ariary, ou à 59 000 ariary pour un abonnement à 12 mois.
Selon les analystes, cette concurrence accrue entre les opérateurs du secteur était prévisible dans la mesure où l'évolution du marché exigeait des produits plus adaptés aux besoins des utilisateurs. Pour Stéphanie Delmotte, ministre du Développement numérique, des Postes et des Télécommunications, les changements constatés reflètent l'engagement du gouvernement pour un accès Internet inclusif et abordable. Pour rappel, le 18 octobre dernier, elle a annoncé une nouvelle initiative visant à rendre accessible l'accès à Internet pour l'ensemble des citoyens malgaches. « Ce projet, né de la collaboration positive avec les opérateurs, est le fruit de plusieurs échanges, ainsi que de la volonté d'action citoyenne de ces derniers », a expliqué la ministre.
D'après toujours les éclairages fournis par le membre du gouvernement, les décisions prises au niveau de son département visent en premier lieu à marquer de manière ferme la décision de réduire la fracture numérique, un élément essentiel pour assurer l'adéquation des actions de développement répondant à la Politique générale de l'État, qui s'articule autour de trois piliers : le capital humain, la modernisation et la transformation économique. Stéphanie Delmotte qui a également fait remarquer que « de nos jours, l'Internet est devenu un service vital. Il est indispensable qu'il soit disponible dans chaque foyer malgache pour permettre à tous de profiter des opportunités offertes par le monde numérique. L'accès universel à la connectivité étant essentiel pour le développement économique, culturel et social de Madagascar ».
Renforcer les infrastructures
Dans l'optique d'accélérer la démocratisation de l'Internet dans la Grande Île, le gouvernement a aussi promis de financer la mise en place d'infrastructures, à savoir l'installation de pylônes à travers tout Madagascar, avec une attention particulière pour les zones enclavées, pour améliorer les services proposés par les opérateurs. « Ce déploiement vise à garantir une couverture Internet élargie, y compris dans les régions les plus reculées du pays », a-t-on ajouté.
Dans le Plan Stratégique du Numérique (2023 - 2028), il est indiqué qu'une grosse partie de l'Internet à Madagascar est fournie aux utilisateurs finaux par les réseaux mobiles. La technologie 3G couvre aujourd'hui 82,8% des communes rurales et 100% des communes urbaines. Mais la couverture 4G est encore insatisfaisante en zone rurale où vit 80% de la population totale, car seulement 61,6% de la population rurale est couverte. « Une grande partie du pays reste encore sans couverture de réseau 4G satisfaisante en raison de conditions économiques peu attractives », a-t-on expliqué.
Pour la partie Internet fixe, le réseau de desserte a vu la disparition du réseau CDMA 2000 (utilisé pour fournir un axe sans fil fixe) et la progression croissante du déploiement des solutions à haut débit comme le xDSL, FTTH, WIMAX, Wifi ou BLR (Boucle Locale Radio) qui sont présents surtout dans les grandes villes. S'il n'y a pas encore d'analyses comparatives d'efficacité entre ces différentes technologies, les spécialistes estiment qu'il est important de renforcer les équipements pour, notamment, lever les contraintes de l'infrastructure en fibre optique existante.
À constater que le pays se classe 120e sur 131 économies dans l'Indice de Préparation en Réseau (Network Readiness Index, NRI) en 2022, qui mesure le degré de préparation d'une nation à participer aux développements des TIC et à en tirer profit. Bien que les taux de pénétration aient massivement augmenté ces dernières années, notamment grâce à l'augmentation de la couverture mobile, Madagascar a encore l'un des plus faibles ratios de connexion mobile et Internet par rapport à la population dans le monde. On sait également que la Grande Île se classe 106e sur 237 pays pour le prix moyen d'un Go de données. Mais son classement devrait s'améliorer avec les changements opérés dernièrement et les nouvelles offres mises sur le marché.
Expansion d'Internet - Une belle opportunité pour le commerce électronique
Avec l'Internet qui se démocratise progressivement, le secteur des services numériques à Madagascar devrait connaitre une croissance notable dans les prochaines années. De toute évidence, les services financiers digitaux et le commerce électronique figurent parmi les domaines promis à un développement significatif. Pour ce dernier, bien qu'il puisse être une force pour le développement durable, il peine à gagner du terrain dans une bonne partie de l'Afrique, et Madagascar en fait partie.
Malgré la popularité croissante du commerce électronique, l'industrie se heurte à des obstacles. Il s'agit notamment de la lenteur et du coût élevé de la connectivité internet pour les particuliers, de l'insuffisance des infrastructures, de la faiblesse de la logistique et d'une protection des consommateurs faible ou inexistante. Bien que le paiement par téléphone mobile se développe, le paiement à la livraison reste populaire. On constate également que les politiques en la matière ne sont souvent pas adaptées aux chaînes complexes de paiement, et les commerçants ont moins d'options pour connecter leurs systèmes locaux de paiement électronique aux services utilisés par les clients mondiaux.
En favorisant l'interopérabilité des systèmes de paiement, les décideurs contribueraient à renforcer le secteur des paiements mobiles et de celui du commerce électronique. « Cela doit nous amener à réfléchir sur deux sujets dans notre stratégie de développement : le développement des moyens de paiements d'une part et la confiance numérique d'autre part », a indiqué le ministère du Développement numérique, des Postes et des Télécommunications (MNDPT).
On souligne en outre que la réflexion sur ces deux sujets devrait conduire à des propositions concrètes. En effet, pour développer les activités fintech - l'ensemble des nouvelles technologies dont l'objectif est d'améliorer l'accessibilité ou le fonctionnement des activités financières -, celles-ci doivent être soumises à des règlementations qui protègent efficacement les consommateurs, préservent le sain fonctionnement des établissements financiers (normes, lutte antiblanchiment et lutte contre le financement du terrorisme).
Les offres de mobile banking et de nombreux services sont tels que le Pay-as-you-go, l'ouverture de compte digitalisée, sont en train de connaitre un développement notable. Les acteurs historiques et structurés sont en bonne position face aux jeunes pousses qui, souvent, n'ont ni financement, ni infrastructure, ni réseau de distribution.
Il en résulte ainsi le besoin de développer des structures d'accompagnement à destination des startups du numérique, particulièrement celles du commerce électronique et de la fintech. « Cela doit se faire en s'appuyant sur le réseau africain des structures d'accompagnement de startups dans son ensemble. Sur l'ensemble du continent, de nombreux pôles, plateformes et écosystèmes unissent leurs forces pour partager et adopter les meilleures pratiques, améliorer leur coordination et accroître les échanges », a aussi expliqué le MNDPT.
VERBATIM
Stéphanie Delmotte, ministre chargée du Développement numérique
« Madagascar s'engage pleinement dans la quatrième révolution industrielle, en utilisant le numérique, les postes et les télécommunications comme des leviers de croissance inclusifs et durables pour l'ensemble de la population malgache. Notre ambition, soutenue par la Politique Générale de l'État, repose sur trois piliers : le capital humain, l'industrialisation et la bonne gouvernance. Dans cette optique, la démocratisation de l'Internet figure parmi nos grandes priorités »
Mbolatiana Andriamanantsoa, présidente du Groupement des opérateurs en technologie de l'information et de la communication (Goticom)
« Le développement de l'Internet à Madagascar est une bonne chose aussi bien pour la population que pour le secteur privé. Mais avec le boom du secteur du numérique ces dernières années, la demande en ressources humaines compétentes a aussi e xplosé. Ce qui fait craindre un manque de compétences dans les années à venir. Des solutions doivent être mises en oeuvre afin que la démocratisation de l'Internet rime avec croissance de l'économie et des talents numériques »