Face à l'influence de la culture mondiale de nos jours, la tribu Antakarana reste quand même fidèle à ses traditions. Elle a encore célébré la cérémonie « Tsangatsaigny » ou érection du mât royal, vendredi dernier.
Ce rite traditionnel rassemble, tous les cinq ans, un millier de membres de la population Antakarana dans le village d'Ambatoharanana, situé à 27 km d'Ambilobe. Il a pour objet de renforcer l'unité du peuple et de la monarchie Antakarana.
Pour le roi régnant des Antakarana, Issa Alexandre Tsimiamboholahy, ou Issa Tsimiaro III, il s'agit de sa 8e Tsangatsaigny depuis son accession au trône en 1982. Ce dernier, leur onzième roi, est leur chef suprême et le garant de la prospérité de son peuple et de la cohésion sociale.
Outre le bain rituel « Fisehagna » et le « ziara », l'érection du mât royal est la plus grande fête du peuple Antakarana. Elle consiste à manifester son attachement à ses traditions et à son roi.
Le « Tsangatsaigny » est aussi une occasion de rappeler les valeurs essentielles de cette ethnie et de fortifier son unité historique. Cette fête collective Antakarana est animée par des chants et des danses, accompagnés de sacrifices et de prières.
Le principe est de se retrouver entre Antakarana venant des quatre coins de l'île. C'est une occasion de se donner des nouvelles et de se réunir entre eux. Mais toute la population est également invitée pour l'occasion, afin de faire connaissance avec la région et ses habitants, ainsi que de découvrir de près les traditions des autres.
C'est pour cela que les autorités régionales, civiles et militaires, ainsi que les représentants des associations culturelles, ont été présents à cette manifestation culturelle.
D'inspiration guerrière
« Le Tsangatsaigny symbolise la royauté Antakarana, mais il est aussi un moyen de légitimer son pouvoir. Le sacré et le pouvoir sont étroitement liés. Ce rituel est considéré comme un phénomène social total, car il comporte les dimensions religieuses, culturelles, sociales, politiques et économiques », a affirmé Picot Jacques Benjamin, un notable d'Ambilobe.
Lors du jour « J » de l'érection du mât royal, qui ne se pratique que le vendredi, le roi, en grand uniforme, entouré de vieux conseillers, sur une chaise à porteurs, effectue sept tours d'honneur autour du mât dans un silence d'or.
Selon les explications, les danses sacrées ou « Rebika », d'origine sakalava, d'inspiration guerrière, s'exécutent pendant toute cérémonie royale. À la fin de la prestation, les danseurs viennent s'agenouiller devant le « Mpanjaka » en baissant le front et en présentant le fusil étendu à plat sur leurs mains ouvertes. Ainsi, ce rite permet de hisser le pavillon du royaume Antakarana.
Il est important de noter que le mât est taillé dans le tronc d'un arbre choisi en forêt par le devin. Il est confectionné avec deux arbres, mâle et femelle, et transporté, par des hommes, de village en village jusqu'à la localité royale d'Ambatoharanana. Il est alors érigé devant la demeure royale avec le drapeau national malgache et le drapeau Antakarana.
Le royaume des Antakarana s'étendait des îles Mitsio à la rivière de Bemarivo à Sambava, en passant par le cap d'Ambre, jusqu'à Nosy Faly à Ambanja. Au XIXe siècle, lorsque le roi merina Radama I tentait de conquérir le nord de l'île, les rois locaux et une partie de la population se réfugièrent dans les grottes du massif. D'où la présence de tombes royales sacrées, où se déroulent encore d'importantes cérémonies et où de nombreux «fady» gardent une très grande vigueur. Ainsi, aujourd'hui, la tribu merina n'y a pas toujours accès en raison de la guerre de Radama I.