Le cancer se manifeste lorsque les cellules d'un organe, comme le sein, ne répondent plus aux besoins de l'organisme et commencent à se multiplier de manière anarchique.
Ces cellules, appelées « cellules cancéreuses », s'autonomisent et se développent aux dépens de l'organisme, avec pour objectif ultime d'envahir celui-ci, pouvant entraîner la mort. Lorsqu'il s'agit du sein, on parle de cancer du sein. Le professeur agrégé, Nayi Zongo, cancérologue au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo évoque dans cette interview, les facteurs de risques, le coût de traitements, les difficultés rencontrées dans la prise en charge de la maladie.
Parlez-nous de la prévalence du cancer du sein au Burkina.
En ce qui concerne les principaux types de cancers, nous avons les cancers féminins, les cancers digestifs, les cancers urologiques et les cancers des tissus mous, représentant respectivement 40 %, 17 %, 15 % et 11 % de l'ensemble des cancers. Dans le cadre des cancers féminins, le cancer du sein reste le plus fréquent, représentant 55 % des cancers féminins. Le cancer du col de l'utérus occupe la deuxième place avec environ 23 %.
En matière de mortalité, le cancer du sein est le plus grand pourvoyeur de décès, car dans le monde, une femme meurt du cancer du sein chaque minute et au Burkina Faso, trois femmes meurent chaque jour de cette maladie. C'est énorme et inacceptable et nous devons y remédier. Il est également à noter que le cancer du sein est souvent découvert tardivement au Burkina Faso, ce qui rend les traitements plus lourds et coûteux, augmentant ainsi les taux de mortalité.
Quels sont les principaux facteurs de risque du cancer du sein chez les femmes au Burkina ?
Il existe de nombreux facteurs de risque pour le cancer du sein. Cependant, il est important de rappeler qu'un facteur de risque ne signifie pas nécessairement qu'une personne développera la maladie. Plus une personne a de facteurs de risque, plus la probabilité de développer un cancer du sein est élevée et vice versa.
L'âge est le premier facteur de risque. Plus une personne vieillit, plus le risque augmente. En général, les cancers du sein surviennent principalement en Occident autour de 60 ans, tandis que dans le contexte africain, ils surviennent environ 15 ans plus tôt. Au Burkina, au Niger, en Côte d'Ivoire et au Sénégal, l'âge moyen de survenue des cancers du sein se situe entre 40 et 50 ans.
Le deuxième facteur de risque est l'hérédité. Il existe des cancers du sein dits familiaux où l'on observe des cas parmi les grands-parents, les parents et les enfants. Les facteurs hormonaux, comme les taux d'oestrogènes élevés, peuvent également influencer le risque. Par exemple, une première grossesse tardive (après 35 ans), avoir peu d'enfants et l'utilisation de traitements hormonaux peuvent augmenter le risque. Des maladies bénignes du sein, appelées mastopathies, peuvent également être des facteurs de risque.
De plus, des facteurs métaboliques, comme l'obésité et le diabète, augmentent le risque, tout comme des facteurs environnementaux et des modes de vie, tels que l'exposition aux rayonnements, le tabagisme et le manque d'activité physique. Pratiquer régulièrement du sport peut réduire le risque de 25 %, tandis qu'une alimentation déséquilibrée peut l'augmenter.
Quels sont les signes d'alerte ?
Les signes d'alerte du cancer du sein doivent être pris au sérieux. Il n'existe pas de signe unique garantissant la présence d'un cancer. Les femmes ne doivent pas céder à la panique en cas d'anomalie, mais doivent consulter un médecin. Parmi les signes, on trouve des anomalies au niveau de la peau, comme des ulcérations ou des inflammations ressemblant à de la peau d'orange qui peuvent indiquer un cancer.
Des anomalies du mamelon, comme une rétraction ou l'écoulement de liquide (sang ou pus), doivent également alerter. Les changements de silhouette, comme un sein qui augmente de volume de manière inhabituelle ou des tuméfactions sont des signes à ne pas négliger. Des anomalies au niveau des ganglions axillaires peuvent aussi être le signe d'un cancer. En résumé, tout signe anormal doit pousser à consulter un médecin pour un diagnostic approfondi.
Quels sont les types de cancer les plus fréquents au Burkina ?
Il existe plusieurs classifications des cancers. La première est basée sur le tissu d'origine du cancer. Le sein est principalement composé de tissu glandulaire, c'est-à-dire de cellules qui produisent le lait. Lorsque le cancer se développe à ce niveau, on parle de «carcinome». Parmi les carcinomes, les carcinomes infiltrant non spécifiques sont les plus fréquents, représentant 85 % des cancers du sein.
Il y a aussi les carcinomes lobulaires qui proviennent des glandes productrices de lait, représentant environ 10 % des cancers du sein. Le sein contient également du tissu conjonctif, et lorsque des cancers se développent à partir de ces tissus, on parle de «sarcome du sein». Ce que nous souhaitons que la population comprenne, c'est qu'il existe plusieurs types de cancer du sein, selon le stade au moment du diagnostic.
Il y a le cancer du sein à un stade précoce, c'est-à-dire des cancers qui sont localisés uniquement à l'intérieur de la glande mammaire. Ce type de cancer peut être guéri avec des traitements moins lourds et moins coûteux. Idéalement, ces cancers doivent être détectés par un dépistage, tel que l'échographie mammaire, ou par l'auto-examen mensuel des seins effectué par la femme elle-même.
Le deuxième groupe concerne les cancers localement avancés. Ce sont des cancers qui ont évolué et qui atteignent parfois la peau du sein, la paroi thoracique ou les ganglions axillaires. Enfin, le dernier groupe est constitué des cancers «métastatiques», c'est-à-dire des cancers qui se sont répandus dans l'organisme, touchant plusieurs organes, comme le foie, les poumons ou les os. Ce dernier groupe est difficile à traiter et les soins sont souvent coûteux et fatigants pour le malade et sa famille, posant des difficultés économiques.
Quel peut être le coût de ces traitements ?
Concernant le coût des traitements, il est intéressant de noter que grâce aux efforts du gouvernement, la radiothérapie a été rendue gratuite par un décret présidentiel. Ainsi, toutes les femmes souffrant de cancer du sein ont droit à la radiothérapie qui est disponible et gratuite. Cependant, la radiothérapie n'est qu'un élément du traitement. La chirurgie, par exemple, n'est pas gratuite dans les hôpitaux publics, mais elle est quatre fois moins chère que dans les hôpitaux privés. Les coûts d'un traitement chirurgical varient entre 300 000 CFA et plus, en fonction de l'hôpital.
Pour la chimiothérapie, il s'agit d'un traitement coûteux. En moyenne, une patiente doit dépenser entre 100 000 et 150 000 CFA toutes les trois semaines, et ce, sans interruption pendant au moins huit cycles. Par conséquent, le coût total d'une chimiothérapie peut atteindre entre 750 000 et un million FCFA, ce qui nécessite un soutien pour les patientes.
Est-ce que durant le traitement, il y a des pertes de vue, des abandons de traitement ?
Naturellement, lorsque les patients ne peuvent plus payer les frais ou se déplacer, ils perdent souvent l'envie de continuer le traitement. Il y a des cas de patients qui abandonnent et se tournent vers la prière ou vers des traitements traditionnels.
Quelles sont les difficultés liées au traitement ?
Nous n'avons pas de problèmes d'équipements, car par exemple, pour la chirurgie, nous pouvons réaliser tous les types de chirurgies nécessaires au cancer du sein. Cependant, il y a des questions d'organisation au sein des unités fonctionnelles. En ce qui concerne la chimiothérapie, nous avons les ressources nécessaires pour son administration et les lieux où elle se pratique. Il est juste nécessaire d'améliorer et de renforcer ces services. La radiothérapie est fonctionnelle et gratuite à l'hôpital Bogodogo.
Quel est votre avis sur le traitement traditionnel ?
J'ai l'habitude de dire aux malades que ceux qui suivent un traitement traditionnel ont les mêmes autorisations d'exercice que les médecins. Cependant, ils ne sont pas toujours bien informés sur la pharmacopée traditionnelle. Si l'on ne comprend pas bien un traitement, il est difficile de le combattre ou de le conseiller.
Quels sont les acquis de la lutte contre le cancer du sein au Burkina Faso à ce jour ?
Il y a eu beaucoup d'avancées concernant le cancer du sein au Burkina Faso. Je pense que l'un des premiers acquis est que désormais toutes les femmes savent ce qu'est le cancer du sein, grâce à une grande sensibilisation, à la communication non seulement du ministère de la Santé, mais aussi des associations de lutte contre le cancer et de l'engagement des médias. C'est déjà très positif de savoir que le cancer du sein existe et que ce n'est pas une fatalité, car il existe des moyens efficaces pour le combattre, comme le dépistage par échographie mammaire, qui reste disponible et gratuit dans tous les hôpitaux publics ainsi que dans les cliniques mobiles.
Quelles sont les étapes du parcours de soins pour une femme diagnostiquée avec un cancer et les difficultés qu'elle rencontre ?
Lorsqu'une femme se rend chez le médecin pour une anomalie, il est d'abord nécessaire d'explorer son histoire personnelle, sa famille et son parcours. Après une première consultation, le médecin peut prescrire une échographie et une mammographie. Si des anomalies sont détectées, une biopsie peut être nécessaire. Les résultats de la biopsie doivent être obtenus dans un délai de 48 heures. En cas de cancer avéré, un bilan d'extension est réalisé pour déterminer si le cancer s'est propagé à d'autres organes. En fonction des résultats, un traitement adapté est mis en place, pouvant inclure une chirurgie, de la chimiothérapie ou une radiothérapie.
Une fois le traitement entamé, le suivi est essentiel. Les femmes doivent respecter les rendez-vous pour les chimiothérapies et les consultations. Cependant, il existe de nombreux obstacles, notamment la prise en charge financière. Les femmes doivent souvent se déplacer dans des hôpitaux à l'extérieur de leur région, ce qui complique l'accès aux soins. La fatigue et l'angoisse liées aux traitements peuvent également poser des difficultés.
Le cancer du sein est une réalité au Burkina Faso, mais la sensibilisation est essentielle. Les femmes doivent comprendre l'importance du dépistage et des consultations médicales pour détecter la maladie le plus tôt possible. En réduisant les inégalités dans l'accès aux soins et en améliorant la prise en charge des patientes, nous pouvons espérer réduire les taux de mortalité associés à cette maladie.
Votre mot de fin
Il n'existe pas encore des moyens pour prévenir le cancer du sein mais une démarche méthodique permet d'éviter aux femmes de mourir de cancer du sein. Il s'agit d'une formule claire qui s'apparente à un numéro de téléphone : 20354050. Cela signifie que :
- A partir de 20 ans : chaque femme doit faire l'autoexamen des seins tous les mois ;
- A partir de 35 ans : en plus de l'autoexamen des seins, chaque femme doit bénéficier annuellement d'un examen médical de ses seins ;
- Entre 40 et 50 ans : chaque femme doit réaliser une mammographie tous les 3 ans. Important car les moyennes d'âge de survenue du cancer du sein en Afrique oscillent entre 40 et 50 ans
- A partir de 50 ans : chaque femme doit réaliser une mammographie tous les deux ans, conformément au standard mondial.