L'image de tendresse complice entre le député du no 20 (Beau-Bassin-Petite-Rivière), Rajesh Bhagwan, et son épouse Asha a touché plus d'un. Bien que connu pour ne pas avoir la langue dans la poche, cette fois, c'est avec beaucoup de retenue que le député parle de son épouse.
La photo de leur couple uni a touché, le jour du dépouillement des bulletins, le lundi 11 novembre. Celle immortalisant le regard complice que jette Rajesh Bhagwan, réélu pour la dixième fois consécutive dans la circonscription no 20 (Beau-Bassin-Petite-Rivière) à son épouse Asha. Dans un geste tendre, le député sortant du Mouvement militant mauricien (MMM) lui effleure la main. Tout leur attachement s'exprime ainsi sans avoir besoin de paroles.
Les apparitions publiques de «Madame Bhagwan», c'est comme cela que son époux la nomme, sont rares. Et très discrètes.* «Mem si mo finn deza minis eski ou finn deza trouv Madam Bhagwan divan-divan?»* Autant lui est sous les feux des projecteurs politiques depuis plus de 40 ans, autant elle est dans l'ombre. Une demande pour la rencontrer formulée auprès de Rajesh Bhagwan est poliment, mais fermement refusée.
Mais dès que l'on évoque son épouse, le body language de Rajesh Bhagwan se métamorphose. L'homme politique à la carapace endurcie, surnommé «Bulldozer», est tout à coup complètement adouci. Le visage sérieux traduisant les mille préoccupations d'un début de mandat s'éclaire d'un large sourire. Il se met à l'aise sur la chaise derrière le bureau de la rue Vandermeersch, entre l'église du Sacré-Coeur et une station-service. Pose enfin son téléphone portable. Le mood n'est plus tout à fait à la lutte militante, mais à des morceaux choisis avec extrême parcimonie de sa félicité conjugale. Lequel bonheur est le socle de sa longévité politique, souligne Rajesh Bhagwan.
En homme public qui protège sa vie privée, Rajesh Bhagwan prend le temps de réfléchir avant de répondre. Esquive souvent. Avant de confier qu'Asha est originaire de Mumbai. «Elle vient du district de Borivli» dans l'État du Maharashtra. Rajesh et Asha Bhagwan ont des affinités familiales. «Sa grand-mère et ma grand-mère maternelle étaient soeurs.» Il souligne : «Je suis Mauricien. Nous avons des origines gujaraties.».
Lundi dernier, «mo ti mari kontan», s'enthousiasme-t-il. Pas seulement de sa victoire électorale, mais aussi parce que son épouse lui a fait une surprise en arrivant au centre de dépouillement à l'école Philippe Rivalland. «Madame Bhagwan est très respectueuse. Elle a beaucoup d'humilité. Zame enn kikenn pou dir ou li finn mal resevwar li. Ma maison était accessible à tout le monde, aux militants de Barkly, de Mont-Roches. Kouma tap laport, madam Bhagwan la. Li konn tou militan ek tou militan konn madam Bhagwan.» Il souligne la «simplicité» de son épouse qui «marche dans les rues de Rose-Hill. Elle connaît les magasins et le marché de Rose-Hill de fond en comble. Elle aime faire du shopping pour ses enfants et ses petits-enfants». Rajesh Bhagwan nous rappelle qu'il a été maire de Beau-Bassin-Rose-Hill, «monn gagn sofer». Il a été ministre, une fonction qui donne aussi droit à un chauffeur. «Me zame pouvwar inn mont dan latet mo madam ou mo bann zanfan.»L'élu précise : «Mes enfants appelaient toujours les chauffeurs, monsieur. À la base de mon succès, il y a Asha et mon défunt chauffeur, Ton René.» Un hommage appuyé qui se poursuit en ces termes : «Si j'ai trois filles qui sont aujourd'hui des professionnelles, si j'ai eu le temps de me consacrer à la politique, c'est grâce à Madame Bhagwan et le défunt Ton René.»
Dans le même souffle, Rajesh Bhagwan confie, «Mo pa ti pe preske okip lakaz. À la maison, she's the head. Elle a fixé des normes ancrées dans la tradition indienne. Nous n'avons jamais fait d'excès». Elle est le «roc» à ses côtes. **«Pou okip mo mem, pa fasil.» Avec la fierté d'un père, Rajesh Bhagwan explique que l'aînée de ses trois filles est cheffe de département de cancérologie à la King's London University. La cadette est chirurgien-dentiste en Angleterre et la benjamine est avocate attachée au bureau du Directeur des poursuites publiques. «Avec mes engagements politiques, s'il n'y avait pas eu la contribution de Madame Bhagwan, il n'y aurait pas eu le succès de mes enfants.»
Le ton change pour évoquer un souvenir douloureux. «En 2002, pendant que j'étais ministre, en route pour l'aéroport, nous avons subi un grave accident. Madame Bhagwan gravement blessée a passé plus de 35 jours à l'hôpital. J'ai reçu beaucoup de solidarité. Par sa simplicité, Madame Bhagwan est proche des militants.»
Cette épouse d'homme politique a connu des moments difficiles, a été sous pression, «quand il y a eu des cassures politiques, des moments difficiles dans l'opposition. Elle a vécu des fouilles policières de notre maison, ordonnées pour des raisons politiques, pendant une élection partielle», se souvient Rajesh Bhagwan. «Ma maison a été surveillée.» Des gros bras, notamment «à l'époque de l'escadron de la mort», ont rendu la situation très tendue pour Asha Bhagwan. Elle a dû gérer quand Rajesh Bhagwan s'est engagé en première ligne dans l'organisation des campagnes électorales successives, que ce soit pour les élections générales, partielles ou municipales, «pran depi 1983 vini mem. Elle m'a toléré pendant tout ce temps», sourit-il. «Sans ce soutien, mo pa ti pou la».
Madame Bhagwan est désormais une grand-mère dévouée pour ses deux petitsenfants. «Notre chagrin, c'est l'éloignement», affirme Rajesh Bhagwan. Distance abolie grâce aux moyens de communications. *«Nous avons une vie collective. Nos analyses médicales sont suivies par ma fille.» *
Pourquoi Rajesh Bhagwan a-t-il choisi Asha pour devenir Madame Bhagwan ? Sans jeu de mots, il lance : «Il y a la main de Dieu dedans.»