Afrique: Contre le virus mpox - Rendre plus sûrs les marchés de viande sauvage, cause originelle de l'épidémie

analyse

Les stratégies de lutte contre l'épidémie de mpox (anciennement appelé « variole du singe ») qui sévit en Afrique en 2024 se concentrent sur la prévention de la transmission interhumaine. Elles doivent aussi s'attaquer aux causes profondes, en l'occurrence la viande sauvage vendue sur les marchés « humides » et responsable de la transmission du virus de l'animal à l'humain.

Dans de nombreux pays du monde, les animaux sauvages sont parfois tués pour être mangés, notamment les singes, les rats et les écureuils.

La viande sauvage contribue de manière significative à la nutrition en Afrique et à la satisfaction des préférences alimentaires en Asie.

En Afrique, la récolte annuelle de viande sauvage, estimée entre 1 million et 5 millions de tonnes, est considérable par rapport à la production animale du continent, qui s'élève à environ 14 millions de tonnes par an.

Les chercheurs en santé publique soulignent depuis longtemps le fait que les pratiques non hygiéniques concernant la viande sauvage sont potentiellement dangereuses en raison du risque de transmission d'agents pathogènes des animaux aux humains, notamment par contact étroit lors de la chasse, de la transformation ou de la consommation de viande insuffisamment cuite.

Cette préoccupation a été particulièrement forte lors de l'épidémie d'Ebola de 2014 en République démocratique du Congo. On sait qu'Ebola passe des animaux aux humains et que ces derniers sont probablement infectés en touchant ou en consommant des animaux forestiers infectés, malades ou morts, tels que les chauves-souris frugivores.

La variole simienne mpox est une autre zoonose connue pour passer de l'animal à l'humain.

Plus de 1 100 personnes sont mortes du mpox en Afrique, continent où quelque 48 000 cas ont été enregistrés depuis janvier 2024 dans 19 pays.

Jusqu'à présent, les stratégies de lutte contre l'épidémie de mpox de 2024 se sont essentiellement concentrées sur la prévention de la transmission interhumaine.

Mais nous devons également remonter aux causes profondes de la maladie, en particulier lorsque le mpox est transmis des animaux aux humains.

Appliquer les leçons tirées de la sécurité alimentaire est essentielle pour résoudre ce qui est une préoccupation urgente de santé publique.

Les marchés « humides »

La viande sauvage est souvent vendue avec d'autres aliments frais sur les marchés informels, également appelés marchés « humides ». Ces marchés fonctionnent généralement avec peu de réglementation et de normes d'hygiène, ce qui augmente le risque de maladies.

Nous sommes des chercheurs en santé publique spécialisés dans l'expérimentation et l'évaluation de solutions aux zoonoses (lorsque les humains sont infectés par des animaux sauvages), à la résistance antimicrobienne (lorsque les antibiotiques ne sont plus efficaces) et à la sécurité alimentaire.

Dans une nouvelle publication, en collaboration avec des collègues du CGIAR, dans le cadre d'un partenariat mondial visant à relever les défis des systèmes alimentaires, nous examinons des solutions prometteuses pour faire face aux risques liés à la viande sauvage.

L'approche One Health en est la clé. One Health réunit des experts en santé publique, des vétérinaires, des spécialistes de la faune et de la flore sauvages ainsi que des responsables communautaires afin d'élaborer des mesures globales.

Un tabouret à trois pieds

Nos recherches ont montré que la sécurité alimentaire dans les marchés difficiles d'accès peut être améliorée si, et seulement si, trois domaines clés sont pris en compte :

Le renforcement des capacités : le renforcement des capacités permet d'offrir une formation et des technologies simples aux travailleurs des chaînes alimentaires et aux consommateurs.

Les efforts en matière de sécurité alimentaire sur les marchés informels se sont traditionnellement concentrés sur le fait d'encourager les communautés locales à adopter des pratiques plus sûres.

Il est essentiel de comprendre comment les gens perçoivent le risque de maladie et ce qui influence ces perceptions.

En République démocratique du Congo, par exemple, on observait une méfiance à l'égard des institutions officielles et un rejet des messages sanitaires du gouvernement liant Ebola à la viande de brousse.

Dans les communautés où les gens reconnaissent déjà les risques associés à la viande de brousse, les messages sanitaires pourraient se concentrer sur des mesures concrètes de protection.

Dans les endroits où le scepticisme existe, le partage des éléments de preuves concernant les risques pour la santé peut se révéler plus efficace.

Au lieu de promouvoir un programme anti-chasse, une approche plus utile pourrait consister à fournir des moyens afin de réduire le risque de transmission de maladies sans décourager complètement la chasse et la consommation.

Bien que cette approche ne permette pas d'éliminer tous les risques, elle sera probablement plus efficace qu'une campagne qui ne trouve pas d'écho au sein de la communauté.

S'il est important d'avoir les bonnes connaissances pour encourager le changement, il faut aussi des incitations.

La motivation et les incitations : bien que la sécurité alimentaire soit une préoccupation majeure pour les consommateurs du monde entier, elle est souvent reléguée au second plan par rapport à l'accessibilité financière. Pour ceux qui ont du mal à se procurer de la nourriture, la sécurité alimentaire n'est pas une priorité par rapport au coût.

Les gouvernements ont souvent eu recours à des interdictions et à des mesures d'application, notamment des amendes et des inspections, en tant qu'« incitations négatives » au changement.

En juin 2022, le gouvernement nigérian a interdit la vente de viande de brousse, par mesure de précaution, pour arrêter la propagation du virus mpox. Toutefois, ces interdictions peuvent avoir des conséquences inattendues, telles que la clandestinité des pratiques liées à la viande de brousse et l'aggravation des pratiques avec manque d'hygiène.

Il est potentiellement plus efficace de se concentrer sur les avantages économiques, sociaux ou moraux :

  • Les incitations économiques pourraient consister à décrire les gains financiers potentiels qui pourraient survenir en attirant une clientèle plus large, en raison de la confiance acquise grâce à une viande plus sûre.
  • Les incitations sociales pourraient consister à gagner la confiance des membres de la communauté.
  • Les incitations morales pourraient découler de la fierté de s'assurer que la viande de brousse est manipulée et vendue d'une manière qui réduit les risques pour la santé.

Les politiques et réglementations facilitantes : dans certaines communautés pauvres, les lois sur la sécurité alimentaire sont inexistantes ou ne s'appliquent pas aux marchés informels.

Reconnaître les vendeurs qui ont réalisé des améliorations notables en matière de sécurité alimentaire pourrait inciter d'autres personnes à suivre leur exemple.

En outre, la promotion d'autres sources de protéines en donnant accès à des options alimentaires abordables et nutritives et en soutenant des pratiques agricoles durables peut contribuer à réduire la dépendance à l'égard de la viande de brousse.

Regarder vers l'avenir

Ainsi, alors que les pays planifient leurs réponses face au mpox, il convient de garder à l'esprit trois considérations essentielles :

  • Premièrement, il est important de reconnaître que la viande de brousse est un élément essentiel de la vie de nombreuses communautés et qu'elle contribue à leur santé et à leur bien-être.
  • Deuxièmement, les réponses doivent être élaborées avec la participation des communautés locales, ce qui augmentera les chances de succès.
  • Enfin, les pays à revenu élevé devraient montrer l'exemple non seulement en partageant leurs connaissances, mais aussi en augmentant le financement des initiatives mondiales en matière de santé, car cela peut réduire considérablement le risque d'épidémies à l'avenir.

Steven Lam, Postdoctoral Scientist, CGIAR System Organization

Delia Grace, Professor Food Safety Systems at the Natural Resources Institute (UK) and contributing scientist ILRI, International Livestock Research Institute

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