Fondateur de l'association les Enfants de la lune, une organisation qui vient en aide aux migrants à Médénine, dans le sud du pays, Abdallah El Saïd a été arrêté et transféré au pôle antiterroriste, cette semaine, en Tunisie. La secrétaire générale et la trésorière de l'ONG ont également été interpellées.
Connu pour son action dans le sud de la Tunisie, Abdallah El Saïd, le dirigeant d'une association d'aide aux migrants, a été interpellé puis transféré au pôle antiterroriste cette semaine, a indiqué ce samedi 16 novembre à l'AFP le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Selon Romdhane Ben Amor, le transfert de l'enquête au pôle antiterroriste est « un signal dangereux, car c'est la première fois que les autorités l'utilisent pour des associations spécialisées dans la question migratoire ».
Fondateur des Enfants de la lune, à Médénine, Abdallah El Saïd, un Tunisien d'origine tchadienne, a été interpellé le 12 novembre en compagnie de la secrétaire générale et de la trésorière de son association, a ajouté M. Ben Amor. Deux agents d'une banque qui hébergeait les comptes de l'ONG sont également en garde à vue. Proche du pouvoir, le journal La Presse indique que « cinq activistes opérant pour le compte d'une association à Médenine ont été placés en garde à vue afin d'être déférés devant le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme [...]. Entre 2019 et 2023, cette association aurait reçu des fonds de l'étranger pour aider des migrants subsahariens à entrer illégalement sur le sol tunisien », assure encore le quotidien.
« Depuis des mois, il recevait des visites des autorités et de la police »
Selon l'essayiste Hatem Nafti, également auteur de l'ouvrage Notre Ami Kaïs Saïed qui vient de paraître aux éditions Riveneuve, Abdallah El Saïd se savait menacé. « Depuis des mois, il recevait des visites des autorités et de la police. D'autres dirigeants et dirigeantes d'associations d'aide aux migrants qui se trouvent aujourd'hui en prison ont par ailleurs été arrêtés dans des conditions assez similaires, confie celui-ci à RFI. Comme ils sont incarcérés depuis des mois sans avoir été jugés, que l'instruction de leur dossier durent très longtemps et que la justice n'est plus du tout indépendante [en Tunisie], je ne suis pas très optimiste pour lui. Il est un bouc émissaire idéal pour les autorités. »
Selon l'essayiste Hatem Nafti, Abdallah El Saïd se savait menacé et est un «un bouc émissaire idéal pour les autorités»
Victor Mauriat Composé de plusieurs ONG, un comité de suivi pour lutter contre la criminalisation des politiques de solidarité a lancé un appel à soutenir Abdallah El Said, estimant que « son seul crime était d'être solidaire avec les enfants migrants et réfugiés dans la région de Médénine ». Romdhane Ben Amor dénonce lui « une nouvelle vague de répression plus dure » des militants d'aide aux migrants, après une première série d'arrestations en mai dernier ayant visé au moins trois organisations : l'association Mmemty, de la militante anti-raciste Saadia Mosbah, ainsi que Terre d'Asile et le Conseil tunisien pour les réfugiés.
Il s'agit d'« un message à tous les acteurs qui travaillent dans la solidarité avec les migrants », estime-t-il.
En février 2023, le président tunisien Kaïs Saïed avait dénoncé, dans un discours, l'arrivée dans le pays de « hordes de migrants clandestins d'Afrique subsaharienne » dans le cadre d'un « plan criminel pour changer la composition démographique » du pays. La Tunisie, dont les côtes sont situées à certains endroits à moins de 150 km de l'Italie, est l'un des principaux points de départ en Afrique du Nord pour les migrants subsahariens, qui tentent chaque année la périlleuse traversée de la Méditerranée.