Rwanda: Génocide des Tutsi - Le tribunal administratif de Paris « incompétent » pour juger l'Etat français

Pour la justice administrative, les agissements de la France au Rwanda en 1994 constituaient des « actes de gouvernement » qui bénéficient d'une totale immunité juridictionnelle, alors que les requérants réclament 700 millions d'euros de réparation.

Le tribunal administratif de Paris s'est déclaré « incompétent » pour juger de la responsabilité de l'État français dans le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Cette décision est le fruit d'une requête déposée par des victimes du génocide visant à faire condamner cet Etat pour sa complicité présumée dans la tragédie survenue en 1994.

Le tribunal administratif considère « qu'il n'est pas compétent dès lors que les décisions et agissements de l'Etat français entre 1990 et 1994 à l'égard de l'Etat rwandais, puis de l'Organisation des Nations unies ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France », selon le quotidien "Le Monde". Ainsi, les faits incriminés constituaient des « actes de gouvernement » qui bénéficient d'une totale immunité juridictionnelle, en général pour des raisons de diplomatie, de sûreté intérieure ou extérieure ou de faits de guerre, à en croire la même source.

En se déclarant incompétent, le tribunal administratif se range derrière les arguments avancés par le ministère français des Armées lors de l'examen du dossier en octobre et renonce donc à examiner le fonds des accusations de « complicité » de génocide. Signée par une vingtaine de victimes ou témoins du génocide et deux associations, « Rwandais avenir » et le « Collectif des parties civiles pour le Rwanda », la requête avait été déposée en avril 2023.

Elle constitue une première devant la justice administrative. Les requérants accusent notamment la France de ne pas avoir dénoncé « le traité d'assistance militaire de 1975 à un gouvernement rwandais génocidaire », et réclament 700 millions d'euros de réparation. Ils sont déçus, mais annoncent faire appel. Ils pointent également la responsabilité de l'ancien secrétaire général de l'Elysée, Hubert Védrine, et plusieurs militaires, en particulier l'amiral Jacques Lanxade, chef d'état-major des armées en France en 1994, l'accusant d'avoir « outrepassé ses pouvoirs ».

Pour l'auteur de la requête, Philippe Raphaël, cette décision équivaut à offrir une « immunité juridique absolue » à l'État français. Il conteste le raisonnement juridique du tribunal administratif, compte tenu de la gravité des faits. La requête indexait également l'opération française « Turquoise » qui avait fait l'objet par la justice pénale en octobre 2023 d'un non- lieu général, contesté par les parties civiles qui ont fait appel.

En effet, les parties civiles accusent la France de « complicité de génocide » pour avoir, selon les Nations unies, sciemment abandonné pendant trois jours les civils Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, les laissant à la merci des génocidaires, du 27 au 30 juin 1994. Les massacres au Rwanda ont fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité Tutsi.

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